Terribile

1 0 0
                                    

Je ne sais pas si je peux ajouter beaucoup de choses au mois de septembre et au mois d'octobre 2020. Je suis restée avec lui, à m'emmurer dans deux choses : la mélancolie et le déni.

La mélancolie parce que je n'étais pas heureuse. Pas avec lui. D'une part j'avais l'impression d'aller à peu près bien, que dans ma vie les choses avançaient relativement à bon rythme, dans le sens où en prépa ça se passait bien, en musique aussi, j'avais de nouveaux amis etc...

Mais d'autre part, dans ma relation, j'étais malheureuse. Quand je rentrais de chez lui, j'étais très irritable. Moi qui ne me disputait plus avec mon père depuis bien un an, ça avait recommencé. On se prenait la tête sur mes heures de retour, et c'était devenu une excuse.

Quand j'allais chez lui, je délimitais dès que j'avais passé sa porte une heure à laquelle je repartirai. Je lui disais "à cette heure si je m'en vais, d'accord ? A cette heure si je m'en vais." Et il n'y a pas eu un jour où j'ai oublié ma montre, dans cette période là. Je regardais ma montre toutes les cinq, dix minutes, pour contrôler que je n'étais pas en retard.

Mais assez vite je me suis rendue compte que ce n'était pas tellement pour mes parents que je me pressais. Je ne voulais simplement pas rester dans cette pièce. Je voulais m'en aller, je ne voulais pas rester avec lui, chez lui, je ne voulais pas, non, javais un vrai problème avec le fait d'être dans cette pièce. D'y être et qu'il y soit aussi.

Plus le temps avançait et plus j'avais des excuses pour ne pas y aller. Trop de travail. Mes parents ne veulent pas. Une répétition. J'avais toujours cette chose qui pouvait expliquer que je ne venais pas. Au fur et à mesure il a commencé à m'en vouloir. On s'est disputé, une fois. Il m'a reproché d'être toujours prise, j'ai dis que je n'étais pas assez libre.

Au fond de moi, peu à peu, j'ai commencé à me sentir prisonnière. Je me rappelle d'un soir, nous étions début octobre, quelques semaines avant notre rupture. Une ou deux, pas plus. C'était un jeudi. J'avais répétition deux heures plus tard. Je lui avais donné une heure en avance, lui disant qu'en plus je devais retrouver un ami qui devait m'y accompagner.

Premièrement, il m'en a voulu pour cet ami qui m'accompagnait, m'a accusé de vouloir lui plaire, de vouloir le séduire, de jouer un double-jeu, de lui être infidèle. Cet ami est homosexuel.

Deuxièmement, il m'en a voulu de partir si vite, m'a accusé de vouloir le fuire. Et là, il avait raison. Je le fuyais. Je ne voulais pas rester avec lui, près de lui, je ne voulais pas non. Je savais que si je restais...

Ce jour-là, je suis arrivée avec une bonne heure d'avance à ma répétition. Dans le bus, je regardais par la fenêtre la nuit tomber sur la ville, et une part de moi a eu pour la première fois envie de partir définitivement des bras de cet homme qui commençait à vraiment me lasser.

Oui, dans un premier temps c'est de lassitude qu'il s'agissait. Pas de peur, ni de colère. Peut-être du dégoût, sur la fin, mais dans un premier temps, ce fut de lassitude dont il fallut parler. Et j'en ai parlé, ce soir-là, à des amies sur le devant de la salle où nous avions travaillé.

Nous avions parlé de lui, du fait que je ne l'aimais plus, que j'en avais assez de me contraindre dans une relation où je ne me reconnaissais plus. Et d'autre part, on a parlé de lui, du fait que je l'aimais bien, que je devais peut-être "passer à autre chose".

Nous avions parlé de cette lassitude, de ce sentiment de "à quoi bon", on se disait qu'après tout j'étais jeune... Du fait que les jours se succédaient sans trop de changements et que ça ne valait pas le coup.

Mais elles m'ont demandé s'il y avait autre chose, et non, rien. Et c'est à ce moment-là qu'a commencé l'autre période, celle qui a succédé à la mélancolie ; l'époque du déni. Un moment, assez long, où je me suis dit que tout avait échoué par ma faute. Ou de la sienne par manque d'écoute, mais jamais par une faute qu'il aurait commise.

Un moment où j'ai considéré que c'était encore une fois ma décision, et peut-être une certaine indifférence face aux relations amoureuses. Un sentiment de désinvolture feinte, une époque dont je me souviens bien où indifférement je considérais pouvoir commencer une relation et m'en détacher.

C'était une époque où je me considérais cassée. Pas encore brisée, non, ça ça viendrait plus tard. A ce moment-là c'était simplement le sentiment d'un dysfonctionnement qui m'était très propre, quelque chose dans mon fonctionnement qui posait problème, une incapacité à ressentir une quelconque émotion sur mon départ, ou mon arrivée dans la vie de quelqu'un. Un détachement implacable, un manque d'envie, un manque d'amour, un manque de tendresse pour le monde, un manque d'empathie pour les autres et pour moi-même.

Il me disait, à cette époque, que bientôt notre relation n'irait plus. Qu'il en avait assez de mes déplacements, de mon emploi du temps, de mes répétitions, de mon travail, de ma famille trop stricte, de mon incapacité à "prendre les choses" en main. De mes amis masculins, trop nombreux. De mes ambitions qui m'éloignaient de lui.

Il me dit enfin que je ne suis pas assez entreprenante, que ses exs l'étaient, surtout l'une d'entre elles, M, qui a mon âge. Avec elle il faisait l'amour tout le temps, c'est ce qu'il me dit. Et il me fait comprendre sans s'en cacher qu'il aimerait que je sois comme cette fille, tout aussi entreprenante. Qu'il est déçu, mais qu'après tout tant pis.

C'est là qu'on arrive dans la pire partie de mon récit. Dans les quelques chapitres suivants, vous lirez le récit de ces six fois où je me suis retrouvée nue devant lui.

Trop pleinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant