Chapitre 14

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"Espérance est le songe d'un homme éveillé." - Aristote 

Un matin de la semaine suivante, j'entendis son attelage s'éloigner de la propriété. Je m'approchai de Léontine qui était en train de balayer le hall en finissant de nouer mon tablier.

— Le vicomte s'est absenté ? demandai-je.

Elle releva ses yeux cernés vers moi.

— Oui. Pour une semaine paraitrait-il.

Je restai de marbre.

— Il nous laisse ainsi sans surveillance ?

Elle haussa une épaule.

— Monseigneur s'ennuie vite.

Je mordis ma lèvre pour réfréner un demi sourire. Je pourrais en profiter pour m'extirper de la maison en cachette afin de revoir Ulysse. J'ignorais s'il était nécessaire que je lui parle de ma situation. Demeurer prisonnière me paraissait beaucoup trop honteux pour être révélé, sans compter le fait qu'il ne pouvait rien faire pour moi mis à part m'attirer des ennuis si cela venait à s'ébruiter. Toutefois, je savais que retrouver son visage m'aiderait à me battre.

J'avais prévenu Léontine que je m'absentais cette après-midi-là. Je devais absolument rentrer avant la nuit. Je m'étais faufilée et avais pris une diligence qui m'amenait droit vers le château de Versailles.

Nous passâmes la ville, les maisons, le grand boulevard pavé où circulait des cavaliers et des chariots remplis de paille, puis la voiture s'arrêta. Je descendis en payant le cocher avec le peu d'argent qu'il me restait, puis poursuivis ma route.

Je repensais à Pierre-Jean et à ce qu'il m'avait dit. Peu m'importait à présent, qu'il soit noble, détrousseur ou que savais-je encore ! je voulais être avec lui, que l'on continue nos discussions sans songer à rien d'autres et surtout pas à ce que j'étais en train de vivre avec le vicomte. Mon désir de vengeance, de créer des liens, de partir de chez ma mère... tout cela s'effondrait comme un château de cartes. Désormais, j'étais prisonnière de ce monstre.

Je relevai la tête, les épaules crispés. J'espérais que Pierre Jean n'en se sache rien. Il ne fallait surtout pas qu'il me vienne en aide. Je trouverais une solution, il me fallait juste un peu de temps !

Au bout d'une bonne demi-heure de marche, j'arrivais près du château. Plusieurs calèche et cavaliers me précédèrent, projetant derrière eux un nuage de poussière qui me fit tousser. Des gens déambulaient de tous les côtés. De grands bâtiments et immeubles délimitaient le chemin qui menait jusqu'aux premières grilles auxquelles je m'arrêtai. Le garde me détailla puis m'intima d'un signe de tête de lui dire ce que je faisais là.

— Bonjour, excusez-moi, pourriez-vous faire passer un message de ma part ?

— Je ne suis point un valet de pied, déguerpissez ! gronda-t-il.

— Ce serait pour Ulysse Chevrier, précisai-je.

L'interstice entre ses sourcils se dérida.

— Ah. Attendez un instant.

Il ouvrit la porte puis sembla chercher quelqu'un dans la cour. Il plaça son fusil surmonté d'une baïonnette en appuis sur son épaule, puis partit vers un homme qui patientait au coin d'une porte. Je me frottai mes mains l'une contre l'autre, surexcitée. Il allait m'amener Ulysse !

Pendant ce temps, je longeai les grilles en étudiant l'horizon. Plusieurs membres de la cour : des femmes vêtues de robe en mousseline, et des hommes en perruque poudré et canne à la main, bavardaient au centre.

Le secret du lysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant