7

93 11 0
                                        


Je pousse doucement la porte de l'appartement. Le ciel est entièrement couvert à présent et le salon baigne dans une triste lumière grisâtre. Mon cœur bat la chamade, mais je n'aperçois Léa nulle part.

J'ai parlé un peu avec Sélène, devant la rivière. On s'est assis sur un banc et on a discuté. Je me suis retrouvé à devoir inverser la situation en omettant quelques détails – vu qu'elle pense que je veux devenir une femme à cause de notre conversation dans les toilettes du restaurant – mais fondamentalement, ça ne change pas grand-chose au problème.

« Il lui faut du temps pour l'accepter, je pense. Elle s'est fait une fausse idée de toi pendant tout ce temps, ce n'est pas rien ! »

Non... ce n'est pas rien. Tu as raison, Sélène, et encore, tu es loin, très loin d'avoir toute l'histoire.

« Elle t'aime, Micha. »

L'amour, plus fort que tout... j'aimerais y croire. Et si ce n'était que dans les films ? Et si je l'avais vraiment perdue ?

Je referme la porte et m'avance sur le parquet sur la pointe des pieds.

– Micha...

Je fais un bond. Léa se tient dans l'encadrement de la porte de chambre. Ses joues sont rougies et ses paupières gonflées, comme si elle avait pleuré toute la journée. C'est peut-être le cas.

– Léa... je... bredouillé-je.

– Tu avais oublié ton téléphone.

Tout en parlant, elle me tend l'appareil.

– Ah... merci.

C'est tellement gênant. Je veux briser la glace, mais rien ne me vient. Les heures qui suivent une dispute ne sont jamais agréables, mais jamais à ce point.

Quand je tends la main pour récupérer le téléphone, ses doigts se resserrent autour des miens. Je lève la tête, hébété. Elle détourne le regard, mais sa main ne bouge pas.

– Je suis désolée. Je me suis comportée comme une imbécile égoïste.

– Léa... je l'ai mérité. Vraiment. Je n'aurais pas dû te mentir aussi longtemps et tout te balancer d'un coup.

– Ce n'est pas que ça ! coupe-t-elle. Je ne pensais qu'à moi. Je ne pensais qu'au fait que tu étais un homme, et que je ne pouvais pas aimer les hommes, et point final ! Alors que toute ta vie, tu as dû te cacher. Personne ne t'a jamais vu. C'est vrai, j'ai eu un choc, mais ça n'excuse rien. Je ne peux même pas imaginer ce que tu as vécu, et j'aurais voulu... être là pour toi.

Elle caresse mes joues du bout des doigts et je sens toutes mes forces me quitter.

– Je ne voulais pas douter de toi, Léa. Mais j'avais tellement peur... c'était plus fort que moi. C'était beaucoup trop lourd à porter.

Ses doigts se glissent alors sur mes lèvres.

– C'est normal d'avoir peur, vu le monde dans lequel on vit. J'en sais quelque chose, ajoute-t-elle à voix basse. Je ne peux pas t'en vouloir pour ça.

Elle se blottit contre moi, et je sens mon cœur s'affoler tandis que je passe maladroitement mes bras autour de ses épaules. C'est si agréable de sentir son corps chaud contre le mien, j'en ai les jambes qui tremblent.

– En plus... je me suis trompée, ajoute-t-elle.

– Hein ? Sur quoi ?

Pour toute réponse, elle m'attire vers elle et pose ses lèvres sur les miennes. C'est un baiser long, langoureux, comme on n'en a pas eu depuis des semaines.

– Léa... mais je croyais que... haleté-je lorsqu'elle lâche prise pour respirer.

– Moi aussi, je croyais. Tu te souviens quand je t'ai dit qu'en fille ou en garçon, ça ne changeait rien ? Eh bien, c'est vrai.

– Même si mon corps t'est repoussant ? Léa, sérieusement. Je ne veux pas que tu te forces pour moi.

– Je ne me force pas.

– Tu le penses vraiment ? Ne fais pas ça pour me faire plaisir, s'il te plaît.

Elle m'embrasse à nouveau et un frisson grimpe le long de mon dos. Rien à voir avec nos baisers de ces derniers jours. Ce sont des baisers brûlants, profonds, sincères.

– Léa...

Ses mains descendent le long de mon corps, caressent mes hanches étroites, attrapent la fermeture de mon jean. Je ferme les yeux et sens ma conscience vaciller. Son souffle chaud chatouille mon oreille.

– Si tu étais si repoussant, tu crois que je ferais ça ?

– Je croyais que tu n'aimais pas les hommes ? demandé-je tandis qu'elle m'entraîne sur le lit.

– Je t'aime toi. Je ne veux pas te perdre alors que tu es juste là, devant moi. Je ne me le pardonnerais jamais. Et les autres, ils peuvent aller se faire voir !

Mes yeux brûlent et ma vision s'embue. Joie et incompréhension s'entrechoquent dans ma poitrine.

– C'est vrai... ?

– C'est toi que je vois, Micha. Le garçon le plus adorable à mes yeux. Le seul garçon que j'aie aimé de ma vie.

Les larmes se mettent à rouler le long de mon visage. Je caresse ses formes, descends sur ses hanches puis ses cuisses tandis que ses mains explorent ma nouvelle peau. Je suis si heureux. Les mots ne veulent pas sortir de ma gorge, mais elle le sait, j'en suis sûr.

– Dis-donc... dit-elle en décollant légèrement son visage du mien.

Je sursaute et serre les cuisses.

– Désolé... C'est que... je ne peux pas vraiment m'en empêcher.

Elle pouffe légèrement par le nez. Puis, avec le plus grand sérieux :

– Tu veux... ?

Incapable de formuler une réponse intelligible, j'acquiesce maladroitement. Sa main se pose délicatement sur le tissu de mon caleçon et un couinement s'échappe de ma gorge. Elle éclate de rire, je rougis comme une tomate.

– Tu n'as pas changé, finalement.

Tu es sûre que ça ne te dérange pas ! rétorqué-je.

Sûre et certaine.

Un baiser résonne dans la pièce.

– Sûre, hein !

Un autre.

– Et toi ?

Derrière ses verres de lunettes, ses yeux ont retrouvé leur éclat. C'est elle, la Léa que j'ai si peur de perdre. Celle qui m'a fait comprendre la signification de l'amour avec un grand A. Celle avec qui je veux passer le restant de mes jours, en femme, en homme, en rien du tout s'il le faut.

– J'ai l'impression d'avoir attendu ça toute ma vie.

Un homme comme elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant