Chapitre 3

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"La vengeance est un plat qui se mange froid." - Pierre Corneille, Le Cid

Le vicomte approcha le tisonnier de ma cuisse, le regard brillant, la langue retroussé sur sa lèvre supérieure. Le bout rougeoyait. Je sentis la chaleur qu'émanait le métal à quelques centimètres de ma peau. Je plissai les paupières et mordis ma langue, me préparant à souffrir. Tout cela n'est pas réel, je vais me réveiller !

— Excusez-moi, messeigneurs, vous devriez venir voir, s'interposa le Vallet.

Les fins sourcils de mon tortionnaire se joignirent et sa main se resserra sur la barre de fer.

— Comment oses-tu nous déranger ! cracha-t-il.

— Vos fiacres ont été saccagés, expliqua-t-il.

— Morbleu !

Ils se hâtèrent tous vers la sortie, lâchant leurs objets en main dans un bruit métallique. Je tirai sur mes liens dans l'espoir de les faire céder. Je n'y arriverais pas. J'allais me faire torturer à mort, mourir dans d'atroces souffrances. Un sanglot jaillit de ma bouche.

Le valet vint vers moi à pas de loups, puis il s'empressa de détacher les cordes.

— Vite, hâtez-vous, je vais vous sortir de là.

Je me relevai et descendis de la table en frictionnant mes poignées endoloris, sonnée. Ma tête tourna et mes jambes eurent du mal à me soutenir. Bon sang, je ne pouvais y croire, il m'avait sauvée !

— Mais que se passe-t-il ici ? larmoyai-je.

L'homme me prit par le bras et m'entraina dans le hall. Avant de sortir, il scruta l'extérieur puis me fit signe de le suivre. L'air frais emplit mes narines et décrispa un peu mon corps. Il me fit reculer derrière les pots des orangers pour me camoufler.

— Restez là, une fois qu'ils seront rentrés, vous fuirez. La grille est ouverte.

Je scrutai ses yeux bleus entournés de cernes, la gorge serrée. Il avait risqué sa place pour me sauver. Au moment de se détourner, j'agrippai son bras.

— Comment vous remercier, monsieur ?

Ses narines se dilatèrent. Il garda le silence quelques secondes durant lesquelles je pouvais deviner toutes les mésaventures qu'il avait pu vivre auprès de cet homme.

— En ne vous fiant plus à personne, conseilla-t-il, sèchement.

Il se détourna et descendit les marches afin de rejoindre mes tortionnaires qui se trouvaient dans l'allée. J'observai discrètement et d'un œil, le spectacle que mon nouvel ami avait provoqué pour me venir en aide.

Des coups de pioche avaient abimé les devantures de leurs belles voitures et une roue avait été arrachée ce qui faisait pencher leurs fiacres. Les autres domestiques avaient dû lui prêter main forte. En tout cas, ils l'avaient laissé faire, ce qui signifiait que tous s'accordaient sur ce même point : leur maitre était monstrueux avec tout le monde.

Le rythme de mon cœur ne décèlerait pas. J'aurais pu me réjouir devant leur désarroi, mais je ne parvins pas à me calmer. Les sanglots encerclaient toujours ma gorge et les tremblements de mes membres ne cessèrent pas. Mes pensées n'allaient que vers ce traitement que je venais de subir. Les quatre hommes se détournèrent, s'apprêtant à rentrer. Je mis une main sur ma bouche et retins mon souffle à l'instant où ils passèrent devant moi sans m'apercevoir.

— Faites appel à la garde, qu'on retrouve celui qui a fait ça.

La porte se referma. Je relâchai tout l'air de mes poumons.

Le secret du lysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant