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1 - La Forêt

Nous voilà à l'aube de l'été. Le soleil réchauffe déjà l'atmosphère de ses bras tentaculaires et un parfum de nature, de gazon fraîchement tondu et de pollen voltigeant flottent dans l'air. Alors pour sortir définitivement de mon cocon hivernal, je dois offrir ma peau aux premiers rayons brûlants. Cependant, là où je vis la plupart du temps — même si, statistiquement, ce n'est pas pire qu'ailleurs — ne figure pas dans les premières places du classement des régions les plus ensoleillées. Ce qui revient à dire que lorsqu'il pleut il vaut mieux être doté d'une sérieuse patience. Mais aujourd'hui, aucun incident météorologique n'est à prévoir, le baromètre est à la hausse alors il est grand temps d'enfiler les vêtements d'été.

Je me regarde dans le miroir, mais malheureusement l'image qu'il me renvoie n'est pas des plus flatteuses, car j'ai des rondeurs acquises depuis plusieurs années. Malgré tout, je sais que l'étincelle de la volonté se cache au fond de moi, qu'elle s'illuminera et m'incitera à trouver la force qui me fait défaut, en un mot : devenir plus sportive. Toutefois, je ne veux pas que de sombres pensées viennent altérer la plénitude de cette journée naissance alors, spontanément je tourne mon esprit vers ce qui occupe tout mon emploi du temps : mon travail. Grâce à lui, je voyage beaucoup car je bosse en freelance ainsi je suis indépendante et autonome ; tout ce dont j'ai toujours rêvé. Alors, tous ces tracas de rondeurs, de silhouette disgracieuse et de jambes mal épilées à l'occasion s'estompent comme par magie et mon moral revient au beau fixe. Ma vie pourrait sembler idéale, car j'ai un petit ami qui accroche les regards, fait tourner les têtes et rêver les filles, mais je pense qu'il n'a pas encore levé le voile. Alors, pourquoi est-ce que je sors avec lui et pourquoi ma vie ne me semble pas si excitante ?

— Oui, pourquoi tu sors avec lui ?

Le miroir reste muet face à mes interrogations. Alors en un haussement d'épaules je tourne les talons, car aujourd'hui j'ai promis à mes meilleures amies, Marie et Ninon, que nous irions nous oxygéner en campagne, alors les pensées pessimistes devront demeurer en berne.

Mon chat, Moustache — une chatte en fait — semble de mon avis. Elle déambule toute en grâce et en finesse après deux portées, sautant du bord de mon lit à la terrasse attenante à ma chambre pour jouir du beau temps. Elle se roule, frotte son dos, offre son ventre tacheté léopard au soleil, m'incitant tacitement à faire ce qu'elle sait faire de mieux, c'est-à-dire : rien.

— Y'a pas de justice ! Tu n'es qu'une frimeuse !

J'habite un appartement-terrasse lumineux d'une construction qui compte cinq étages. Mon logement est douillet, juste ce qu'il faut. Je déteste l'encombrement et le superflu, mais j'aime l'épuré. Je l'ai repeint dans des tons qui apaisent et qui font que tous ceux qui viennent chez moi n'ont pas envie de repartir. Souvent au cours de certaines soirées, mes amis et moi, bien enfouis dans le canapé adorons nous prélasser devant des films ou bien nous nous adonnons à des jeux de plateau en buvant des mojitos — ou bien des tisanes pour les moins audacieux. Alors, pour ces jours off j'ai toujours une chambre vacante. Dans la journée, je peux aller et venir sans qu'aucun de mes voisins ne me questionne n'y  ne s'intéresse à ma vie, j'aime cette aspect anonyme et je me sens privilégiée de ne pas me sentir espionnée. 

Mon portable vibre tout à coup sur la table du salon et un mot d'ordre apparait : « Cc, on est en bas, on t'attend ! »

J'enfile donc une tunique, un legging, ainsi qu'une paire de baskets. Je caresse Moustache — je ne lui dis pas de garder la maison, ce serait pure hérésie ! – et j'attrape mes clés de voiture puis je rejoins les filles qui m'attendent dans la rue devant l'entrée du bâtiment.

Radieuses ! Voilà l'adjectif qui les qualifie le mieux aujourd'hui. Les apercevoir sous ce soleil et devant cette magnifique journée qui s'annonce me comble au plus haut point. Elles sont chaleureuses, adorables et tellement précieuses et pourtant si différentes l'une de l'autre.