Un homme comme elle

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Tu es vraiment un homme ?

Tu en es sûr ?

Arrête tes bêtises...

Les gens comme toi nous décrédibilisent.

Tu devrais être content, non ?

Quoi, ça te gêne, maintenant ?

Je le savais. T'es juste une fille paumée...

Bien sûr, c'est une phase...

Quand tu t'en rendras compte, ça fera mal...

Tu oses t'appeler un homme ? Mais quelle blague !

Fais au moins un effort...

Si tu as l'impression de mentir...

C'est que tu n'es pas un homme...

Je me réveille avec un cri. Déboussolé, je regarde frénétiquement autour de moi. Il fait encore nuit et le clair de lune traverse la chambre, éclairant des vêtements jetés à la hâte sur un dossier de chaise. À mes côtés, Léa dort paisiblement. On peut dire qu'elle a le sommeil lourd.

Je grimace et enfouis ma figure dans mes bras. Mon corps tout entier est couvert de sueur, je suis à bout de souffle comme si j'avais couru un marathon. Alors que je tente de retrouver mes esprits, mon cerveau me repasse des images de la veille que j'aurais préféré oublier.

J'animais un atelier de dessin au centre culturel, comme je le fais deux fois par semaine. Comme tous les jours depuis que Léa m'a accepté dans mon entièreté, mon moral était au beau fixe. Et pourtant, quelque chose me titillait. Je n'étais pas à l'aise. Une gêne indescriptible emplissait sournoisement ma poitrine, à chaque...

« Monsieur ».

Mon estomac se tord.

Vraiment ?

Je secoue la tête pour chasser ces pensées. Ce n'est pas possible. Je suis un homme, c'est normal qu'on m'appelle « Monsieur ». Combien de fois ne l'ai-je pas imaginé par le passé ? Combien de fois ne me suis-je pas retourné en entendant quelqu'un dire « Monsieur » dans la rue pendant que je rêvassais ? Je n'ai pas encore pris l'habitude de me faire appeler de cette façon, ça sonne bizarre dans la bouche des gens que je connais, voilà tout. Je ne pourrais pas être plus heureuse. Enfin, heureux.

Puis en rentrant, je me suis rappelé ces mots que je voulais à tout prix oublier. Des phrases sans voix ni visage qui ont semé le doute dans mon esprit par le passé, et qui revenaient m'étouffer de plus belle.

C'est vrai, je n'ai pas grand-chose en commun avec les autres personnes dans ma situation. Je ne veux pas changer de nom, ni faire d'efforts pour adopter un comportement plus masculin – quoi que cela puisse signifier. Je ne suis pas comme elles, ou plutôt eux. Enfin, un peu, mais pas assez. Jamais assez. C'est bien pour ça que personne n'a rien vu, d'ailleurs. Que personne, d'un côté ou de l'autre, ne me prenait au sérieux. La mode, hein ? Quelle mode ? Celle de vouloir crever ? Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre. Si j'avais entendu Léa me dire quelque chose comme ça, je me serais effondré.

Comme je ne parviens pas à retrouver le sommeil, je me lève aussi doucement que possible et me rends à la salle de bains. Après m'être rafraîchi à l'eau froide, le miroir couvert de gouttelettes d'eau me renvoie ma propre image. Celle d'un jeune homme de vingt-deux ans, torse nu, qui me regarde avec une expression contrariée.

Non, je ne mens pas. Je suis moi. Et ce « moi », c'est un homme. Fin de l'histoire.

Un frisson d'agacement court le long de mon dos et remonte jusqu'à ma nuque. Je jette ma serviette sur le sol d'un geste rageur. Bon sang ! Pourquoi je pense ça ? Comme si le doute m'habitait ?! Oui, je suis un homme ! Un « il », un « lui » ! Un « monsieur » ! Plus que personne ne pourra jamais l'imaginer !

Et je vais le prouver !