Chapitre 13 : Phoebe, Saulaine, Vann, Ulysse.

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Nottinghamshire, abbaye de Welbeck, 10 ans plus tôt, 10h20...

Le manoir de Welbeck, choisi comme résidence de campagne principale des ducs de Portland depuis plusieurs générations, était un édifice impressionnant et magnifique dont les terres s'étendaient sur des milliers de kilomètres. Situé dans un parc vallonné, l'imposant domaine était à la lisière de la forêt de Sherwood et constituait un lieu propice à la chasse. Nombre de nobles s'emparaient, sans s'en cacher, de la moindre occasion pour passer du temps dans cet endroit majestueux, paisible et luxuriant.

Tenant contre sa poitrine un grand carnet de dessin aux pages solides et portant une gibecière à travers l'épaule - qui contenait tout son matériel basique d'art -, Phoebe put quitter la résidence familiale avec la permission de sa mère. Les lieux étant très bien gardés et sécurisés, la jeune fille bénéficiait fréquemment de la possibilité de se promener toute seule, mais jamais assez loin pour inquiéter ses proches et les domestiques. Elle avait la chance d'avoir depuis toujours joui de beaucoup de liberté pour une personne de son milieu, et s'en émerveillait sans cesse au réveil.

La journée s'annonçait riche en productivité, car il faisait beau temps et la nature déployait des couleurs vives et émouvantes, qu'elle allait se plaire à observer pour les retranscrire de manière assez fidèle avec ses crayons.

Les cheveux blonds coiffés en une natte unique qui lui tombait dans le dos, vêtue d'une chemise bleue à manches longues enfilée dans une sage jupe évasée noire, portant des dessous épais et une élégante paire de bottines en cuir souple, la jolie demoiselle choisit de s'aventurer au milieu des grands arbres qui lui faisaient face. Elle prévoyait de s'exercer non loin d'un lac, au bord duquel venaient s'abreuver des bêtes quasi inoffensives et nageaient des cygnes. S'étirant quelque peu, elle marcha patiemment jusqu'à son coin favori d'où elle aimait se tenir pour travailler, mais ne put que s'immobiliser deux secondes plus tard.

- Oh, souffla-t-elle en découvrant que l'endroit était déjà occupée.

Ayant étalé une large couverture sur l'herbe fraiche, lord Ulysse était couché sur celle-ci et avait les yeux fermés. Les longues jambes étendues et entrouvertes, les mains croisées sur le ventre, le visage serein reposant sur le côté à l'ombre des branches d'un arbre, on pouvait deviner à son expression et au mouvement régulier de son buste large, qu'il dormait d'un sommeil profond. Il ne portait qu'un pantalon ample et une chemise entrouverte ; ses pieds étaient nus, ses bottes étant posées non loin de là. L'image qu'il renvoyait était troublante.

C'était l'un des deux meilleurs amis de son frère, l'héritier du comté de Surrey, et surtout... la créature masculine la plus époustouflante qu'il lui ait été donné de voir au cours de ses modestes années de vie. Chaque fois qu'elle posait les yeux sur lui, son souffle s'ébranlait un moment avant de reprendre un cours normal. La première fois qu'elle l'avait vu, c'était il y a trois ans, lorsque le comte de Surrey et toute sa famille étaient venus rendre visite à la duchesse de Portland - très malade durant un trimestre. Vann et lui ayant le même âge, s'étaient très vite liés et avaient commencé à partager une correspondance après le départ du jeune visiteur. Depuis cette époque, il était souvent revenu au manoir, pour le grand ravissement de son frère qui était devenu moins solitaire, et le plaisir secret de Phoebe qui était subjuguée par son charme.

Les vacances scolaires étaient la raison qui expliquait sa présence et celle de quatre autres jeunes aristocrates à Welbeck, pendant cette période de l'année. En effet, comme Vann, ils étudiaient tous à l'université de Cambridge et c'était leur deuxième année en cours. Ah, les garçons ! Comme elles les enviait ! Ils semblaient s'amuser comme des fous, sans prise de tête. La nuit dernière, ils avaient été à la célébration d'un mariage et étaient rentrés aux environs de quatre heures du matin. Comment le savait-elle ? Il suffisait de tendre l'oreille aux conversations de la domesticité.

La Conquête D'une Lueur D'espoir (Les Courtisanes De La Liberté)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant