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Quand j'eus complètement recouvré mes esprits, les gens s'éloignèrent et il ne resta plus que le maitre nageur, Delphine et Lola à mes côtés

- Vous avez besoin de quelque chose, mademoiselle ? me demanda gentiment le maitre nageur.

- Non, ça va aller, merci, répondis-je.

- Comme vous voudrez, dit alors le jeune homme avant de retourner à son poste.

Delphine se tourna aussitôt vers moi, les yeux embués de larmes.

- Qu'est-ce qui s'est passé, Célia ? Tu m'as fait une de ces peurs ! J'ai cru... j'ai cru que tu ne remontrais jamais, dit-elle, la voix tremblante.

Je remarquai qu'elle tenait toujours ma main dans la sienne, ce qui me valut un serrement au creux de l'estomac.

- Je suis désolée, je... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé exactement. En fait, j'ai vraiment très peur des plongeoirs, mais je ne vous l'ai pas dit par peur de vous décevoir. Ma tête a commencé à tourner et quand j'ai sauté, je crois que je me suis évanouïe. Ou peut-être que non, je n'en suis pas sûre. Mais en tout cas, j'ai revu des images de la bataille et j'ai repensé à plein de choses horribles. Je me suis rendu compte qu'en fait je n'arrivais pas à supporter aussi bien le souvenir de cette guerre que vous.

Lola avait maintenant elle aussi les larmes aux yeux.

- Célia, ce n'est pas parce qu'on ne le montre pas qu'on ne se sent pas mal, nous aussi... Ce qu'on a vécu, c'est... c'est tellement affreux qu'il n'y a pas de mots pour le décrire. Personnellement, je fais des cauchemars, et ce presque tous les jours. Mais oui, j'essaie d'oublier cette guerre, j'essaie de revenir à ma vie d'avant, même si c'est difficile et qu'il y a des jours où ça me parait impossible. Et en fait, on se réfugie tout seul par rapport à ça alors qu'en parler tous ensemble nous soulagerait peut-être un peu. Dans tous les cas, ce serait mieux que de se morfondre dans son coin en ressassant le passé et en pensant à toutes ces morts injustes.

- Je n'ai jamais remerciée Bianca d'avoir été là pour moi pendant toutes ces années. Je ne lui ai jamais dit à quel point je l'aimais. Je regrette tellement, tu sais...

- Je suis persuadée qu'elle t'entend de là où elle est, tenta de me rassurer Lola.

- Je ne sais pas, Lola. J'espère que oui, mais je ne sais pas trop.

- Il faut y croire, Célia. Il faut se dire que tous nos amis décédés au combat font la fête, là-haut, quelque part. Je te promets, ça fait moins mal quand on se dit ça.

Je haussai les épaules sans répondre, tout en sachant pertinnement que je ne croirais jamais à une chose pareille.

- Et en plus de la guerre, il a fallu que tout le reste suive, dis-je alors.

- Le reste ? demanda alors Delphine sans comprendre.

- Oui, le reste... Plusieurs choses se sont passées depuis. Mon amie Emilie s'est fait brisé le coeur par une connasse telle que je n'en ai jamais vue. Puis, la mère de Lewis a failli l'envoyer dans un centre de thérapie de conversion. Ensuite, Matthieu s'est cassé une jambe après avoir appris qu'il avait une tumeur au cerveau.

En parlant de Matthieu, celui-ci m'avait téléphoné la veille pour me dire qu'il se ferait opérer le dix-huit août, c'est-à-dire dans trois semaines. J'espérais que sa tumeur ne grossirait pas plus d'ici-là, mais je me faisais un sang d'encre pour lui.

- Je suis désolée, je ne savais pas, dit alors Delphine en baissant les yeux.

- Ne t'inquiète pas, tu pouvais pas savoir.

On meurt pour une aveugleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant