Chapitre 11

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Je courus dans la ruelle tandis que la boue s'éclaboussait sur mes jupons. Je devais rejoindre Pierre Jean et j'étais déjà en retard. La veille, après que le cocher d'Ulysse m'ait raccompagnée, je m'étais glissée à pas feutrés jusqu'à ma paillasse. J'avais eu du mal à fermer l'œil. J'avais palpé l'argent, soupesé les lourdes pièces comme pour m'obliger à y croire. Je devais remercier ce ministre de vive voix. Ce qu'il avait fait pour moi était incroyable.

Je revisualisais encore ce matin, les feux d'artifices et la voix angélique de ce chanteur. Cette soirée avait été un rêve, un moment où le temps s'était suspendu. J'aimais ces entrevues avec Ulysse, je souhaitais vivre avec lui, chaque seconde comme un cadeau, sans penser à la suite, aux risques, au danger.

Je tentai de me frayer un passage parmi la foule. Je grimaçai, bousculée de partout. Tous les matins, le marché occupait la place du village. Les gens se battaient pour obtenir le meilleur prix. La plupart travaillait comme maitre de maison, cuisiniers, d'autres tenaient les auberges du coin. Je réussi à m'extirper et levai le nez pour contempler la grille noire du couvent. Une petite porte se dessinait dans une plus grande, et laissait passer quelques nonnes affairées avec des cabas remplis de linge.

— Athénaïs ! m'appela Pierre jean.

Je me tournai et l'aperçus manches retroussés, tout transpirant. Je le suivis dans une allée qui longeait le couvent. Des toiles de tantes de fortune comportaient de nombreux lits de camps installés pour des malades. Ils gémissaient tous, agonisants. Leur visage était livide, cerné par l'épuisement et parsemé de boutons rouge.

— Qu'est-ce qu'ils ont ? questionnai-je en rattrapant mon ami.

— La petite vérole. Tu m'excuseras, je m'étais engagé auprès de la sœur Marie Clarence pour prêter main forte ce matin. J'ai bientôt terminé.

Je connaissais Marie-Clarence, c'était une personne généreuse qui n'hésitait à donner de sa personne pour venir en aide aux pauvres malheureux.

Il s'agenouilla auprès d'un homme aux cheveux longs blancs, puis il plongea un linge dans un seau d'eau, qu'il mit ensuite sur son front. Mon cœur se serra à la vue de tous ces gens malades qui n'allaient probablement pas survivre.

Et moi qui m'étais délectée du spectacle de son et de lumière auquel j'avais assisté la veille. J'avais oublié que des hommes mourraient.

— Il n'y a pas de remède à ça ? l'interrogeai-je.

— Les saignées et les purges les affaiblissent plus qu'elles ne les guérissent. Ils sont nourris avec une sorte de potion que Mathilde nous a concocté, à base de plantes médicinales je crois. Les médecins ne viennent plus de toute manière et le roi ne fait rien.

Mathilde était la guérisseuse du village. Les gens venaient la voir lorsqu'ils avaient des maux particuliers. Elle procédait également aux accouchements et entreprenait quelques opérations.

— Que puis-je faire pour t'aider ?

— Fais les boire, proposa-t-il en m'indiquant le seau. Il faudrait réguler leurs humeurs. En les hydratants, on aura peut-être une chance de rétablir la bonne circulation du flegme.

Je me saisis d'un bol en bois gorgé d'eau et tins la tête d'une femme dont les cheveux collaient à son front chargé de sueur et la fis boire doucement.

— Où as-tu appris tout ça ?

— C'est la rebouteuse qui me l'a dit.

Je continuai avec plusieurs malheureux puis nous sortîmes des tentes pour reprendre un peu d'air frai. Des sœurs passaient devant nous en portant des cadavres. Je réprimai un haut le cœur et me tournai en plissant les paupières. Mon ami posa son bras le long de mes épaules et m'orienta vers une rue voisine.

Le secret du lysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant