Lettre à...

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"Il est presque une heure du matin, je me lève bientôt et je t'ai dis il y a plus de trois heures déjà que je devais dormir. Mais comme à chaque veille de rentrée, le sommeil n'a pas envie de me voir...

Je vais regretter ce texte. Je le regrette déjà. Parce qu'il est une heure du matin, et parce que la nuit, comme souvent, quand je commence à écrire, mes mots vont loin, très loin, trop loin. On s'est vus cet après-midi, je t'ai fait lire les deux pages écrites pour toi dans Les passions partagées, et j'avais honte, je trouvais ça tellement niais... Et pourtant, crois moi, ce qui suit risque de l'être encore plus.

Tu as dit quelque chose tout à l'heure, qui m'a fait réfléchir. Tu as peur de me faire souffrir, et tu avais peur que je te quitte... Tu sais, moi aussi j'ai peur. Vraiment peur même. Tu as parlé de premier amour, d'amour d'adolescent, et je me rend compte que je vois très bien de quoi tu parles. Le premier amour...

Pour moi, mon premier amour, c'était censuré. Le premier garçon que j'ai cru aimer, et longtemps. Mais de quel amour ? Je n'allais pas vers lui, il n'allait pas vers moi. J'allais mal, très mal, et tout ça pour quoi ? Mais pourtant, pour moi, l'amour c'était ça. Et c'est aussi pour ça que je ne veux pas, ou que je n'ai pas voulu du moins, te dire je t'aime tout de suite. Parce que pour moi l'amour ce n'était pas quelque chose d'heureux. Ce que j'avais expérimenté d'un côté avec censuré, je l'ai eu de l'autre avec censuré. Là bien sûr, c'est lui qui m'aimait. Et comme moi je ne l'aimais pas, j'ai eu une seconde image très négative de l'amour. J'en ai retenu que quelqu'un qui m'aime, c'est quelqu'un qui me fait fuir, parce que c'est quelqu'un de trop présent, de trop pressant, qui me faisait presque peur. Il y en a eu, des garçons qui m'ont plu. Au collège surtout... des tas. Au lycée aussi. Un peu partout, un peu tout le temps. J'avais le « je suis amoureuse » facile au collège... Je ne l'ai jamais été, en réalité. De censuré peut-être, mais même pour lui je n'arrive pas à en être sûre. Parce que l'idée qu'on puisse tomber amoureux de quelqu'un à qui on ne parle jamais, qu'on connaît presque seulement de vue...

Mais voilà. Avant de te rencontrer, le mal était fait. L'amour ce n'était pas pour moi, l'amour ça faisait mal, à moi, à l'autre voire aux deux, dans le pire des cas. C'est déjà ce que je me disais l'été dernier, après avoir passé 10 ans à enchaîner les relations d'un mois sans attachement, les flirt, les crushs, dans un sens ou dans l'autre. Et puis il y a eu Julien et ses « je t'aime » tellement rapides. Moi qui me disais que je ne connaissais pas l'amour, j'ai commencé à me dire que maintenant que je le connaissais, je ne l'aimais pas.

Après censuré, il y a eu cette dizaine de garçons que j'ai repoussé et donc à qui j'ai fait du mal. Et je me suis à nouveau dit que vraiment, si l'amour ne servait qu'à me faire souffrir ou faire souffrir les autres à cause de moi, il ne méritait vraiment pas qu'on s'y attarde. Puis il y a eu Flo. Il paraît que lui aussi est tombé amoureux, et honnêtement j'ai trouvé ça ridicule. Pourquoi ? Parce qu'on s'est rencontrés à une soirée fin décembre, qu'on s'est revus deux fois début février à l'occasion d'autres soirées, et qu'on discutait un peu par insta, mais c'est tout. Et pourtant, je sais maintenant qu'une ou deux soirées et quelques messages ça peut créer beaucoup.

Et pendant que censuré s'attachait à moi sans que je ne le remarque, il y a eu censuré. Et censuré, je dois le reconnaître, a été beaucoup plus important pour moi que ce que je voulais bien croire. Je me suis attachée à lui pendant l'orchestre, puis il y a eu le confinement, des discussions tardives et nombreuses. Mais comme tu le sais cet attachement n'allait que dans un sens... Alors moi-même j'ai finis par me lasser. Je me suis dit que les garçons, ce n'était pas pour moi, ou pas tout de suite. Qu'il n'y avait rien de bon à tirer des relations amoureuses/affectives, que l'idée d'un couple était stupide, parce que de ce que j'avais connu l'amour allait toujours dans un seul sens, jamais dans l'autre. Je n'y croyais plus. C'est triste à dire mais je n'y croyais plus.

Et puis tu es arrivé. J'ai pensé à une image tout à l'heure, qui est assez drôle mais assez parlante. Un feu d'artifice... Réfléchis-y deux minutes ; tu lances une fusée en l'air. Tu ne connais pas sa trajectoire, elle va vite mais pas de manière vraiment droite. Elle pourrait éclater n'importe où, et là... Sans que tu aies eu le temps de t'en rendre compte, elle explose dans les airs, et c'est une pluie de couleur, de lumière. Oui dit comme ça c'est ridicule...

Mais tu es arrivé si vite. En une soirée, tu m'as donné envie de te plaire. En trois jours, de te connaître. En trois semaines...

Notre premier je t'aime date d'il y a deux semaines maintenant, un peu plus... Soit pas même un mois après notre « mise en couple officiel ». Et pourtant est-ce que c'est allé trop vite ? Non, c'est allé au rythme qui est le nôtre. Cet été... Il y aura un avant et un après. Ce temps où je ne te connaissais pas, j'ai l'impression qu'il remonte tellement... Et pourtant, il y a trois mois, je n'avais entendu parler de censuré que par censuré, donc, disons-le, pas de manière très glorieuse...

Je ne sais pas trop si cette lettre va quelque part, pour être honnête. Mais comme souvent à cette heure-là, j'ai un trop plein de pensées que je voulais écrire quelque part. Et c'était soit ici, soit directement dans notre conv, histoire de te donner un joli petit pavé pour ton réveil... Un jour, peut-être, tu entendras parler de ce texte. Peut-être. Si je ne l'efface pas demain en retombant dessus.

Je ne sais pas trop non plus ce que je dois t'y dire. Que je t'aime, même si ça je te le dis déjà. Je t'aime vraiment. Et c'est pour ça que j'ai peur. J'ai un tempérament.... Instable. Je me passionne pour les choses ou pour les gens très vite. J'ai toujours beaucoup d'idées, de projets... et de sentiments. Et je suis à fond immédiatement... le problème, c'est que peu de choses me durent longtemps. Parfois parce que c'est comme ça, ma passion s'éteint, et parfois parce que j'ai peur de continuer à y penser. Et vu comme j'ai souffert, et vu comme d'autres ont souffert par ma faute, une part de moi redoute une erreur de ma part, un faux pas, quoi que ce soit qui puisse te blesser. J'avais déjà peur au tout début, quand on ne se connaissait que depuis trois semaines. Je me disais « pars maintenant, il souffrira moins. Ne le laisses pas s'attacher à toi. » Mais je suis restée. Et jour après jour, mot après mot je me disais « pourquoi est-ce que tu lui fais ça » « Tu sais que, un jour ou l'autre, tu vas merder ? Plus tu attends, et plus ce jour-là tu lui feras du mal. » Mais je suis restée.

Je suis restée parce que malgré tout, malgré toi, ce risque j'ai envie de le prendre. Et c'est sûrement très égoïste, mais je veux rester près de toi, parce que moi je me suis attachée. J'ai finis par presque avoir besoin de toi, parce que tu me fais du bien.

Parce que depuis des semaines, ma vie change, et m'échappe complètement. Le confinement a littéralement détruit ma vie. Un jour je te parlerai de ça. Mais ma vie s'est effondrée début mai. Plus rien n'était comme avant, j'étais en train de sombrer. Mais cet été, jour après jour, brique après brique, j'ai reconstruit ma vie, et je l'ai reconstruite avec toi dedans. Oui, je sais que ça peut faire peur dit comme ça. Mais j'ai besoin de toi, maintenant, simplement parce que tu me rends heureuse, et que j'ai besoin d'être heureuse, tout simplement."

Trop pleinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant