Chapitre 10 : Saulaine, Jade, Saulaine.

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Londres, prestigieux restaurant à St-James, 17h31...

Tirée à quatre épingles dans un sombre costume, assise sur une chaise confortable au balcon du troisième niveau d'un immeuble, avec une vue magnifique sur les rues, le vendredi de Saulaine se poursuivait selon le programme du duc de Portland. Ce dernier avait décidé qu'après le parc, il fallait que les membres de la hautes société la voient dans d'autres endroits avec lui. Ce qui allait les familiariser avec son visage et faire parler d'elle en amont, leur inspirer une certaine considération puisque le pair la traitait avec égard, de sorte qu'ils l'accepteraient plus aisément.

Sous une requête ducale, le repas allait leur être servi dans une quinzaine de minutes. La jeune femme, en patientant, s'efforçait d'avoir un maintien convenable et buvait de temps à autre un peu d'eau.

- Est-ce la première fois que vous venez dans ce type d'endroit ? interrogea son interlocuteur qui l'observait attentivement depuis leur installation.

- Oui, souffla-t-elle.

Saulaine était impressionnée par les lieux dans lesquelles elle évoluait ces derniers jours. Ce restaurant, par exemple, n'était pas accessible ou envisageable pour le commun des personnes, du moins en tant que client, car il pouvait se permettre de rêver d'y travailler. Pour autant, cela ne lui donnait point l'impression d'être au dessus du lot, c'était juste une expérience très enrichissante et différente qui lui permettait de voir la vie sous un prisme plus large. La jeune femme n'oubliait également pas que c'était une illusion, un brève saison pour sa vie.

- Cela vous intimide-t-il ?

- Partiellement, Votre Grâce. Je suis avec vous, donc c'est moins oppressant que si j'avais été seule, expliqua-t-elle sur un ton neutre.

- Ma présence vous rassure. Que c'est agréable à savoir.

- Ne vous moquez pas de moi, s'il vous plaît.

- Pourquoi pas ? Vous paraissez si tendue et rigide qu'il faut bien que quelqu'un s'efforce de vous dérider.

- Cette mission n'est-elle pas trop dévalorisante pour un homme de votre rang ?

- Je ne suis pas esclave de mon statut, ma chère. J'aime faire ce qui me plaît et j'apprécie agir selon mes propres règles tant qu'elles ne portent pas atteinte à mes aspirations. Essayez de faire pareil à votre niveau.

- D'accord.

- Est-ce tout ce que vous trouvez à dire ?

- Devant autant d'assurance, je ne peux que m'incliner.

- Vous êtes certaine que si je n'avais pas été dans ma position, je n'aurais pu tenir ce discours, constata-t-il.

- Pouvez-vous nier qu'une partie de votre confiance en soi est étroitement liée au statut qui est vôtre ?

- Non.

- Alors, mon silence s'explique, Votre Grâce. Même avec la meilleure volonté, je doute que vous puissiez comprendre à quel point il est douloureux d'avoir si peu de contrôle que moi sur sa propre vie. Suivre ou non les règles n'a plus rien de drôle dans ce cas, cela devient une question de suivie. Être aussi dépendant peut briser l'estime qu'on aurait aimé avoir pour soi.

- Continuez.

- Je suis contrainte depuis fort longtemps d'aller dans le sens d'autrui, même lorsque cela va contre mes convictions. Je ne m'en plains plus, je reconnais mes vulnérabilités, ma faiblesse et j'essaie de les dépasser.

- Peut-être aviez-vous plus de choix que vous le pensez et que seul le courage vous faisait défaut, Saul. Parfois c'est ça la dure réalité difficile à accepter.

La Conquête D'une Lueur D'espoir (Les Courtisanes De La Liberté)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant