*Chapitre XIX

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- Je n'en reviens pas qu'il t'ait fallu autant de temps pour comprendre qu'il s'agit d'un plan du métro. Tu viens de Tokyo, tu passes devant tous les jours, dis-je en riant.

- Parce que toi non ? Où vivais-tu ?

- Un peu partout. Pour des raisons de sécurité, je ne me suis jamais attardée très longtemps au même endroit. J'étais juste de passage à Tokyo quand j'ai atterri ici.



          C'est bizarre, je n'ai jamais été gênée de parler de ma vie ou de mon boulot, pourtant, face à Chishiya, je le suis. Lui qui a un si beau métier, je ne peux pas m'empêcher de culpabiliser en comparaison, de me dire qu'en choisissant d'être chasseuse de primes, j'ai été lâche, j'ai choisi la facilité. Mon travail est utile, mais j'aurai pu faire bien plus pour aider en choisissant une autre voie.

          Je suis persuadée que s'il a aussi facilement accepté le fait que mon travail consiste à ôter des vies, c'est uniquement parce qu'il a vu mes cicatrices. En tant que chirurgien, vu leur forme et leur emplacement, il doit avoir des hypothèses sur ce qu'il m'est arrivé plus jeune. Mais même si elles permettent d'expliquer mes motivations, elles ne justifient en rien le fait que j'achève des gens.

          Il comprend et accepte ma vocation. Mais il ne devrait pas. Il devrait plutôt faire comme tous les autres, se braquer et me laisser tomber. Je mets mes mains dans mes poches et continue d'avancer en regardant mes chaussures franchir les traverses des rails du métro.



- Pourquoi es-tu gênée ?



          Pourquoi veut-il me forcer à expliciter mes pensées ? Je suis persuadée qu'il a déjà compris la raison de ma gêne. Je ne réponds pas et me contente d'avancer. Quoi qu'il se passe et quelque soit mes réflexions, je ne dois pas ralentir. Je débusquerai l'auteur des jeux, quoi qu'il m'en coûte. Ce n'est pas parce que je suis gênée que je vais perdre mon objectif de vue.

          Je m'arrête et observe la porte face à moi. Il s'agit d'une sorte de porte de service cachée au beau milieu d'un tunnel de métro.



- Ça doit être là.



          Chishiya acquiesce. Je ferme les yeux quelques instants, je me concentre sur ma respiration. C'est le moment, on va enfin obtenir des réponses à nos questions. Nana, j'y suis presque, je vais bientôt te rejoindre. J'ouvre les yeux et prend l'arme coincée dans mon jean. Je plante mon regard dans celui de Chishiya.



- On fait comme hier. Tu restes derrière moi. Et au moindre problème, fuis, cours le plus loin possible.



          Je pose ma main sur la poignée, mais avant que je n'ai le temps d'ouvrir, Chishiya pose sa main sur mon bras pour me retenir. Il m'observe.



- Tâche de survivre.

Un nouveau départ ... CorbeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant