"Le bonheur est un trésor qui ne se trouve pas sur la route, mais dans la façon dont on voyage." - Voltaire
Je soufflai en me pliant en deux, puis portai ma main en paravent pour masquer le soleil couchant qui m'éblouissait.
Les branches des arbres tournoyaient au rythme du vent. Je rabattis quelques mèches blondes derrière ma coiffure qui s'était défaite. Je retroussai ma robe verte en laine d'une main et poursuivis mon ascension en m'armant de courage.
Je devais retrouver Ulysse en haut de la colline ce soir-là. J'avais revêtu ma tenue habituelle de paysanne pour qu'il voie la femme que j'étais. Il ne fallait pas qu'il se m'éprenne, je n'avais plus l'apparence de la belle bourgeoise qu'il s'attendait peut-être à convoiter. Il savait que je m'étais glissée dans la peau d'une noble, il devait se douter que je n'étais pas riche.
Mon estomac se serra. J'espérais qu'il ne serait pas trop surpris quand il me verrait. Je n'avais pas envie qu'il rebrousse chemin en me jetant un regard dédaigneux. Je grattai mon front. Au moins, je saurais quel genre d'homme il était.
Arrivée en haut, mon cœur battit à tout rompre. Là, mes yeux s'élargirent en contemplant le point de vue dégagée. Le château de Versailles et ses jardins entouré par la ville, se révélaient à l'horizon. Les rayons en déclins glissaient sur ses contours, faisant miroiter les fenêtres de teintes orangées. Carrosses, fiacres et cavaliers circulaient dans l'allée principale, répandant derrière eux, un nuage de fumée chargé de gravillons. Le bâtiment était imbriqué en trois ailes dont l'entrée été précédé par deux grandes cour grillagées. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir le château ainsi. Effectivement, c'était le plus bel endroit du monde.
Je considérai le chemin autour de moi qui continuait encore sur plusieurs kilomètres. J'aperçus une allée de rosiers sauvages qui menait à un verger. Je m'appuyai contre un arbre en portant mon regard sur les jardins du palais. J'avais de la chance d'avoir pu y entrer. Si j'en avais le pouvoir je ferai disparaitre tous ces nobles et me pavanerais dans le château, seule, afin d'y admirer ces magnifiques peintures, fresques et luminaires que j'avais entrevu.
— Je constate que c'est une habitude tenace.
Je sursautai en me tournant. Ulysse était vêtu d'un justaucorps muni de manches étroites aux boutons dorés. Aucun galon ni broderie habillait sa veste. Il portait néanmoins une perruque courte, blanche, poudrée qui reflétait son statut de serviteur du roi. Je redécouvrais son visage à la lumière du jour et il me parut encore plus beau que la première fois.
— Quoi donc ?
— Vous cacher, répondit-il. Vous savez qu'il y a un jeu comme cela à la cour ?
Je souris et sortis des feuillages en époussetant ma robe. Il n'y avait pas qu'à la cour qu'on pratiquait le jeu de cache. Ça se voyait qu'il n'avait pas eu beaucoup d'amis avec qui jouer.
Il me détailla un instant, puis un de ses sourcils se haussa, accompagné de sa bouche qui s'entrouvrit de surprise. Mon estomac se comprima. Je me mordis la lèvre, anxieuse. J'aurais peut-être dû garder la robe de ma cousine. Non, il ne fallait pas que je pense ainsi, il devait m'accepter tel que j'étais. Après tout, il n'était que valet, non ? Il devrait avoir l'habitude de voir des personnes modestes tel que moi. A moins qu'il n'ait grandi dans le luxe, ce qui ferait de lui un aristocrate comme un autre, mais avec la vanité en moins.
— C'est surprenant, n'est-ce pas ? la belle dame est redevenue souillon, pouffai-je, mettant fin à ce silence embarrassant.
— J'ignorais que vous étiez...
— Pauvre ? complétai-je.
Il se redressa et sa poitrine se bomba sous son inspiration. Sa réaction me déçu un peu. Je ne pensais pas qu'il porterait tant de rigueur à mon apparence physique.
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Le secret du lys
Romance1742, Chaville. Depuis la mort de son père, Athénaïs est vouée aux caprices d'une mère dépensière et narcissique. Éprise de liberté et de justice, elle trouve refuge dans la littérature et la philosophie. Cependant, les dettes du foyer se creuse...