24. La boîte à musique

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Les cours de défense contre les forces du mal prirent une tournure particulière à l'approche des vacances de Noël. Après la session d'introduction en duel, le Pr Besarab était, semblait-il, revenu aux classiques. Les élèves de premières années avaient alors abordé l'ensemble des créatures de catégories 4 à 5 peuplant l'Europe occidentale, puis s'étaient exercés aux sorts boucliers de base (Mia en avait profité pour s'entraîner discrètement à la manumagie).

Aussi les jeunes Serpentards furent à la fois surpris et ravis de découvrir en rentrant, la salle de cours aménagée comme lors de leur première session de duel. On retrouvait ce même tapis de laine noire au centre de la pièce. Dessus, reposait une table de marbre, éclairée d'une unique bougie rouge. Tout autour de cette dernière, leur enseignant avait disposé divers objets. Mia reconnut certaines trouvailles décorant habituellement les étagères, comme la main de la Gloire.

- Bonjour.

Une fois encore, Mia n'avait pas vu son professeur entrer. Son éternelle chemise ample était cintrée par un gilet en brocart vert tendre, et ses longues jambes plongeaient dans une paire de bottes en cuir souple.

- Aujourd'hui nous allons aborder la thématique du mal dissimulé, révéla-t-il d'un ton doucereux.

L'éclat de son regard rencontra les orbes bleus de Mia et s'y accrocha un instant. La jeune fille sentit un souffle chaud sur sa nuque, lui donnant la désagréable impression qu'une personne se trouvait derrière elle.

- Vous avez devant vous une série d'accessoires mystiques. Ils constituent pour moi de simples souvenirs de voyages. Considérez-les comme... un cabinet de curiosités.

Un coffret de nacre trembla légèrement et la flamme de la chandelle vacilla un instant.

- Mais détrompez-vous chers enfants, poursuivit le professeur, ce butin ensorcelé n'en reste pas moins dangereux.

Ses longs doigts pâles frôlèrent une plume bleue scintillante. Celle-ci s'anima brusquement et avec la rapidité d'un animal, tenta de se planter dans la main de l'enseignant. Il esquiva l'attaque tout aussi prestement et referma sa poigne sur elle, l'emprisonnant fermement. Mia crut tout-de-même voir une goutte de sang perler et glisser le long de la pointe. Arius recula instinctivement d'un pas. La voix profonde de Besarab reprit :

- Je vais vous demander de choisir à tour de rôle l'un de ces artefacts et de tenter de faire face à sa malice ou d'en deviner l'usage.

Un étrange sourire habilla son visage anguleux.

- J'interviendrai si besoin, bien entendu. (cette dernière phrase provoqua un pincement de lèvre d'Arius)

L'émotion des camarades de Mia était palpable. Même Halda scrutait la table avec une anxiété non dissimulée. La fillette qui fut appelée à passer en premier (Suzie Davies) laissa échapper un petit cri. Elle s'avança doucement et saisit d'une main tremblante une montre à gousset.

- Re-revelio bredouilla-t-elle.

Le clapet s'ouvrit brusquement et un hurlement guttural effroyable résonna, faisant sursauter l'assemblée. D'un même geste, les élèves se couvrir les oreilles pour ne plus entendre les supplications abominables. Mia se sentit brusquement vidée de toute son énergie. Elle avait l'impression que toute sa chaleur corporelle avait fui la moindre parcelle de sa peau. Puis tout se stoppa subitement. Elle redressa le menton. Son enseignant avait emprisonné la petite horloge dans une bulle. D'un élégant mouvement de poignet qui lui rappela un jeune prodige en potions, il envoya l'objet maudit se poser dans une grande caisse en bois.

- Pensez à vous protéger avant de réveiller le fléau Suzie ! Arius, à vous de jouer.

- Oh non... supplia ce dernier tout en s'approchant

Mia lui offrit un sourire d'encouragement en formulant muettement le sort « protego » pour rappeler à son ami comment faire apparaître un bouclier. Il s'exécuta maladroitement puis s'empara d'un bonnet en dentelles fines. Aucun son ne sortit cette fois-ci, mais le jeune homme sembla totalement hypnotisé par le bout de tissu. Il continuait de le fixer sans cesser, la bouche à demi ouverte, comme fasciné. Halda ricana et Mia lui jeta un regard noir. Une fois de plus, Besarab mit fin au phénomène et Arius donna l'impression de se réveiller d'un long sommeil.

- Parfois quelque chose de parfaitement anodin en apparence, peut se révéler terriblement mortel. Imaginez simplement que la dernière personne ayant porté cette coiffe comtadine, est morte d'inanition. Le parfait instrument de vengeance...

Il avait détaillé cela avec douceur, d'une voix presque caressante. Mia se demanda s'il n'admirait pas le mal en définitive. Sa façon d'en parler s'apparentait au ton qu'un homme prendrait pour décrire sa petite amie.

- Halda c'est à vous.

La blonde expérimenta douloureusement le sortilège cuisant d'un diadème en perles. Puis un jeune brun découvrit l'utilité de la main de la Gloire, plongeant le reste de la classe dans une obscurité totale jusqu'à ce qu'il jette le membre noirci. Enfin, ce fut au tour de Mia. Après s'être protégée de quelques informulés elle hésita entre une petite boîte à musique et un miroir à main de style victorien. Finalement elle fit léviter le jeu d'enfant vers elle, l'examinant sous toutes ses coutures. Il s'agissait d'un écrin en bois finement sculpté et recouvert de dorures. Sa taille ne dépassait pas celle d'une paume de main. Une petite clé ouvragée dont l'extrémité s'apparentait à une fleur, ne demandait qu'à être manipulée. Toujours sans entrer en contact avec l'objet musical, Mia effleura la serrure de sa baguette :

- Alohomora

Rien ne se produisit. Tout du moins, rien que les autres élèves ne purent voir ou entendre. Car une voix mélodieuse s'adressa à Mia, féminine et enveloppante.

- Tu ne risques rien khoroshen'kaya devochka !

Les yeux bleus de Mia s'écarquillèrent sous l'appellation slave. Ce surnom qu'elle n'avait plus entendu depuis...

- Je sais que tu cherches des réponses. Nous sommes liés, chanta doucement la boîte.

Mia baissa la garde. Elle savait que ce n'était pas un mensonge. Elle recueillit l'objet avec précaution et tourna la clé délicatement. Le couvercle se souleva dans un cliquetis puis une mélodie débuta. Au centre du mécanisme, un rubis entouré de grenats et topazes dessinait un chrysanthème qui tournait avec lenteur. Le son du carillon berça Mia, faisant remonter un flot confus d'émotions. Le rire d'enfant qu'elle avait expérimenté à maintes reprises dans ses visions, éclata. L'entièreté de la pièce se retrouva plongée dans l'obscurité. Du reste, Mia ne discernait plus rien d'autre que la boîte à musique et les images qui s'en échappaient. Elle entre-aperçut une forêt de bouleaux blanchis par la neige, une vaste cheminée en pierres, une cascade de tulle et soie voletant au gré de ses pas de danse... Puis toutes ces images volèrent en éclats lorsque la musique cessa.

Mia ouvrit les paupières qu'elle avait fermées sans même s'en rendre compte. Ses camarades demeuraient muets. Besarab la fixait étrangement. Pour la première fois depuis son arrivée à Poudlard, Mia lut sur les traits de son enseignant un mélange de tristesse et d'envie. Il reprit rapidement contenance néanmoins et d'un claquement de ses doigts la boîte à musique disparut. Mia retrouva peu à peu ses esprits. Un sentiment de vide lui souleva l'estomac, brouillant sa vue de larmes incontrôlables. Sa respiration devint saccadée. Malgré ses talents d'occlumens elle fut submergés par une vague d'émotions inexplicables. Ses jambes ployèrent sous son poids mais ses genoux ne rencontrèrent aucunement la rugosité du sol car deux bras fermes l'emprisonnèrent avant. Son professeur la garda fermement contre son buste un fragment de seconde, puis la déposa prestement à sa place initiale, près d'Arius. Tournant le dos à ses élèves, il reprit de son habituel ton vibrant :

- Mikaël, c'est votre tour.

**🧙‍♂️

Allez je vous mets la traduction des paroles de la boîte à musique : "khoroshen'kaya devochka" est un surnom affectif qui signifie "jolie fille" ou "ma belle".

Décidément il s'en passe des choses en DCFM !

A la croisée des cheminsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant