Partie 1 - Le bar.

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Aurélien appuya sur le bouton stop du bus quand il reconnut le quartier dans lequel il se trouvait. Et quand il en descendit, un peu comme dans un rêve, ses pas le menèrent automatiquement devant le bar. Il n'avait pas prévu de s'y rendre, ayant pris le bus pour aller à son rendez-vous chez le médecin à la base, mais voilà, il se retrouvait à présent devant ce bar. Ce bar où sa vie avait changé pour ne plus jamais être la même. Il observa attentivement le petit commerce, de sa devanture toute neuve aux tables attendant les clients devant les vitres à présent changées et il se perdit dans ses pensées en revoyant tout cela pour la première fois depuis de longs mois. Il n'avait pas eu la force de revenir ici depuis le drame. Il revit dans un flash les gens criant de terreur, les menaces du groupe armé qui avait fait effraction dans le bar, le sang et les corps qui jonchaient le sol après que ces derniers aient commencé à faire feu et il ferma fortement les yeux, essayant d'éloigner ces souvenirs traumatisants de son esprit. Mais en vain. Depuis ce jour-là, il n'avait plus jamais fermé l'œil. Et quand, épuisé par la fatigue il y arrivait enfin, c'était toujours les mêmes images qui lui revenaient. Celles-ci. Des hommes barbus qui criaient dans une langue qu'il ne comprenait pas alors qu'il tentait de s'enfuir sans attirer leurs regards en se traînant au sol et les corps des personnes faisant la fête ce soir-là, dans ce lieu où il était venu se réfugier de la pluie,  tombant les uns après les autres. Puis plus rien. Le silence et le noir, quand il était tombé dans les pommes. Il ne se souvenait de pas grand chose après ça. Il rouvrit les yeux et sentit les larmes border dangereusement ces derniers, menaçant de s'en échapper avec force malgré tout son bon vouloir. C'est alors qu'il vit la porte du petit bar s'ouvrir et il fit un pas de recul, effrayé. Mais c'était seulement une jeune fille et celle-ci lui sourit doucement.

« Bonjour. Vous étiez présent quand cela s'est passé ? lui demanda-t-elle alors et comme il restait muet, celle-ci reprit. Vous voulez entrer ? On a fait un groupe de parole pour partager notre expérience et s'appuyer les uns sur les autres afin de réussir à surmonter cette épreuve. Ça pourrait vous faire du bien ? »

Il observa encore un long moment la fille qui se tenait devant lui et qui lui avait dit ces quelques mots, son cœur battant la chamade dans sa cage thoracique, avant de secouer la tête et de s'en aller en marmonnant un petit désolé à peine audible. Il n'avait pas envie, mais alors pas du tout, de repenser à toute cette histoire. C'était bien trop douloureux.

***

« Trois mois ? Mais... ça fait déjà cinq mois, docteur... »

Son médecin lui offrit un petit sourire désolé quand il lui dit ça avant de retourner à son bureau et il attrapa son tee-shirt afin de se rhabiller. Il remit ce dernier sur lui puis se leva du fauteuil dans lequel il était venu s'allonger pour que celui-ci puisse l'observer attentivement.

« Oui, je sais, M. Cotentin. Vous m'en voyez désolé, mais il ne faut pas précipiter une opération comme celle-ci. Il faut laisser le temps à votre cicatrice de se résorber un peu plus, ça ne fait que cinq mois comme vous avez dit...

— Mais... J'aimerais m'en débarrasser le plus vite possible... Cette cicatrice... balbutia-t-il, sa gorge se serrant en y pensant. Dès que je pose les yeux dessus... je repense à cette soirée... Elle m'oppresse...

— Je comprends, M. Cotentin. Vraiment. Mais dans l'état des choses, je ne peux rien faire. Je ne veux pas vous conseiller à un collègue à ce stade-là, c'est trop tôt. Est-ce que vous avez réfléchi à ce que je vous ai dit la dernière fois ? Par rapport au fait d'aller voir un psy...? »

Il secoua vivement la tête en entendant son médecin lui demander ça et il sentit une pointe de déception dans sa voix quand il reprit la parole :

« D'accord... Si vous ne vous sentez pas prêt... Au moins... J'ose espérer que ces quelques semaines à la campagne vous ont fait du bien ? lui demanda-t-il en souriant et il hocha la tête cette fois. Très bien... C'est déjà ça. Alors... on prend rendez-vous pour dans deux semaines ? On reprend nos séances comme avant, pour voir l'évolution de tout ça ? Toutes les deux semaines ?

— Oui, ça me paraît bien... » répondit-il en forçant un petit sourire sur ses lèvres a l'intention de son médecin.

Celui-ci lui répondit quelque chose, mais il ne comprit pas quoi, ayant déjà décroché, et il hocha simplement la tête pour lui faire croire qu'il l'écoutait toujours. Mais en réalité, les événements de ce soir-là étaient en train de repasser devant ses yeux fatigués, connaissant à présent ces derniers par cœur à force de se les repasser en boucle dans son esprit traumatisé à chaque instant du jour et de la nuit. Jusqu'au trou noir. Après, il ne savait plus bien. Et il avait beau essayer de se rappeler plus en détails, il n'y arrivait jamais.

Fiction OrelxGringe - Te retrouver. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant