Chapitre 6

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"La vérité est le seul mensonge qui ne peut pas être découvert" - Voltaire.

Mon souffle s'accentuait à mesure que j'approchais du château. Je voyais défiler les rues bondées de monde par la vitre de la voiture qui bringuebalait sous les pavés. Je m'accrochais comme je le pouvais à la portière en expirant l'air de mes poumons. Ma poitrine me faisait mal, les épingles rentraient dans ma chair et ma coiffe était si serrée que mon crane manquait d'exploser. Pourvu que cette soirée se déroule vite et sans accro.

Une semaine s'était déroulée durant laquelle mes absences étaient passées inaperçus auprès de ma mère. Elle avait enfin décidé de sortir de sa chambre, toutefois, c'était pour mieux s'enfermer dans son boudoir durant des heures. Se farder et se pomponner lui conférait une certaine détente. Tant mieux, ainsi préoccupée par sa petite personne elle avait oublié de s'inquiéter pour moi. Son humeur était souvent changeante, je ne savais plus tellement comment me comporter avec elle. Désormais je ne me laisserais plus avoir par ses paroles culpabilisantes. Elle avait uniquement le désir de contrôler autrui, que le monde marche comme elle l'entendait, assoir son pouvoir sur les autres à la manière d'un noble. Je me demandais bien d'où lui venait cette passion pour l'aristocratie. Elle s'imaginait sans doute qu'en se conduisant comme eux, elle finirait par devenir une grande duchesse par la vertu du saint esprit ?

Lorsque nous fumes à l'arrêt, le cocher m'ouvrit. Je descendis en me pinçant les lèvres. Mon cœur tambourina comme un fou dans ma cage thoracique en apercevant la façade d'une aile du château plongée dans l'obscurité. Elle était surmontée par des pilonnes et des sculptures. Des chandeliers à pied éclairaient le chemin menant sans doute au lieu du bal. Je plaçai mon loup sur mes yeux en attachant le nœud derrière ma tête puis m'avançai dans le passage. Une foule de personnes patientaient à l'entrée d'un portail. Ils étaient tous masqués, chapeau sur la tête et les dames portaient de longues robes amples pourvu de traines.

Je m'avançai, épaules voutées vers la queue qui se profilait. J'attendis mon tour, invitation en main et respirai un grand coup lorsque ce fut le moment de m'adresser au garde suisse.

Pourvu qu'il ne remarque rien.

L'homme était habillé d'un manteau rouge, d'un pantalon rayé accompagné d'une épée ceinturée à sa taille et d'un chapeau à plumet blanc. Il prit mon invitation, la lu avec attention puis me détailla. Dans un sourire qui creusa ses rides, il me rendit mon papier.

— Passez une bonne soirée, madame la baronne, dit-il en s'inclinant.

J'expirai puis avançai dans l'allée qui menait aux jardins. Mon corps vibrait animé par l'angoisse de la situation. Il fallait que je tisse des liens avec ces gens. J'avais déjà horreur de parler avec des inconnus, alors me mêler aux bavardages d'aristocrates hypocrites et imbus d'eux-mêmes n'allait pas être simple. Peut-être serait-il plus facile de m'adresser au ministre directement ? S'il était réellement de confiance, je pourrais me plaindre auprès de lui du vicomte sans avoir à passer par d'autres personnes ? Encore faudrait-il que je le trouve.

Un peu plus loin, des chandeliers éclairaient une large entrée d'où retentissait le son d'un clavecin, d'un luth et d'une harpe.

Plusieurs groupes de personnes bavardaient à l'extérieur. Les voix rauques des messieurs assaillirent mes oreilles et l'odeur de plusieurs parfums musqués emplirent mes narines. Mon estomac se contracta et un haut le cœur me vint. Des flashs du vicomte refirent irruption dans mon esprit. La brulure. Son chapeau à plumes de paon et son sourire narquois...

Je fis un pas en arrière. Je ne pouvais pas faire ça ! Me mêler à ces gens démoniaques... Il était peut-être présent en ce moment même ! Une sueur froide perla sur mon front et mon souffle se fit court. Reprend-toi Athénaïs, tu n'as pas fait tout cela pour rebrousser chemin !

Le secret du lysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant