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Evy

Il fait beau ce matin. J'aime le samedi. J'ai ma routine : un peu de ménage dans mes quartiers - ma salle de bain et ma chambre -, de la musique à fond car je suis seule, un petit déjeuner près de la piscine et flâner le reste de la journée. C'est un beau programme sauf que je ne suis plus seule.

Ma mère part toujours faire le tour des magasins de décorations le samedi pour se tenir à jour des dernières tendances. Ce samedi, elle a décidé d'emmener Simona avec elle. Ce qui fait qu'il me reste l'énergumène. Je ne sais pas ce qu'il a prévu de la journée, j'espère qu'il ne compte pas trop sur moi pour faire l'animation.

Il est déjà 8h passé, je traîne encore dans ma chambre. J'entends du bruit en provenance de la salle de bain, Maxime doit l'occuper certainement. Ça fait déjà un bout de temps même, je me demande ce qu'il fabrique là dedans. Il faudra que je lui rappelle qu'il n'est pas la seule personne à vouloir prendre une douche le matin. Qu'à cela ne tienne, ça me donne une raison pour discuter avec Joris.

[Salut mon grand ! T'as des choses à me raconter ? ]

[Hey ma petite ! Vendredi soir pourri avec ma grand mère, le chien m'a encore mordu. Ma vie est fascinante. Et toi ?]

[Ma mère vit sa meilleure vie de femme parfaite. Dîner dans la grande salle en famille comme elle dit. Combien de temps avant qu'elle craque ?]

[10 billets qu'elle ne craque pas avant 3 semaines]

[OK, prépare la somme ! A toutes mon grand]

Joris est celui qui connaît tout de ma vie et le seul qui est autorisé à venir à la maison. Il connaît le spécimen Lucile. Elle le fait bien marrer mais c'est facile quand on rentre chez soi après.

***

Vingt minutes. Ça fait vingt minutes que j'attends qu'il daigne sortir de MA salle de bain. C'est trop ! Je m'apprête à aller le bousculer un peu. Un pas sûr, des sourcils froncés, une vanne toute prête et je m'élance en direction de la porte de la pièce d'à côté, le poing déjà en l'air.
Sauf que je suis coupée net sur le palier par la porte qui s'ouvre.
- Bonjour ...
C'est possible d'avoir une voix aussi sensuelle ?
- Je pensais que tu avais été aspiré par le siphon de la douche ! Dis je d'un ton un peu moins sûr que prévu
- Oh tu t'inquiétais, t'es mignonne, ricane t il
- Dans tes rêves !
Je fais demi tour, direction mon lit pour me planquer.
- Au fait, jolie la petite culotte !
Oh mon dieu ! Je crois que je vire au rouge en une demi seconde. Ça, je l'avais oublié ! Je claque la porte et je réfléchis déjà vers quelle destination nous rendre, ma honte et moi. Pas moins de 12h d'avion, c'est clair !

***

J'ai attendu comme une imbécile derrière la porte pour l'entendre descendre les escaliers avant d'oser traverser le palier jusqu'à la douche. Je crois qu'il ne me reste plus qu'à l'éviter pour le reste de ma vie. La honte, c'était vraiment la honte ...

Une fois certaine que l'énergumène n'est plus dans les parages, je sors discrètement, me penche sur la rambarde pour vérifier qu'il est bien au rez-de-chaussée et cours m'enfermer de nouveau.
Je dois avouer que le partage de ma salle de bain ne se déroule pas exactement comme je le pensais. Je m'attendais à retrouver des poils dans le lavabo, des traces de doigts sur les miroirs, des boxers sales sur le sol et j'en passe. Non, à la place, la seule chose qui me laisse penser que quelqu'un a utilisé ma douche, c'est cette odeur de shampoing masculin, son odeur à lui qui est clairement addictive. Mais qu'est ce qui me prend de bloquer sur ce genre de choses ? Si j'en crois ma mère et la plupart des gens, nous sommes une famille ou en tout cas, nous devons en avoir l'air. Et puis, il me déteste ou pire, je lui suis complètement indifférente ...

J'essaye de chasser ces pensées pas très saines de ma tête en me glissant sous la douche. L'eau est déjà chaude, presque trop chaude mais ça me fait du bien sur la peau. Je la laisse couler sur mes cheveux et sur mon visage pendant quelques minutes afin que cette chaleur m'apaise. Je ne sais même pas pourquoi je suis en colère, pourquoi je le suis tout le temps. J'appréhende cette rentrée à l'école, je redoute cette nouvelle vie dans cette famille bizarre. Et papa me manque ...

***

Je suis prête, propre, habillée, maquillée. Je me suis choisi une petit short en jean et un t shirt loose. Le maquillage est très simple, du blush, du mascara, du baume à lèvres et c'est tout. Dans le miroir en face de moi, jessaye de me satisfaire du résultat. J'essaye surtout de trouver le courage d'affronter Maxime qui va encore se moquer de notre rencontre de ce matin.

La petite culotte, ma honte, tout ça ...

***

Je ne vois personne ni dans la cuisine, ni dans le salon. La maison est plongée dans le silence le plus complet. Finalement, peut être que ce samedi sera comme tous les autres. Ni une, ni deux, je me mets à la tâche. Café, pancakes aux amandes, thé glacé pour la journée. Une fois le ventre rempli, je continue ma liste de choses à faire pour la journée. Prochaine étape : faire disparaître cette odeur - enivrante - de shampoing dans la salle de bain. J'allume des bâtons d'encens, ayant l'air de me prendre pour un marabout, range les affaires de Maxime dans un tout petit coin et frotte comme pour effacer les preuves d'une scène de crime. Je retrouve peu à peu l'endroit où j'aime me cacher, mes petites affaires, ma bougie bien à sa place, les serviettes moelleuses blanches sur le sèche- serviettes et pas d'odeur distrayante.

Toujours pas de trace de lui dans la maison non plus ...

***

Trois heures et une chambre bien rangée plus tard, je troque ma tenue de Cendrillon pour un petit bikini jaune citron. C'est sans doute la dernière fois que je pourrai profiter des transats.

Inévitable Où les histoires vivent. Découvrez maintenant