Prologue premier : Saulaine, Meredith

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PREMIER VOLUME DE LA SÉRIE

Angleterre 1854, Comté de Surrey, Mole Valley, 4h47 de l'après-midi...

Lorsque la porte principale se referma dans un bruit sec et des éclats de voix masculines, Saulaine sursauta. Debout à l'étage, elle sentait sa poitrine se contracter. La personne qui venait de sortir après avoir été insulté par le docteur Miller, était le cousin de la jeune fille.

Ralph, âgé de dix-neuf ans, n'était pourtant pas susceptible de nature et manifestait rarement sa colère de façon flagrante. C'était un jeune homme bienveillant, patient et de fréquentation très agréable. Seulement, le père de Saulaine ne voyait pas les choses sous cet angle. Pour le praticien, ce n'était qu'un contrariant enfant illégitime dont il devait s'occuper depuis six ans, sous la demande de son épouse.

- Je ne comprends pas pour quelle raison vous vouez une telle animosité à mon neveu. Il ne le mérite pas ! s'indigna Mme Therese Miller.

Elle s'adressait ainsi à son mari et à son beau-frère Rodrigue Miller, ainsi qu'aux deux fils de ce dernier. Tous étaient réunis au salon.

- Je trouve ce garçon trop arrogant, nous ne faisions que faire des suppositions, railla le docteur confortablement assis dans un fauteuil. S'il n'est pas satisfait de vivre sous ma coupe, il n'a qu'à s'en aller.

- Je suis d'accord avec mon frère, Therese, déclara Rodrigue. Ce garnement profite depuis bien trop longtemps de sa générosité. Les bâtards ont rarement droit à ce type de privilèges.

- Veuillez vous rappeler que ce n'est pas de sa faute s'il a été conçu hors mariage. Il n'a pas à être jugé pour les choix d'autrui.

Ralph était le fils unique de Sorelle, la sœur cadette de Therese, morte d'une infection pulmonaire.

Une vingtaine d'années plus tôt, alors qu'elle n'avait que seize ans, Sorelle avait été séduite par un homme qui l'avait mise enceinte avant de s'évaporer dans la nature. Toute la famille avait été sous le choc. Personne ne connaissait l'identité du géniteur, la tante de Saulaine n'ayant jamais voulu révéler la moindre information sur lui, malgré l'insistance et la pression de ses proches.

- J'en ai assez de vous écouter prendre sa défense, grogna le docteur. Depuis qu'il a treize ans, je subviens à ses besoins alors que rien ne m'y oblige. J'ai payé son apprentissage en maçonnerie et celui en charpenterie, c'en est déjà trop. Je ne tolère plus sa présence dans notre foyer et c'est mon droit.

- Ralph s'est toujours montré reconnaissant, utile et obéissant. Cela fait presque deux ans qu'il participe aux dépenses courantes de la maison grâce aux chantiers sur lesquels il est fréquemment embauché. Ne parlez pas de lui comme d'un moins-que-rien. Je ne vois pas en quoi il vous gêne, notre habitation est grande, il sait se faire discret et sa présence est rassurante quand vous faites des déplacements professionnels.

- À dix-neuf ans, je le considère suffisamment grand et outillé pour voler de ses propres ailes. S'il est vrai qu'il est quelque peu utile ici, il faut reconnaître qu'il n'est pas non plus indispensable.

- Notre fille le considère comme son grand frère et souhaite sans doute qu'il continue de vivre avec nous, du moins jusqu'à sa majorité. C'est mon neveu, la chair de ma chair, je l'aime et je veux le meilleur pour sa vie. Je ne m'oppose donc pas au fait qu'il puisse s'en aller et prendre son indépendance, mais il faut lui laisser le temps nécessaire.

- Vous êtes trop protectrice. C'est bien ça les femmes !

- Je vous saurais gré de retirer votre dernière phrase, monsieur mon époux, répliqua sèchement la belle quadragénaire. S'il vous plaît.

La Conquête D'une Lueur D'espoir (Les Courtisanes De La Liberté)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant