*Chapitre XXVIII

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          Je me réveille en sursaut. Comme toujours. Et pour ne pas déroger à la règle, j'ai dormi tout juste 4h. Je sors de mon lit et me dirige vers la salle de bain pour prendre une douche. Vu les cauchemars que je viens de faire, je transpire, j'ai besoin de me rafraîchir.

          Une fois propre, je me rends dans la pièce de vie et souris. Étrangement, cet appartement m'avait manqué. Ma vie dans le Borderland n'était pas particulièrement joyeuse, surtout avant l'arrivée de Chishiya, mais pour une raison qui m'échappe, je m'y sens bien, je m'y sens chez moi. Pourtant, ce logement est aux antipodes de mes précédents lieux de vie, à commencer par le fait qu'il soit en ville et non loin de tout.

          Il y a quelques jours, je suis venue voir le propriétaire avec une offre plus que généreuse pour acheter son appartement. Vu les pertes que sa société a essuyé suite à la météorite, il semblait ravi de ma venue. Je n'ai même pas eu besoin de le convaincre. Il s'est empressé de signer tous les papiers, de prendre l'énorme sac de billets que je lui tendais et de me balancer les clés au visage, emportant avec lui seulement sa femme et un sac de vêtement.

          Rester à Tokyo est particulièrement risqué, mais tant pis, j'apprécie cet appartement, je veux des réponses, et je veux découvrir si ce Chishiya existe bel et bien.



          Je me pose dans le canapé avec mon ordinateur sur les genoux. Voilà un peu plus d'une semaine que je me suis réveillée et enfuis de l'hôpital. D'après ce que j'ai compris, seul Shibuya a été touché par la météorite. L'électricité a été partiellement rétablie dans la ville, à commencer par les hôpitaux, les casernes de pompiers et tout autres lieux nécessaires pour secourir la ville et ses habitants. Pour les habitations, c'est aléatoire dépendant de l'état du réseau aux alentours. Pour ma part, je m'en fiche. Je n'utilise pas l'électricité qui sort de mes prises. Je ne veux pas de factures. Je me contente de ce que produisent les petits panneaux solaires que j'ai installés. C'est amplement suffisant pour moi seule. Pour l'eau, je n'ai évidement pas pu réinstaller un système de gouttière sur le toit, mes voisins auraient trouvé ça suspect et je veux à tout prix rester discrète. Je n'ai même pas changé le nom sur la boîte aux lettres. J'ai donc juste placé de toutes petites gouttières au-dessus de mes fenêtres et de ma baie vitrée, puis j'ai relié le tout à un petit récupérateur d'eau sur mon balcon. Je devrais pouvoir m'en sortir si j'abandonne le lave-linge et le lave-vaisselle et que j'achète quelques bouteilles d'eau en complément.

          J'allume mon ordinateur et commence mes recherches. Tout comme dans le Borderland, je me suis imposée un planning strict. Je passe mes matinées à faire des recherches ou à m'instruire grâce à divers bouquins que j'ai récupérés à la bibliothèque. Et l'après-midi, soit je m'entraîne, soit je continue de réaménager l'appartement pour qu'il ressemble à ce que j'en avais fait dans le Borderland. Pour la bêtise, j'ai même refait ma pyramide de cartes. Mais il y a une nuance que j'ai apportée à ce logement. J'ai retiré la télévision pour installer un poêle à bois. Une télé ne m'est d'aucune idée alors qu'un poêle me réchauffera en hiver.

          Aujourd'hui, je dois faire un petit tour dans les bases de données des 2 hôpitaux de Tokyo. Ce n'est absolument pas légal, mais je veux des réponses. Et comme ils ont récupéré l'électricité, ils ont dû abandonner les formats papiers pour tout sauvegarder en ligne. Sans grande surprise, pénétrer dans leur serveur n'a rien de compliqué. Leur système de défense contre les intrusions est pratiquement inexistant, et le peu qu'il y a est daté d'au moins 15 ans. C'était prévisible. Faute de budget, c'est également le cas pour beaucoup d'autres organismes publics.

          Les morts se comptent en milliers et pour les blessés, ce n'est guère mieux. Mais ce qui attire mon attention, c'est que toutes les personnes qui ont survécu se sont retrouvées entre la vie et la mort pendant plus ou moins 1 minute. Même celles que les médecins ont tenté de sauver mais qui sont mortes en cours d'opération ou des suites de leurs blessures se sont également retrouvées entre la vie et la mort pendant plus ou moins 1 minute. Exactement comme ce qu'il m'est arrivé. Les personnes mortes dans le Borderland seraient donc également mortes dans le monde originel, et celles qui ont survécu aux jeux auraient pu survivre dans le vrai monde ? Peut-être, mais ça n'explique pas pourquoi je suis restée 6 mois là-bas alors que je ne me suis absentée qu'une minute... S'agirait-il d'une sorte d'hallucination collective ?

Un nouveau départ ... CorbeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant