Inévitable

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Evy

J'ai même préféré rentrer à la maison. J'ai soigneusement évité la cuisine ou ma mère parle encore très fort au téléphone. Je me libère de mes vêtements, passe quelque chose de plus confortable et m'installe à ma fenêtre. D'ici, je vois au loin, je vois la plage et les grands arbres. C'est magnifique.

Je ne sais même pas pourquoi je suis énervée. Je le déteste ce mec. Il est odieux et il l'a toujours été. Avec moi, avec son père. Parfois quand je regarde dans le vide, comme maintenant, je parle seule comme je le faisais avec mon papa. Et c'est à lui que j'aimerais parler en ce moment mais pour dire quoi ? Je ne sais même pas ce que je pense, je ne sais pas pourquoi je me sens si mal, je ne sais pas pourquoi ça m'importe autant ce qu'ils pensent de moi, je ne sais pas pourquoi ça m'atteint encore et venons en au fait, je ne sais pas ce que je pense de lui qui justement remonte l'allée du jardin. Il n'est pas resté avec cette fille, il est rentré. Pourquoi ? Pas son genre ? Pas intéressé ? Une autre sous le coude ?

Je m'écarte de la fenêtre avant qu'il ne me voit. Aucune envie qu'il pense que je l'attendais. J'entends des pas dans l'escalier, sur le palier, devant ma porte. Trois petits coups, toc, toc, toc.
Non, je n'ouvrirai pas.
- Evy, je sais que tu es la, je vois ton ombre sous la porte.
Et merde !
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Ta mère m'a dit que tu traînais en ville du coup et m'a incité à te rejoindre.
- Et ?
- Et je ne t'ai pas trouvée, continue t il
- Ah bah non, je ne suis pas blonde aux dernières nouvelles, je souffle pour moi-même.
- Pardon ?
- Rien du tout, je suis simplement rentrée plus tôt que d'habitude.

Il comprend que je ne veux pas prolonger la conversation et s'éloigne de ma porte.

Maxime

Quand Lucile m'a dit qu'Evy passait chaque vendredi en compagnie de son "ami" Joris, j'ai vrillé. Elle a très bien insisté sur les guillemets et m'a avoué apprécié le fait que sa fille le fréquente. Evy, elle, ne m'en n'a pas parlé. Je les ai croisé à l'école, c'est vrai qu'ils sont plutôt proches. Je suis sûr qu'elle était chez lui les nuits où elle n'est pas rentrée. Et, ça, ça me fait vriller. Pas que je sois jaloux, peut être que je cherche juste à la protéger, elle qui a l'air si fragile.
Je les connais ces gars là, c'est une belle gueule, un beau parleur, il passe de fille en fille. Ce gars, c'est moi, c'était moi. Et je ne veux pas de ça pour elle je crois.

J'ai tenté de la trouver, voir un peu ce qu'ils faisaient ensemble. Je ne l'ai pas trouvée. Il a sans doute trouvé un endroit à l'abri des regards où la peloter. Ça me saoule ... après tout, elle est censée être ma sœur à écouter tout le monde alors c'est normal, non ? Je ne cherche qu'à la protéger.

Je tourne un peu en rond dans ma chambre, je ne comprends pas bien pourquoi elle n'a pas voulu me parler ce soir. Je ne comprends pas bien pourquoi elle se méfie autant de moi. Sauf peut être si elle remarque comme je la regarde.

Étonnement, elle est descendue dîner avec nous. Même sa mère était interloquée, ça ne doit pas arriver souvent.
- Ev', comment s'est passée ta semaine ma chérie ? Elle demande.
- Parfait.
Court, efficace. Mensonge.
- Super, je compte sur toi pour tes notes, tu le sais.
Evy roule des yeux. Dans mes souvenirs d'enfants, Lucile n'était pas très sympa avec moi mais proche de sa fille. Je me demande ce qu'il s'est passé entre elles.

La conservation dévie très vite sur ma petite sœur. Je pense qu'elle se sent bien ici. Elle fait pas mal de progrès, elle ne se cache plus derrière moi dès que quelqu'un lui parle, elle tend la main volontiers à Lucile quand elle l'emmène en balade et je crois qu'elle apprécie son institutrice.

Nous mangeons le reste du repas, Evy et moi, sans échanger un mot ou un regard. Je crois qu'elle m'en veut mais pour quoi ? S'il y a une raison en particulier bien sûr car si on y regarde bien, elle semble en vouloir à tout le monde et je compte bien savoir pourquoi.