Chapitre 3 : Phoebe, Saulaine

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Résidence londonienne de la marquise de Buckingham, 4h46 de l'après-midi...

Un mois s'était écoulé depuis que Phoebe avait quitté l'Amérique pour retourner en Angleterre, sa terre natale ; six années après le scandale qui l'avait éclaboussée. Elle avait passé deux semaines agréables dans le vaste domaine de son frère avant de prendre la route de Londres avec celui-ci, en vue d'y passer toute la saison mondaine. Cela ne lui rappelait pas les meilleurs souvenirs, mais la jeune femme ne s'en plaignait pas, son actuelle situation n'étant guère celle du passé. Elle avait grandi, gagné en expérience et en assurance, avait un regard plus averti vis-à-vis de la vie et savait affronter cette dernière avec tout le courage nécessaire.

À vingt-quatre ans, bien qu'étant la sur d'un duc et ayant une dot conséquente, lady Phoebe, à la différence des femmes de son milieu, exerçait un métier au su de tous. Elle était artiste-peintre et recevait régulièrement des commandes de portraits et de paysages au sein de la noblesse, de la bourgeoisie et d'institutions - religieuses, caritatives, sociales, scolaires et autres. En plus de ça, il lui arrivait d'être sollicitée par certaines maisons d'édition pour illustrer des ouvrages. Son talent impressionnant de précision et admirable de finesse, dégageait tant d'émotions insaisissables, que même les plus perfides et conservateurs se retrouvaient contraints d'admettre que « pour une femme », elle était douée.

Entre les expressions telles que « fiancée délaissée », « bas bleus rebelle », « artiste myope » ou « infirme blonde » que l'on utilisait fréquemment pour la décrire, il fallait avoir une solide estime de soi et apprécier réellement sa vie pour ne guère en tenir compte. Phoebe se formalisait peu de ce qu'on pensait d'elle, loin de là, car trop consciente de l'immense chance qui était sienne, de jouir de plus d'épanouissement et de liberté que la grande majorité des femmes de la société. Le prix à payer en valait la peine. Si son talent, sa détermination et son application avaient été pour beaucoup dans la réussite de sa carrière, le soutien de son frère, de sa famille proche et de leurs relations avaient été un avantage extraordinaire.

- Je vous revaudrai le service que vous venez de me rendre, ma chère, murmura une femme à côté de Phoebe. Ce n'est pas tous les jours que l'on puit confier ses soucis à une amie comme vous.

- Ce n'est rien, miss Berry. J'ai fait ce qui me semble juste.

- Oh... Vous êtes décidément une bonne chrétienne, soupira son interlocutrice. Dès que possible, je vous rembourserai.

La blonde acquiesça légèrement, sans la regarder.

Les deux interlocutrices n'étaient pas seules. Elles se trouvaient dans le grand et élégant salon de la marquise de Buckingham, qui avait invité plusieurs femmes de leur milieu, indépendamment de l'âge, à venir prendre du thé. Des amuse-bouches succulents et des jeux de société étaient mis à leur disposition, mais la plupart des invitées avaient préféré former quelques groupes, non loin les uns des autres, pour entretenir différents sujets de conversation. Elles étaient un peu plus d'une vingtaine, debout ou assises, et leur hôtesse se déplaçait pour participer aux échanges entre chacune d'elles, en compagnie de sa fille aînée ; une demoiselle ravissante qui allait bientôt faire son entrée dans la bonne société.

La marquise arriva au niveau de Phoebe qui était debout, face à un tableau accroché au mur. Il représentait un oiseau déployant ses ailes.

- Lady Phoebe, Miss Berry, quelle joie de vous accueillir chez moi ! s'exprima l'hôtesse.

- Le plaisir est partagé, sourit la blonde qui chaussait une fine paire de lunettes, en pivotant.

- Moi de même, répondit Miss Falone Berry. Je suis ravie d'être présente.

La Conquête D'une Lueur D'espoir (Les Courtisanes De La Liberté)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant