Chapitre 15

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"La vie est un sommeil, l'amour en est le rêve, et vous aurez vécu si vous avez aimé." - Alfred de Musset

Je contemplai le château, assise sur l'herbe, dos à un arbre. Des oiseaux chantaient dans les branches et l'air portait le doux parfum du printemps qui progressait. Je plissai les yeux en contemplant un ciel bleu sans nuage. Le soleil reflétait une lumière orangée sur les fenêtres de Versailles. J'étais heureuse d'être ici. J'espérais oublier l'espace d'un moment, la révélation de Troudie et la prison dans laquelle j'étais enfermée. J'allais enfin pourvoir le retrouver.

J'avais beaucoup réfléchi la nuit dernière. Son maitre qui prenait sa place, son manque de disponibilité... Je n'avais cessé de ressasser les possibilités qu'il détienne un secret que, au fond de moi, je ne voulais pas entendre. Tout ce que je désirais était d'avoir confiance en lui. Il était un ami devenu cher à mon cœur, je ne voulais pas admettre qu'il puisse me trahir.

Je tournai mon regard vers le sentier et aperçus une silhouette au loin. Mon cœur s'emballa et les commissures de mes lèvres s'élargirent. Ulysse apparut avec cette même cape en velours qui masquait tous ses vêtements. Seuls ses chaussures étaient visibles et brillaient à la lumière du soleil couchant. Il esquissa un sourire qui plissa quelques lignes de son visage, les rendant plus viriles. Il était beau une fois encore. Je me relevai et fonçai vers lui pour le prendre dans mes bras.

Son corps se tendit, surprit par une telle initiative, puis ses mains m'enveloppèrent ensuite avec douceur. Il n'avait pas l'habitude de tant de proximité mais je lui apprendrai que chez nous, les roturiers, nous communiquions dans la spontanéité du cœur.

Je m'enivrai de son parfum et me délectai de la chaleur qu'il dégageait. Mes doigts circulèrent sur le velours de son vêtement sous sa cape. Je sentais la force de ses muscles, la puissance de son être. Ma gorge se contracta. Je voulais rester ici durant des siècles, enfermée en lui.

Comme il m'avait manquée.

Ses doigts caressèrent mon dos blessé et un tressaillement me parcourut. Mes plaies décuplaient mes sensations, comme s'il ne touchait pas seulement ma peau à travers le tissu mais mon âme mise en nue. 

— Vous tremblez, madame. Qui a-t-il ? chuchota-t-il contre mon oreille, comme s'il avait deviné mes tourments.

Je relâchai l'emprise de mes bras. Je n'avais même pas remarqué que je le tenais aussi fort.

— Pardon, m'esclaffai-je d'un rire nerveux.

Il m'observait avec inquiétude. Je ne voulais pas qu'il se fasse des idées, qu'il me prenne encore une fois pour une victime qui avait des soucis à régler.

Je m'éclaircis la voix en rabattant quelques mèches derrière ma coiffe afin de reprendre contenance. Je le dépassai, déambulant de quelques pas puis fis un demi-tour sur moi-même.

— Dites-moi, vous êtes bien difficile à quérir, monsieur ! lançai-je afin de changer de sujet. J'ignorais que les rôles s'étaient inversés vous concernant, votre maitre vous fait office de valet de pied désormais ? 

Sa gorge tressauta puis il emboita le pas à son tour. Je devinais ses mains croisées derrière son dos et contemplai son profil carré, son dos droit et les boutons miroitants de sa cape fermés dans son cou. 

— J'ai eu fort à faire, l'autre jour. Effectivement mon maitre occupe diverses tâches et il ne délègue que trop peu. Il arrive que l'un s'acquitte du travail de l'autre, quand bien même ce ne soit pas son rôle. 

Je souris.

— Votre maitre m'a fait forte impression. Vous avez beaucoup de chances. 

— Auriez-vous pu avoir changé d'opinion concernant les gens de nobles castes ? s'étonna-t-il avec amusement. 

Le secret du lysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant