*Chapitre XXV

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          J'arrête la voiture au sixième étage d'un parking et passe mes mains sur mon visage. Je baille. Ce n'est pas bon du tout, on est tous les deux exténués, il faut absolument qu'on trouve un endroit où s'abriter pour dormir. Nous avons à peine eu le temps de fermer l'œil après la nuit qu'il m'a offerte.

          Je sors de la voiture en me frottant les yeux et ouvre le coffre. Je me saisis de mes deux sacs de secours puis incite Chishiya à me suivre. A cause de la fatigue, mes sacs me paraissent si lourds. Je déteste me sentir si faible.

          Je n'attends pas Chishiya et commence à me diriger d'un pas décidé vers l'immeuble voisin. Je l'entends me suivre. Une fois à l'intérieur, nous montons jusqu'au dernier étage. Une fois devant l'une des portes du couloir, je fouille dans un de mes sacs pour trouver mon kit de crochetage. En voulant le sortir, il s'accroche à une de mes armes et tombe. Mon état me désespère. Je suis fatiguée au point de manquer cruellement de force et de réflexes. Je commence à me baisser pour le ramasser mais Chishiya est plus rapide que moi. Il l'attrape puis se place accroupi devant la serrure. Il commence à la crocheter et après une dizaine de secondes seulement, j'entends le clic significatif. Pourquoi cela ne me surprend pas qu'il sache faire ça ? Il est doué. J'appuie sur la poignée et la porte s'ouvre.

          Je pénètre dans la pièce. Il s'agit d'une petite chambre de bonne. Il n'y a qu'un lit, une petite étagère et un évier. La pièce doit faire 8 ou 9m² tout au plus.

          Un bruit d'explosion nous fait tourner la tête vers le velux. Au loin, nous voyons le dirigeable de la dame de trèfle imploser. Bien, c'est une bonne nouvelle, il ne reste plus que 3 figures : le valet de trèfle, le roi de pique et la dame de cœur. J'entrouvre la fenêtre et coince une babiole, que j'ai attrapé sur l'étagère, sur le bord pour la maintenir ouverte. Les bruits de la ville nous réveilleront peut-être, mais ils nous permettront surtout d'être au courant si un danger approche.

          Je dépose mes sacs au sol et m'étire. Je craque de partout. Et bah. Chishiya hausse un sourcil et me regarde amusé, avec son petit sourire en coin. Il sait parfaitement que mon état est entièrement de sa faute.



- Tu devrais essayer de te rendormir. En attendant, je vais aller faire un tour pour m'assurer qu'on ne risque rien ici.



          Il m'observe, sans rien dire. Je suppose qu'il essaye de deviner mes pensées. Il semble comprendre que je cherche avant tout à être seule pour réfléchir, raison pour laquelle il ne me retient pas lorsque je franchis la porte pour ressortir du petit appartement.

          Arme à la main, je traverse chaque couloir de l'immeuble, vérifie chaque pièce et chaque recoin. Mais il n'y a que le silence et le vide autour de moi. Je suis perdue, je ne sais pas quoi faire. D'un côté j'ai envie d'espérer et de croire Chishiya, mais d'un autre côté, je suis fatiguée, il faut que mon enfer prenne fin une bonne fois pour toute. D'un côté mon cœur me tiraille et de l'autre ma raison me rappelle qu'au vu de ce qu'il s'est passé durant les 25 dernières années, il est vain d'espérer une fin heureuse. Et j'en ai bien conscience, ma vie ne se résume qu'à de la souffrance et de la solitude, une lutte sans fin pour survivre jusqu'à la mort.

          Je sors de l'immeuble et commence à marcher dans la rue. J'en viens à me demander pourquoi je lutte pour survivre. Après avoir quitté l'armée, quand j'ai compris que je ne pourrai pas me venger de mon tortionnaire, je me demande ce qui m'a poussé à survivre. Pourquoi ai-je continué à lutter autant de temps ? Le jour où j'ai rencontré Nana, ça m'a paru évident de devoir la protéger, elle a donné un peu de sens à ma vie. Mais avant ça ? Assassiner des ordures qui s'en prenaient à des gens plus faibles qu'eux ne m'a jamais apporté la moindre satisfaction, joie ou tristesse. Alors pourquoi ?

Un nouveau départ ... CorbeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant