Chapitre 2

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"La raison du plus fort est toujours la meilleure" Le loup et l'agneau. Jean de la Fontaine

Je refermai la grille et marchai vers l'autre bout de la ville. J'aurais pu payer pour aller jusqu'au domaine de Montigny en charrette, mais je préférais économiser notre argent et décidai donc de m'y rendre à pied. Un brouillard matinal s'était installé dans les rues, englobant le panneau du boucher qui faisait l'angle. Je passai devant un puit autour duquel des bottes de pailles avaient été entreposées pour la nuit. Dans les autres villes, les marchandises étaient emmagasinées dans des granges avant leur enlèvement à l'aube, mais le village était tranquille. Contrairement à ce que ma mère pensait, les pillages et les larcins y étaient assez rares, ce n'était pas comme à Paris.

Je marchai durant un bout de temps sur un chemin en terre battu en maintenant les pans de ma cape contre mon cou. L'odeur d'humidité emplissait mes narines, accompagnée par celle du crottin de cheval. La campagne était calme. Les premières lueurs du jour se reflétaient sur les couleurs chatoyantes des troènes et virgiliers en fleurs. La brume se retira progressivement et laissa place aux autres parfums de la nature.

J'espérais que la proposition de ce noble tienne toujours. C'était étrange qu'il soit si pressant de me rendre service. Pourquoi moi ? avait-il tant de mal à recruter qu'il était prêt à s'arrêter sur n'importe qui ? Mais regarde-toi, Athénais, avec ces guenilles sur le dos, ce n'est pas étonnant qu'il ait voulu te porter secours !

Je levai le nez, essoufflée puis m'arrêtai. A quelques mètres, j'aperçus un château dont les murs étaient conçus en un bloc. Une rivière passait dessous un pont relié à une grille noire qui délimitait l'entrée au domaine. Les jardins s'étendaient en un vaste parc de plusieurs hectares cerné par la foret. Une fois devant la porte, j'actionnai la cloche. J'attendis quelques secondes, le cœur battant. Comment fallait-il que je me comporte ? Je n'avais jamais fréquenté de nobles. Ma cousine s'était mariée avec un baron mais je n'avais jamais eu l'occasion de la revoir depuis son mariage. Je regrettais de pas lui avoir posé plus de questions sur ce monde, cela m'aurait bien servi aujourd'hui.

Un valet se révéla au loin. Il portait une livrée [1] rouges avec des motifs géométriques de couleur noir. Il s'arrêta face à moi et ses yeux bleus se plissèrent.

— Que désirez-vous ? lança-t-il d'un signe de tête.

Sa casquette ébène écrasait les boucles de sa perruque courte blanche et masquait une partie de son front.

— J'aimerais voir le vicomte, est-il présent ?

Il me jaugea.

— Ce serait pour quoi exactement ? demanda-t-il, suspicieux.

— Il m'a fait une offre d'embauche. Je suis Athenais Volbant.

Les commissures de ses lèvres s'affaissèrent et sa paupière tressauta.

— Très bien.

Il prit son trousseau, déverrouilla la porte de sa main gantée, puis me fit signe de le suivre. J'évoluai sur le chemin pavé, aux talons de cet homme, en frottant mes mains l'une contre l'autre avec nervosité.

— Quelques règles de bienséance avant tout, mademoiselle.

Surprise, je me rapprochai pour me mettre à son niveau et entendre ce qu'il avait à me dire. Il s'arrêta sur l'allée et se tourna vers moi. Je retins mon souffle.

— Ne parlez pas avant que monsieur le vicomte ne vous en ait donné la permission. Baissez les yeux quand il s'adresse à vous et surtout soyez toujours en accord avec ses dires.

Le secret du lysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant