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Evy

Bras en l'air, cris aigus. Ma mère me colle la pancarte "Maxime" sur la poitrine. À la voir, je pense que mon air renfrognée ne lui plaît pas trop. Elle, elle a l'air heureuse. On dirait une gamine qui vient chercher son petit chiot. Je lui dis qu'un gosse, elle en a déjà un ? Elle ouvre grand les bras quand elle le voit. Ça y est, l'énergumène est arrivé ...

Grand, un reste de bronzage, des yeux presque transparent tant le bleu est clair. Ses cheveux foncés, noirs sous cette lumière, sont ébouriffés, mal coiffés. Il les discipline de ses doigts avant de se planter devant nous. Ma chère mère vient le couvrir de ses bras en lui souhaitant la bienvenue d'un volume sonore un peu élevé. Je fixe l'animal, mon air renfrogné toujours présent. Il doit s'en apercevoir car il soutient mon regard comme pour me défier.

Ça commence bien on dirait.

Je baisse les yeux, une petite tête blonde se cache entre ses jambes, un grand lapin en peluche serré dans ses bras. La petite fille aux cheveux longs a les mêmes yeux que le bel âtre, en bien plus doux. En se décollant de la grande folle plantée à côté de moi, maxime prend la main de l'enfant.

- je vous présente Simona - Mona, ma petite sœur.

Quoi ? Deux pour le prix d'un ?

- Bonjour Mona, je suis Lucile, tu as fait bon voyage ?

D'où elle sort cette voix mielleuse ?

- Je suis désolée mais Mona n'a plus parlé pas, depuis ...

- Ça ne fait rien, venez vous devez avoir faim.

Le géant, comparé à moi, s'approche. Je lui tend la main, lui me presse la joue.

Déconcertant.

- Bonjour Evelyne, ça fait longtemps ...
- Evy, soufflé-je un brin plus sec que je ne le pensais.

Il me devance déjà, la petite fille toujours pendue à son bras. Alors c'est parti, le moment est arrivé. Je vais devoir partager mon espace avec non pas un mais deux intrus. OK, les mots sont peut être un peu forts. Surtout que cette gamine ultra mignonne a l'air vraiment adorable. Elle me fait un peu penser à une poupée. Des bouclettes parfaites, un petit noeud dans les cheveux. J'ai pu apercevoir deux petites fossettes sur ses joues de bébé quand elle a sourit à son frère. Sa petite jupette plissée vient ajouter encore au personnage.

Oui, je dois l'admettre, elle est craquante.

Le frère lui est différent de mon souvenir. La dernière fois que je l'ai vu, c'était un gamin. Déjà plus grand que moi mais pas aussi immense que maintenant. J'avais remarqué ses yeux à l'époque mais j'ai bien l'impression que le soleil d'Italie les a éclaircis davantage. Mais ce dont je me souviens parfaitement, c'est son côté insupportable, toujours à la recherche de la prochaine bêtise. La cohabitation promet d'être un enfer ...

Je marche derrière eux, tout les trois alignés. Ma mère en fait des caisses, je me demande combien de temps va s'écouler avant qu'elle ne redevienne elle même. C'est à dire, égoïste, jugeante, matérialiste. A la voir comme ça, on pourrait croire que c'est la maman parfaite, aimante, contente de partager des moments avec ses "enfants". Tiens, est ce qu'on doit les considérer comme tels maintenant ? Est ce qu'elle les considère comme tels ?

Ça fait des années que la relation entre ma mère et moi est compliqué. Je crois que la seule chose qui nous lie c'est le toit sous lequel nous vivons. Je n'aspire qu'à une chose, obtenir mon diplôme et partir à l'université très loin d'ici comme je l'ai promis à papa.
Je pense qu'elle n'a jamais voulu être mère, en tout cas, pas ma mère à moi. Je l'ai déjà entendue se plaindre d'avoir eu une fille et non un garçon. La voilà comblée ...

Arrives à la voiture, je m'installe à l'avant.
désolé, Ev' est malade à l'arrière ...
Ouais, merci de le préciser. Très sympa comme première impression. Et moi c'est Evy au fait mais j'en ai marre de lui répéter.

Le garçon aux yeux océan s'installe derrière moi, la petite fille à côté de lui. Il bouclent leurs ceintures et lui reprend la main. Elle a l'air perdue, presque effrayée. Ça doit être tellement compliqué pour un si petit bout de chou de changer de continent. Elle va devoir vivre avec de parfaites inconnues et je remarque que je ne fais rien pour l'aider.

Je devais avoir son âge quand j'ai rencontré Christian pour la première fois. Je me souviens des mots exacts qu'il a utilisé pour me mettre à l'aise. Avec un noeud dans la gorge, je tente de les utiliser pour essayer de lui rendre la tâche plus simple
Mes passions ce sont les glaces et les marshmallow, j'essaye d'avoir la même malice dans les yeux que mon papa à l'époque.
Mona semble réceptive et lance un grand sourire vers son aîné. Il lui sourit en retour.

Bon sang, il lui sourit ...

Je reste bloquée sur son visage et je crois qu'il s'en aperçoit alors je me détourne, m'enfonce dans le siège en cuir comme s'il pouvait m'aspirer, rouge comme une tomate bien mûre. En tout cas, c'est ce que le reflet dans le miroir du paresoleil me renvoie. J'ai l'air ridicule et évidement il voit mon reflet... satané paresoleil cassé.

Lucile démarre enfin la voiture. Comme à l'allée, je coince les écouteurs dans mes oreilles et quitte cette atmosphère étouffante. Je vois ma mère faire de grands gestes, de grands sourire à l'intention de ses invités. Elle me fait presque peur et je préfère ma musique plutôt que d'écouter ce qu'elle leur raconte.

Après quelques minutes, je sombre. Et quand je me réveille, nous sommes dans l'allée de la villa. Les cheveux en pétard, le visage bouffi, Maxime croise ou plutôt fixe mon reflet dans ce maudit miroir. J'ai honte ! Il rit. Il se fout de moi en plus ...
J'aplatis mes cheveux et frotte mon visage pour tenter d'effacer tout ça mais le mal est fait.

- Bienvenue à la villa Caduti ! La plus jolie maison d'Ellory ! Lance Lucile
Elle est très fière de sa maison. Aussi froide et impersonnelle qu'elle ...

Je saute du 4x4 pour en sortir. Tente d'être aimable en aidant les nouveaux occupants avec leurs valises. Maxime en prend la quasi totalité sans même avoir l'air de souffrir de leur poids. Je prends la petite valise en forme de coccinelle restante.
Ses bras se tendent, leurs muscles saillants sont bandés, laissant apparaître son réseau veineux gonflé.

Ne bave pas Evy...

Je l'avoue, ce gars est ultra sexy et il a l'air de ne même pas le faire exprès.

Le frère et la sœur s'approche de la porte d'entrée. Il est crispé, on ne peut pas le rater. Sans doute à l'évocation du nom de son père, de son nom à lui. Caduti. Ma mère a pris le nom de son second mari, de Christian. Elle trouvait sans doute ça plus joli que Beaumont. Evelyne Beaumont, je déteste mon nom.

La maîtresse de maison est tellement fière d'elle qu'elle ne remarque même pas le malaise des nouveaux arrivants. Elle est vraiment pathétique.

J'en ai trop vu, je monte jusqu'à ma chambre pendant qu'elle les bassine avec sa visite de la maison. Je m'affale sur mon grand lit, dépitée, m'apitoyant sur mon propre sort. Comme si toute ma vie n'était pas déjà assez compliquée.

Inévitable Où les histoires vivent. Découvrez maintenant