XVI-Nuit sereine

29 2 2
                                    


Je suis allée dans mon lit. Je pense. Je crois que je pense trop. Je sais pas si je pense trop ou si je pense pas assez... Peut-être qu'au fond je ne pense pas assez et donc j'ai l'impression de trop penser alors qu'en fait je ne pense pas tant mais plus que je pense habituellement. Je sais pas. J'ai ma bague sur mon annulaire gauche. Je ne la quitte pas. Jamais. Aujourd'hui on a un tournage. Les garçons vont faire un Vultech chez Benzin. On prend la voiture, Oslo, on charge le matériel sur les banquettes arrière. Ce soir, on va chez les parents de Pierre. Je stresse un peu. J'ai peur qu'ils demandent à Pierre de me quitter. Je pourrais pas leur en vouloir. Mais je veux leur bonheur. Je sais que s'ils me le demandent je pense que je m'en irai. Pour l'instant je suis dans la voiture, assise au siège passager. Je sais comment régler le chauffage de mon siège maintenant. J'ai toujours peur de casser mais Pierre m'a dit que c'était pas si grave. Je sais pas si j'ai l'argent de rembourser sa voiture. Je pense pas. Pourquoi je pense à ça maintenant ? Je sais pas. Je sais pas beaucoup de choses. Pierre me rejoint et on part.

« Pierre, je crois que j'ai peur pour ce soir. Avec tes parents. »

Il sourit.

« T'inquiètes pas, ça va bien se passer. »

J'espère que oui. Je vais lui faire confiance. Il faut que je lui fasse confiance. Le tournage se passe bien, on rigole bien. On met le point final au Vultech, et on coupe la caméra. On range les caméras et les micros. On reste boire un truc. Sylvain prend un café, je ne sais pas comment il fait pour boire ça. Je trouve ça pas bon du tout. Je ramène un chocolat chaud à Pierre, qui me remercie en me faisant un bisou sur la tête. Je souris. Il rajoute :

« Merci choute. »

J'ai l'impression de fondre de l'intérieur. Ça me fait toujours bizarre quand on me dit des mots doux. Je sais qu'il le sait. Et qu'il me fait craquer. Il aime donner des surnoms jolis. Je sais qu'il aime bien appeler ses amis loulou. C'est le nom qu'ils ont décidés de donner à leur commu. Je suis contente d'être avec eux. C'est un privilège d'être dans la team Vilebrequin. L'équipe est ma famille. Littéralement. Je me suis reconstruit une famille. En fait, je n'en ai jamais eu, je ne sais pas si je peux dire que je l'ai reconstruite. Je me sens bien avec eux. Je me sens moi-même. J'ose être moi-même. Et ils m'acceptent comme je suis. Mieux, ils m'encouragent à évoluer pour m'affirmer. Je sais pas si c'est ça le bonheur. Peut-être que ça y ressemble. On a pas le temps de rentrer à la maison. Je sors Oslo dehors. Je lui mets son harnais. C'est un harnais noir, c'est moi qui l'ai acheté. On peut coller des scratchs dessus et attacher des poignées un peu partout. J'ai l'impression que notre chien se sent à l'aise dedans. Je lui mets une poignée courte et le lâche. Je sais qu'il ne va pas partir loin, et qu'il revient dès que je lui demande. Sylvain vient me rejoindre dehors, son gobelet toujours en main. Je fais une grimace. Je suis assez sensible au niveaux des odeurs, et celle du café me pique le nez. Il la voit, sourit, mais le garde en main. Je lève les yeux vers lui.

« Ça va ? Tu veux dire un truc ? »

« Ouais moi ça va. Toi ça va ? »

Je soupire. Je ne sais pas si je dois lui dire la vérité ou lui mentir. J'opte pour la première option.

« Bof, je sais pas vraiment. On va voir les parents de Pierre ce soir. »

« Ouais je sais. »

Je lui coupe la parole.

« Tes parents y réagiraient comment si tu leur présentais ta copine handicapée ? »

Il rigole :

« Écoutes chez les Lévy on cherche pas trop tu sais. Pacou est gentil, mais Chantal l'est encore plus. »

ProbablementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant