XI-Oui

33 1 0
                                    


Je veux rentrer à la maison. Je suis à l'hôpital. Je n'avais pas vraiment d'autres endroits où aller. Les gens là-bas sont toujours très contents de me voir et m'avoir enfermée. Ils disent que je suis un danger pour tout le monde, une bombe ambulante. C'est le même discours que me servait mes géniteurs. Je les ai crus pendant longtemps et une partie de moi continue à les croire. Continue à croire que je suis mieux enfermée, menottée sur un lit, shootée aux médicaments. Mais maintenant, une autre partie de moi crois que je suis faite pour ce monde. Que je suis pas arrivée sur Terre juste pour souffrir. Ces deux modes de pensées m'ont été inculqués. L'un par des gens violents, l'autre, par l'homme que j'aime le plus au monde. Pourtant dans ce lit, condamnée à réfléchir quand les sédatifs me le permettent, j'ai laissé la partie sombre gagner. Celle qui m'assure que non, je ne vaux rien, je ne sert à rien, je ne mérite pas d'être en vie, je ne mérite pas ce cœur qui bat dans ma poitrine, je ne mérite même pas d'être dans cet hôpital. Je mérite juste de crever, comme un animal sur le bord d'un chemin. Mon esprit est trop embrumé pour que je fasse quoi que ce soit. Mon téléphone sonne. Ils ont enfin voulu me le rendre après des jours de batailles. Ils m'ont dit qu'ils me faisaient un cadeau en me le donnant. Ils ont coupés le wifi, fouillés mes conversations, mon répertoire, mes notes, ma vie privée. Alors quand ce matin il sonne, je ne le crois pas tout de suite. Je pense être prise d'une autre hallucination, quand il continue de vibrer. Je ne vois pas qui m'appelle, j'ai mis la luminosité au minimum, pour économiser de la batterie. Je décroche l'appel. J'entends juste un mot :

« Reviens »

Je sais qui le prononce, il me faut pourtant du temps pour rassembler mes fonctions pour lui répondre.

« Coucou. »

Il répète le mot :

« Reviens »

Je soupire.

« Je sais pas si je peux Pierre, je ne veux pas te faire souffrir en étant à tes côtés. »

Il insiste.

« Reviens. »

Je baisse les yeux.

« Pierre, je ne peux pas revenir. »

Je l'entends bouger.

« Où es-tu ? J'arrive. »

Je sais que je ne doit pas lui dire la vérité. Il a toujours détesté les hôpitaux. Il est émétophobe, il a la phobie du vomi, et pour lui, l'hôpital lui rappelle cette horreur. Je sais aussi qu'il déteste cet hôpital. Quand je lui ai raconté ce qu'on me faisait, il a littéralement pété un câble et menacé d'aller tuer ces personnes. J'ai dû mettre toute ma force pour l'en empêcher. Il était déterminé. Je sais que je ne peux pas le faire venir ici, il va forcément vouloir blesser quelqu'un. Mais je ne peux pas sortir. Je ne peux pas sortir car un décret stipule qu'une personne externe me connaissant doit signer une décharge. Et les seules personnes qui l'ont fait ont été mes géniteurs pour ma sortie à Paris. Je n'ai pas de contact avec eux, ils ne veulent pas à en avoir avec moi. Ils ont signé de force j'en ai bien l'impression. Perdue dans mes pensées, Pierre reprend :

« Ne me dis pas que tu es à l'hosto ?! »

Je ne répond pas, ce qui lui donne une réponse. Il crie de rage. Je sais qu'il ne m'en veut pas. Il en veut aux autres. Un soignant rentre dans ma chambre sans toquer et attrape mon téléphone.

« Bonjour mais Amy doit se reposer, au revoir. »

Iel me foudroi-e du regard. Je ne l'ai jamais vu-e, et avec la tonne de médicaments dans mes veines, impossible de lui demander ses pronoms. Iel garde mon téléphone.

ProbablementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant