D'ordinaire, mon père est un homme raisonnable qui ne transgresse jamais la loi. Cette fois, il fait une exception. Pied au plancher, il avale le bitume comme les pancakes qu'il n'a pas eu le temps de dévorer. Ses gestes sont précis, la vitesse est grande sans être risquée. Il nous faut plus du triple de temps qu'il faut à ma mère en volant mais il tente de combler ce retard par un parcours plus que rapide. Alors que je tente de repérer les traces des premiers éboulements au loin, j'aperçois deux silhouettes sur une des montagnes. En clignant des yeux je m'attendais à les voir disparaître mais je constate que les deux personnes sont toujours là. Ce qui m'alerte c'est leur agilité, leur vitesse et leurs couleurs. On dirait des versions non volantes du costume de héros de ma mère. Sans alerter mon père, je commence à comprendre que ce sont d'autres héros, mais je me demande bien d'où ils peuvent sortir ; ma mère n'en a jamais fait mention.
Soudain, la voiture freine dans un crissement qui me fait grincer des dents. Le frein à main est relevé et mon père pose une main sur la poignée de la voiture. Je vois qu'il est sérieux et stressé, il hésite à y aller. Il sait que ma mère n'apprécierait pas, mais il ressent aussi le danger, et s'il estime que son instinct est d'y aller, c'est qu'il doit y aller. Il marmonne :
"Il faut évacuer les civils. Elle ne peut pas s'occuper de tout en même temps.
-Je m'occupe de ceux avant les éboulements, il faut y aller pas à pas."
Mon père tourne la tête vers moi. Je sens sa gorge nouée. Il ne doit pas non plus aimer le fait que j'ai l'air de vouloir me mettre au cœur de l'action mais il n'a pas le choix et sait très bien ce que j'allais faire en m'emmenant avec lui. Il ouvre sa portière, et je fais de même. Une bonne centaine de mètres plus loin, les éboulements n'ont pas l'air de vouloir se stopper et le sol tremble sous nos pieds. Des hurlements nous agressent les oreilles et nous nous rejoignons devant le capot de la voiture. Mon père me prend dans ses bras, il tremble, et ça me fend le cœur.
"Sois prudente. Je t'aime.
-Toi aussi. Je t'aime."
Je ne le savais pas, mais ce sont les derniers mots que je lui ai adressés. Les marques d'affection ne sont pas une grande coutume dans notre famille, mais je pense que c'est notre instinct qui nous a poussé cette dernière fois à déclarer nos sentiments. Je prends quelques pas d'élan et je dois m'approcher des premières voitures dans lesquelles sont bloqués des passagers qui n'osent pas bouger. La terre tremble sous mes pieds mais cela ne me fait rien, j'ouvre des portières et je hurle aux adultes et aux enfants de sortir rapidement. Sous le choc, je suis obligée de tirer certains hors de leur véhicules.
"John !"
Un prénom des plus communs en Angleterre. Il aurait pu être prononcé par n'importe qui envers un quelconque John. Mais ce John là. Celui que j'ai entendu ce jour-là. C'est le prénom de mon père. Je me suis faufilée entre les rochers, sentant le sol devenir de plus en plus instable jusqu'à contourner un obstacle plus grand que moi. Le bruit des ailes de ma mère se posant à quelques mètres de moi me pousse à me cacher. J'ose toutefois jeter un coup d'œil. Mon père est allongé sur le sol, tout son côté gauche semble avoir été repeint en rouge. Ma mère s'est agenouillée près de lui et elle lui prend la main. Pendant quelques secondes je comprends deux choses, que mon père va mourir, et qu'un nouveau rocher roule droit sur eux. Ils sont dans leur bulle. Je ne vois que ma mère lui sourire et lui caresser partiellement les cheveux. Je voudrais hurler, hurler qu'un rocher leur arrive dessus. Mais mon corps entier se paralyse. Je ne bouge pas, même en constatant la zone d'éboulement s'agrandir pour se rapprocher de moi. Je n'entends qu'une phrase, la dernière prononcée par mon père :
"J'ai voulu t'aider en tentant de les faire évacuer mais j'ai comme qui dirait... un peu échoué."
Je ne vois qu'un sourire crispé de ma mère, et soudain, je suis tirée en arrière. De force, je décolle du sol, agrippée par les épaules et en une fraction de secondes je me retrouve de nouveau près de la voiture de mon père. Une fois féminine me parle avec fermeté, mais avec un ton presque familier :
"Cassandra. Tu dois te mettre à l'abri. Je veux que tu sois en sécurité. Reste là, je reviendrai."
La silhouette aux couleurs du Paon fait un bond en arrière et me laisse dubitative. Sur le moment, je n'ai rien compris, je ne comprenais déjà plus rien depuis un moment. Je suis restée sur place pendant une longue et interminable minute, jusqu'à ce que mon cerveau décide de nouveau de s'activer. Cette fois, je prends conscience de tout autour de moi, et je dois retourner au cœur de l'action. Mes parents sont là-bas, je dois au moins sortir mon père des décombres. Peut-être que si j'arrive à trouver quelqu'un pour nous conduire à l'hôpital, on le sauvera.
J'enjambe les rochers, garde un œil en permanence sur les ombres sur le sol et les bruits. Je dois repérer chaque amas rocheux qui se décroche. Ma mère est toujours penchée au-dessus de mon père et le rocher qui devait les percuter est fendu en deux derrière eux. Je constate que les ailes de ma mère sont courbées... celles qui ont toujours été droites et robustes se retrouvent abîmées. Le sourire de ma mère s'est évanoui en même temps que l'esprit de mon père. Elle se redresse et marche péniblement vers d'autres véhicules. Elle fait apparaître des griffes au bout de ses gants et dans un cri de rage elle explose un rocher de sa taille. Entendre un hurlement pareil me glace le sang. Mais ce qui l'est encore plus est de constater que d'autres rochers tombent encore et encore et que rien ne semble vouloir s'arrêter.
Sur les deux silhouettes que j'avais aperçu plus tôt, je constate que celle aux couleurs du Paon se charge d'évacuer les victimes restantes tandis que celui aux tons violets reste en retrait. Je ne sais pas s'il est crispé par la situation ou s'il refuse d'agir mais dans sa simple inaction il m'agace. On dirait le père du neveu d'Emilie. Il reste de marbre et ne porte pas d'aide à ma mère qui est pourtant la plus proche de lui. Le Paon continue de voltiger de véhicule en véhicule. Esquivant avec élégance les menaces rocheuses et se rapprochant de plus en plus de ma mère. Je me dis que cette fois il y a un espoir.
Un tremblement plus puissant que les autres se fait ressentir, et c'est comme le final d'un feu d'artifice. C'est une marée de roches aux tailles aléatoires qui déferlent le long de la montagne dans la direction des deux héroïnes. Ma mère et le Paon finissent par se retrouver ensemble au milieu des futurs obstacles. Les ailes de ma mère ne lui permettent pas de voler et de les extirper de la situation. Le détail qui me frappe est que ma mère ne se tient pas droite, elle a les épaules voûtées comme si elle n'y arrivait plus, qu'elle abandonnait.
La voix de l'homme en violet parle beaucoup plus fort que les éboulis mais je ne comprends pas ce qu'il dit. Le Paon se tourne vers lui mais secoue la tête négativement. C'est une discussion à laquelle je ne comprends rien mais je vois tout. Le Paon explique quelque chose à ma mère en pointant ma direction et je vois le Héros du Faucon lui prendre les mains et la serrer très fort contre elle. Il y a tellement de questions que je me pose. Je ne comprends pas comment elles peuvent avoir l'air si proches sans se connaître. Puis, je lis distinctement sur les lèvres de ma mère "détransformation".
Dans un éclair, Kirb réapparaît dans ses mains, il est épuisé. Elle lui caresse le sommet du crâne comme à son habitude, et retire la bague qu'elle portait à son annulaire. Elle le dépose dans les mains du Paon et cette dernière appelle l'homme en violet. Je crois avoir entendu Papillon mais je ne suis pas certaine. Je comprends cependant bien que les cris du Paon sont de la colère et que Papillon refuse catégoriquement de bouger. Puis, à seulement quelques mètres des rochers, il décide enfin de faire un bond dans leur direction. Il va les sauver ! C'est bon !
Mais le Papillon ne tire, prend que la femme Paon entre ses bras qui n'a pas pu esquiver un des rochers qui leur arrivait dessus, et bondit plus haut que les éboulis. Mon regard est attiré par leur mouvement et j'en perds de vue ma mère l'espace de deux secondes. C'est le tremblement de terre qui m'a fait revenir à la scène initiale. Mais il n'y avait plus rien, plus de maman, plus de papa... L'ombre des deux héros inconnus passe au-dessus de moi. Celle du Paon a l'air sonnée et je la vois me lancer un regard un peu perdu mais elle lâche quelque chose. Un petit objet brillant rebondit sur le sol, roule jusqu'au bout de ma chaussure. Une bague.
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Miraculous : Les Serres de la Vengeance
أدب الهواةCassandra, ou plutôt Cassie, fait une entrée discrète dans la classe des troisièmes du collège Françoise Dupont à Paris. Enfin ça, c'est ce que Cassie aurait souhaité. Quand Papillon décide de s'en mêler, ce n'est pas certain que le petit séjour de...