12. Pressentiment

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Lorsque j'ai su que nous étions une demie-douzaine, je ne me suis pas vraiment sentie à l'aise. Pour être honnête, j'ai même tenté de trouver une excuse pour ne plus venir. Depuis un moment maintenant j'ai du mal à me retrouver dans un groupe, surtout si ce ne sont pas mes amis directs. J'aime beaucoup Alya, mais elle est la meilleure amie de Marinette et non la mienne ; j'ai de ce fait un perpétuel sentiment d'être une étrangère. Pourtant, lorsque je passe la porte de la boulangerie, tous mes doutes s'envolent face au visage souriant et bienveillant de Sabine, la mère de Marinette. Cette dernière m'accueille en servant d'une main une de ses clientes et m'indique une porte derrière elle.


"Ah ! Cassie ! Marinette m'a prévenue de ton arrivée, ils t'attendent tous là-haut.

-Merci !"

Sans demander mon reste, je suis les indications de la propriétaire de la maison jusqu'à un escalier menant sur une trappe au plafond. J'entends des voix étouffées se transformer en de plus grandes phrases, et enfin une exclamation quand j'ouvre la trappe :

"Cassie ! Trop bien que tu aies pu venir !

-Super idée Marinette, puisqu'elle est objective, elle va pouvoir te donner un avis impartial."


Je reconnaîtrais cette voix entre mille, et je me suis aussitôt détendue en constatant qu'Adrien était de la partie. J'ai beau savoir qu'il me ment, je suis quand même satisfaite de le voir, cela me permettra de l'avoir un peu plus à l'œil. D'après lui, c'était naturel de se trouver parmi les filles cette après-midi puisque ses qualités de mannequin font qu'il est le parfait modèle. De ce que je comprends, Juleka, qui se trouve recroquevillée dans un coin de la banquette de la chambre de Marinette, est là pour être le modèle féminin de la déléguée de la classe de troisième. Je me demande bien comment une fille aussi timide a fait pour se retrouver dans cette situation, j'ai comme l'impression que ce n'est pas vraiment son élément, mais je me trompe peut-être, les apparences sont si souvent trompeuses.

Marinette nous présente la collection typiquement parisienne qu'elle a créé. Il y a un béret rouge, un pull bleu marine aux rayures noires avec les bijoux qui vont avec. Pendant quelques secondes, tout se passe pour le mien, Marinette a l'air de savoir ce qu'elle fait. Même si de toute façon je ne suis pas vraiment la mieux placée pour donner mon avis vestimentaire, puisque je me contente toujours de la même combinaison, variée uniquement avec les couleurs ; j'aime ma zone de confort.


Cependant, plus les minutes défilent, plus je sens la timidité de Juleka prendre le dessus, elle a du mal à s'imposer face à toutes les autres voix et pensées de la pièce. Même Rose, dont elle semble être très proche, n'arrive pas à lui donner suffisamment confiance pour qu'elle puisse s'affirmer sur le désir de porter fièrement les créations de Marinette. C'est comme si quelque chose la bloquait. Soudain, c'est Alya dont la voix passe au-dessus de toutes les autres :


"Et si c'était Marinette et Adrien qui portaient les créations ?"


Alors que je m'attendais à ce que Marinette proteste pour laisser la place à Juleka comme c'était convenu au départ... mais Alya se trouve très convaincante et joue sur le gros point faible de Marinette ; Adrien. Elle ne peut pas résister au fait de pouvoir partager une activité et d'être photographiée avec son amoureux inavoué. Cela crève les yeux, et je ne comprends pas encore comment Adrien ne s'en est pas rendu compte. Cédant sous une certaine forme de bienveillante pression, Marinette finit par accepter et le reste des filles décident de sortir pour prendre les photos. Avec le splendide temps extérieur, je ne contredis nullement cette décision, même si, à vrai dire, je n'ai pas dit un mot depuis que je suis arrivée.

Pendant que tout le petit groupe se lève, je profite de l'effet que certains me passent devant pour me rapprocher discrètement de Juleka. Rose a déjà tenté de la convaincre de demander à Marinette de la laisser poser, mais sa camarade de classe est bien trop timide pour le faire. Je ne sais pas si je pourrai la convaincre ou la rassurer ; je ne suis pas forcément très douée pour les relations mais je peux toujours essayer. En une phrase, leur demandant de patienter deux minutes, j'attends que nous ne soyons plus que deux et je m'approche de la fille à la mèche violette :


"Salut."


Mon approche n'est pas terrible, mais elle a au moins l'avantage de lui faire lever les yeux. J'y lis une profonde tristesse, comme si elle s'en voulait. Elle est déçue d'elle-même, je connais ça. Et puisque j'ai été un peu dans la même situation à elle seule contre tous, je me racle la gorge et elle m'accorde enfin quelques mots. Elle chuchote presque, comme si elle ne voulait pas faire trop de bruit :


"Je... c'est toujours pareil...

-Est-ce que tu veux que je lui en parle ? Ça ne me gêne pas, ça a l'air de te tenir à cœur.

-Non... c'est gentil Cassie. Peut-être une autre fois...

-Je vais descendre, sinon ils risquent de venir nous chercher de force. Tu nous rejoindras ?

-Un peu plus tard.

-Ne reste pas dans ton coin Juleka, tu n'es pas toute seule."


Je glisse une main sur son épaule, et je pars de l'autre côté de la pièce, un mauvais présentement dans le coeur. Passant de nouveau par la trappe, je rejoins les autres membres du groupe. Nous marchons pendant de longues minutes jusqu'aux marches face à la Tour Eiffel, lieu idéal pour le shooting. Je vois les deux modèles de la séance éprouver du mal à se débarrasser de leurs bijoux fétiches mais ils cèdent sous les divers insistances de leurs amis. Pendant que je regarde les tourtereaux inavoués se placer sous les feux des projecteurs, je m'éloigne quelque peu. Cela ne fait que quelques minutes que nous avons quitté Juleka et pourtant elle ne nous a pas rejoint. Je pose ma besace sur le sol, et vérifie que mon Miraculous se trouve bien sur mon pouce avant de chuchoter en jetant des graines dans mon sac :


« Prépare toi Kribb, je sens qu'on ne va pas tarder à intervenir. »

Miraculous : Les Serres de la VengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant