Piégés (FR)

Chapitre 12

Comme nous l'avions déjà déduit de par sa voix, l'indic en question était une fille ; pas une ancienne. Ça m'a intriguée, mais je pouvais facilement comprendre qu'elle cherchait juste à agir de la meilleure façon possible. C'était une fille au physique californien ; grande, blonde, peau bronzée, sourire Colgate et grands yeux. Heureusement qu'elle ne bossait pas pour Felix, parce que ça m'aurait donné plein de raisons de la détester.

Elle est entrée, a posé sa veste sur une chaise, et a immédiatement tiqué lorsqu'elle m'a vue.

-C'est elle ? A-t-elle demandé en s'adressant à Felix.

-Oui, et j'ai un prénom, ai-je répondu à sa place.

J'ai eu le droit à un regard noir, que je lui ai rendu. On était toutes les deux en train de se rendre compte que même si on s'aidait, on était aussi énervantes l'une que l'autre. Mais j'allais éviter de l'irriter plus longtemps ; c'était un élément précieux et je m'en serais mordue les doigts si on l'avait perdue par ma faute.

Felix a échangé quelques mots avec l'indic, avant de se retourner et de soupirer bruyamment ;

-Bon, pourquoi t'es venue ?

-Pour le soda, ai-je blagué. Et prendre de vos nouvelles.

-Wow, j'aimerais avoir plus d'ennemis aussi prévenants, a dit Felix avec une pointe d'admiration.

-Depuis quand je suis classifiée « ennemie » ?

Là, j'étais vexée. Pourquoi les gens avaient tout le temps besoin de se trouver d'ennemis ? Ils s'ennuyaient à ce point.

-Depuis que tu m'as frappé devant tout le monde ? A proposé Felix.

-Ton pote a fait la même à Melanie, ai-je rétorqué. pourtant elle a pas ordonnée à tout le monde de le lyncher publiquement.

Il s'est tu pendant quelques secondes. J'avais marqué un point.

-Oui, enfin vous avez tué quelqu'un quand même, a-t-il finalement dit.

J'ai manqué de m'étouffer avec le soda, mais comme je me forçais à conserver un minimum de prestance pendant ce genre de discussions diplomatiques, je ne l'ai pas fait.

-Quand ça, et qui ? Ai-je demandé d'un ton plus intransigeant.

-Cet mec, Andy, a répondu Felix, presque dédaigneux. On était sortis pour voir son corps.

-Je ne me souviens pas d'avoir vu ou entendu ce type être tué. Je ne l'ai pas tué non plus, d'ailleurs.

-Mais ça ne change rien au fait qu'il est mort.

-Ce que j'essayais de te dire, c'est que rien ne me le prouve, et je ne compte pas me baser sur les dires de quelqu'un qui m'a classifiée « ennemie ».

-Tu veux qu'on te ramène un de ses doigt pour te prouver qu'il a bien été refroidi, ou ça se passe comment ?

Tiens, il parlait argot, maintenant. C'était bien la première personne que je voyais qui se mettait à parler en argot quand on l'agaçait.

-Je veux simplement une preuve tangible, ai-je expliqué.

-Bah son corps est toujours là où on l'a trouvé, j'ai dit au gens de ne pas le déplacer.

-Où ça ?

-Maison hantée.

-Donc je viens me rendre, et toi tu me dis de me barrer ? Ai-je dit avec répartie.

Mais mon esprit venait de se concentrer sur tout autre chose ; les dix minutes qui s'étaient écoulées entre moi sortant de la maison hantée et Graham sortant de la maison hantée. On pouvait facilement tuer une personne en dix minutes, même plus, les attentats et tueries de masse l'avaient prouvée. Et même s'il semblait être sur la voie d'une sorte de rédemption, Graham restait quelqu'un de violent avec une certaine tendance à la vengeance. Qu'il aie tué quelqu'un m'étonnerait peut-être, mais après qu'on aie découvert qu'Andy aidait l'autre camp, je pouvais comprendre que quelqu'un comme Graham se laisse dépasser.

-En effet, oui, a dit Felix, indifférent à mon trouble.

Il y a eu une seconde de silence, puis un type aux cheveux bruns est apparu en écartant les bras.

-Surprise ! A-t-il hurlé.

Tout le monde a sursauté, mais s'est étrangement retrouvé figé dans le geste. Le farceur s'est retourné vers moi en riant aux larmes.

-J'adore faire ça, a-t-il expliqué.

-Ça te fera beaucoup moins rire le jour où tu provoqueras une crise cardiaque à quelqu'un, ai-je dit, soudainement sur les nerfs. Et bonjour.

J'ai bu une gorgée de coca, et réalisé que Felix, Noah et l'indic étaient toujours figés en train de sursauter. Le temps était arrêtés, et le farceur et moi étions les seuls éléments mouvants du décor. J'avais probablement affaire à un 2.0 d'excellente humeur et prêt à ficher en l'air la continuité temporelle. Son apparence physique, ces cheveux bruns, ces yeux pétillants et ces sourcils arqués me suggéraient également que c'était le frère jumeau porté disparu d'Amelia. Il m'a fait un léger geste de la main, soudain plus calme ;

-Ah oui, salut. Je suis Ley.

-Enchantée. Que me vaut cette visite...

-Surprise ?

Il a encore gloussé, visiblement fier de lui. Je n'était pas sûr que le fait que quelqu'un s'amuse ici me rassurait, mais je n'ai pas fait de remarquer. Mieux valait en rire qu'en pleurer.

-Oui, donc j'ai réussi à rentrer au Lonely, et après que tout le monde ai fini de paniquer, j'ai expliqué que j'avais des pouvoirs maintenant et il m'ont envoyé prendre des nouvelles de 2.0, puis te chercher. Donc me voilà.

-Comment t'as réussi à disparaître, au fait ?

-C'est une histoire assez conne. Pendant la débandade de tout à l'heure, j'ai quitté le groupe et me suis perdu dans le parc. J'y ai erré pendant deux heures avant de retrouver un plan. Deux heures !

-Ça me rassure qu'il y aie des gens encore moins doués que moi.

-En attendant, je suis toujours chargé de ta mission sauvetage. On bouge ?

J'ai hoché la tête. Ensemble, nous sommes sortis du building, en prenant deux packs de canette au passage pour les ramener au Lonely. En passant par le passage secret, nous sommes sortis du labyrinthe en dix minutes, et devant son entrée, Ley s'est figé quelque secondes.

A la fenêtre, on voyait Felix, Noah et l'indic en suspension, prêts à retomber à terre. Ley les a regardé en souriant pendant qu'ils terminaient leur sursaut et que le temps reprenait son mouvement éternel.

-Et la vie reprend son cours, a commenté Ley d'un ton faussement philosophique.

S/C : Le time-freeze dans Big Fish lorsque le personnage principal rencontre la « femme de sa vie ».

N/A : Hola ! Dites bonjour au nouveau, Ley-aux-blagues-pourries, et peut-être au revoir à Andy-le-traître. Vous pensez qu'il est vraiment mort ? Et si c'est le cas, Grahma pourrait-il vraiment être le coupable ?

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