Chapitre 18 : Saulaine, Phoebe, Jade.

449 30 49
                                    

Londres, Covent Garden, théâtre Royal de Drury Lane, 23h46...

Au cœur d'un des quartiers les plus vibrants de la ville, installé dans une somptueuse loge, le duc de Portland trônait avec une prestance naturelle parmi ses pairs, sa silhouette imposante se détachant élégamment contre le velours pourpre des tentures, tandis que les lustres étincelants projetaient une lumière douce sur l'assemblée essentiellement aristocratique et bourgeoise. Non loin, Saulaine se permettait de lui jeter de brefs coups d'œil et de lui offrir de timides sourires, auxquels il répondait par des regards entendus. Elle se sentait reconnaissante de profiter d'une telle soirée aux côtés de ces gens qu'elle avait connus il y a peu, mais qui faisaient le nécessaire pour qu'elle se sente acceptée et confiante. C'était lady Phoebe qui avait eu l'idée de proposer qu'ils se rendent tous au théâtre, étant motivée par la volonté de voir Saulaine s'amuser véritablement et se changer les idées, après son pénible échange avec le comte de Surrey.

Remerciant son amie et voisine de siège dans un chuchotement enthousiaste, celle-ci eut un petit rire chaleureux en se ventilant avec son éventail raffiné. Sur la gauche du duc, étaient assis lady Phoebe, puis Saulaine, le comte de Derby, lady Jayne et la mère de cette dernière - aucune trace de Meredith. Sur la droite, il y avait lord Ashford et le cousin de celui-ci venu avec son épouse. De temps à autre, il pouvait avoir entre eux des regards perçants et des observations émises à voix basse au sujet de la scène ou non. L'atmosphère était agréable.

La jeune femme travestie, qui à cause de ses lectures d'enfance, avait toujours voulu profiter de ce type de distractions culturelles et artistiques, sans toutefois oser croire que ce serait possible si tôt, avait l'impression de vivre un rêve. Non seulement elle était dans une des salles théâtrales les plus prestigieuses de la capitale, mais aujourd'hui, elle bénéficiait du confort d'une splendide loge aux côtés de gens d'influence bienveillants et jouissait aussi d'une vue enviable sur la scène.

La pièce qui se jouait s'intitulait « Le Comte de Monte-Cristo », adaptation théâtrale captivante du célèbre roman d'Alexandre Dumas qui avait réussi à séduire tout le continent. Sur scène, les décors grandioses évoquaient les ruelles sinueuses du vieux Paris, tandis que les acteurs talentueux, vêtus de costumes somptueux, transportaient l'audience dans un tourbillon de vengeance et de passion. Les voix enchanteresses et mélodieuses des sopranos résonnaient dans la vaste salle, accompagnées par un orchestre invisible qui était caché derrière les coulisses. Chaque détail était soigneusement orchestré pour captiver les sens et émouvoir les cœurs, un spectacle magistral qui faisait honneur à la renommée du théâtre Royal.

Les yeux pétillants d'admiration, Saulaine observait chaque geste et mouvement des acteurs avec grande concentration, se laissait porter par chaque nuance de son et de lumière qui était devenue une source d'émerveillement. Elle se sentait participante et observatrice à la fois, plongée dans un monde dramatique où la réalité et la fiction se mêlaient harmonieusement. Dans cette ambiance, les rires discrets des dames élégantes, parées de leurs plus beaux atours, résonnaient doucement. Les hommes, quant à eux, discutaient en murmures mesurés d'affaires et de politique tout en gardant un œil sur la pièce qui se déployait. Et comme souvent, on pouvait répéter les sourires complices et attendus ou des jeux de séduction, pour peu qu'on était attentif et curieux de l'entourage.

- Dommage que Falone n'ait pu venir, soupira lady Phoebe à la fin du troisième acte.

- Il y aura d'autres occasions, la consola Saul dans un murmure.

Le duc échangeait avec son ami et le cousin de ce dernier, à voix basse.

- Oui, vous avez raison.

La Conquête D'une Lueur D'espoir (Les Courtisanes De La Liberté)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant