Chapitre 1 : Meredith

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Angleterre, année 1863, grande propriété campagnarde du comte de Derby...

Neuf ans s'étaient écoulées depuis le quinzième anniversaire de Meredith. À vingt-quatre ans, au lieu d'être une brillante préceptrice auprès d'enfants de familles aisées, ou enseignante multidisciplinaire dans une prestigieuse école de finition, la jeune femme était devenue chambrière. Quel parcours inattendu ! On pouvait reprocher bien des choses à la vie, mais il fallait bien admettre que cette grande farceuse ne manquait pas d'ironie. Aujourd'hui, son rêve d'ouvrir un jour sa propre école lui semblait malheureusement inaccessible, voire chimérique. Et cette réalité lui faisait parfois si mal, qu'elle passait des nuits à en pleurer.

Son quotidien qui commençait dès l'aube, était rempli de multiples tâches qu'elle listait. À savoir, préparer les différents appartements et chambres pour ses employeurs ou des invités, faire les lits, assister la comtesse et sa fille si on l'y conviait, fixer l'aération des pièces, nettoyer avec soin les différentes surfaces étant à sa charge, nettoyer les chaussures, faire la lessive et confier les plus délicats textiles à aux blanchisseuses de la zone, repasser les vêtements et plier le linge propre. Ou encore, ranger les affaires personnelles des hauts occupants de la résidence, nettoyer les salles de bain après utilisation, apporter le petit déjeuner et d'autres repas dans la salle à manger, au salon, dans les chambres ou ailleurs.

Elle devait remplir les carafes d'eau, nettoyer les cheminées, procéder au dépoussiérage des meubles, ravitailler les articles de toilette, vider et nettoyer les poubelles, réapprovisionner les fournitures sous les directives de la gouvernante, accompagner ses employeurs dans certaines de leurs courses, et en oubliait bien d'autres tâches. Même si elles étaient trois à ce poste, il n'était pas nécessaire de préciser que Meredith terminait la plupart de ses soirées, exténuée. Mais tous les dimanches, heureusement, elle pouvait se reposer la journée entière, et essayer de s'évader de cette réalité qui lui avait plus ou moins été imposée, ce, depuis six années.

À qui devait-elle ce drastique et douloureux bouleversement dans son existence ? À celle qu'elle avait longtemps et à tort, considérée comme sa meilleure amie et sa fidèle confidence : Jade O'Brien. Une traîtresse de la pire catégorie !

« Comté de Surrey, souvenirs d'il y a six ans...

Dans le grand atelier de madame Robbins, Meredith était en train de prendre les mesures d'une cliente enthousiaste, lorsque son petit frère – âgé de treize ans à l'époque – avait débarqué dans la pièce, en panique. Tout en sueur, essoufflé, le regard hagard empli de larmes retenus.

- Mère a été arrêtée ! s'écria-t-il. Et Père est entre les mains du docteur Miller. Il est dans un sal état et j'ai peur pour sa vie.

- Quoi ?! s'exprima Meredith en laissant tomber le mètre et les aiguilles qu'elle tenait plus tôt.

Toutes les personnes présentes dans la pièce, firent silence pour écouter ce que Phil avait à dire.

- Me... Mère, balbutia le garçon, elle... a poignardé Papa. C... C'est la raison pour laquelle la police l'a arrêtée.

- Je ne comprends pas, ce n'est pas possible. C'est de notre mère que tu parles, Phil. La femme la plus douce et tempérée que l'on connaisse… Elle serait incapable de commettre un tel acte !

Son petit frère essuya une larme qui avait coulé sur sa joue, avant d'approcher sa sœur pour parler.

- Viens, Meredith. Tu verras par toi-même, dit-il. Elle n'a pas nié sa responsabilité et a reconnu les faits.

La Conquête D'une Lueur D'espoir (Les Courtisanes De La Liberté)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant