Mon désir pour Léa ne fait que monter de jour en jour. Je suis assailli de rêves éveillés plus embarrassants les uns que les autres. Des pensées inavouables, destinées à rester enfouies au fond de moi, dans un coffre fermé à double-tour qui menace d'imploser à tout moment.
Le soir, lorsqu'elle s'allonge à côté de moi et que ses formes généreuses transparaissent à travers le tissu de son pyjama, j'ai bien du mal à calmer cette chose qui brûle entre mes cuisses. Mais Léa n'est pas là. Il y a ce mur invisible entre nous deux, sous ces draps imprégnés de sa chaleur. Il y a tant que je voudrais faire, si seulement tu me laissais une chance... Léa, s'il te plaît, juste un peu... juste un petit peu... tu es si proche, et pourtant, nous n'avons jamais été aussi éloignés l'un de l'autre. Je veux te sentir, te toucher... je veux tes caresses sur ma nouvelle peau, t'explorer avec mon nouveau corps... je veux redécouvrir ce que c'est, de faire l'amour... le faire comme je l'ai toujours souhaité...
Mais je ne peux pas. Je sais que je ne peux pas... parce que les hommes te repoussent, et moi aussi...
Alors il y a eu ce soir-là. Incapable de résister davantage à ces pensées obsédantes qui me rongeaient à petit feu, j'ai profité de son absence pour m'en occuper moi-même. Le silence de la chambre, le soleil du crépuscule qui filtrait par la fenêtre ce soir-là, les draps sur ma peau moite, gravés à jamais dans mon esprit.
La culpabilité m'a aussitôt envahi, plus violente que jamais. Le soulagement procuré par l'acte n'était rien par rapport à la sensation de nausée qui a suivi. Si elle savait... Si elle savait que je la regarde comme « eux »...
À son retour le lendemain, c'est à peine si j'ai réussi à la regarder dans les yeux.
Et elle qui pense toujours que je n'ai rien voulu de tout ça, que je suis une pauvre fille piégée dans un corps qui devrait lui être écœurant ! Je suis terrifiée, mais je ne supporterai pas cette situation plus longtemps, ce mensonge qui me ronge à chaque seconde qui passe. J'attends juste une occasion de lui dire... Une occasion qui ne semble jamais arriver. Le temps s'étire à l'infini, c'est l'été le plus long de ma vie.
Puis, un matin...
– J'en ai marre.
Les mots, crachés avec dégoût, me tirent de mon demi-sommeil. Lorsque j'ouvre les yeux, le visage de Léa est à quelques centimètres du mien. Elle me fixe derrière ses lunettes comme si elle cherchait à sonder chaque parcelle de mon corps.
– Quoi... ? marmonné-je.
– J'en ai marre, Micha ! Deux semaines ! Ça fait deux semaines que j'attends tous les matins un miracle, et tous les matins je retrouve un mec allongé à côté de moi !
Je ne sais pas si c'est son attitude, sa voix stridente ou le fait que je sois mal réveillé, mais sa remarque me fait l'effet d'une décharge électrique.
– Ça fait beaucoup, beaucoup plus longtemps que ça que tu te réveilles avec un mec allongé à côté de toi !
Léa se fige sur le coup. Puis ses yeux se plissent, si fort qu'ils ne semblent plus que des fentes.
– Quoi ?
Je retiens ma respiration.
Je ne voulais pas qu'elle l'apprenne comme ça.
– Micha, explique-toi. Tout de suite.
C'est un grondement provenant des profondeurs de la terre, un volcan qui menace d'exploser et d'ensevelir la chambre sous son magma. Je dois l'arrêter. C'est fini, maintenant. Fini de fuir. Il n'y a plus aucune issue.

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Un homme comme elle
RomantizmMicha a un secret : elle a toujours voulu être un garçon. Un secret bien gardé, même de sa petite amie Léa... mais lorsque son souhait se réalise du jour au lendemain, le rêve tourne au cauchemar. Avait-elle vraiment tout envisagé ?