3 - Rêve ou réalité ?

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Des sensations de piqûres et de brûlures me tirent tout à coup du vide dans lequel je suis tombée. Hagarde, je regarde autour de moi et hormis des feuilles épineuses accrochées à ma peau, des écorchures dans les mains et le soleil qui m'éblouit, je ne vois rien d'autre.

Peu à peu je réalise ce qui vient de se passer.

— Pas très sympa en fin de compte dame nature.

Remise, je m'évertue à ôter les petits picots de ronce plantés dans ma peau et toutes les petites douleurs que je ressens à l'arrachage me permettent de reconnecter tous mes neurones. Lorsque mes pieds et mon cerveau semblent réconcilier, je dresse le constat : mes vêtements sont déchirés, ma peau griffée et mes cheveux en désordre.

— Per-le ? Où es-tuuuuuu ?

Non, je n'imagine pas ce que j'entends, aussitôt je prends mon souffle.

Là, je suis ici !

Maintenant, je puise dans mes dernières réserves et c'est hors d'haleine et en titubant que je rejoins mes amies. Malheureusement, le souffle court, le corps ployé par l'effort, je ne parviens pas à aligner deux mots cohérents.

— Les filles ... Un type... sanglier... tronc... grand... mat... trouille...

Marie me saisit alors fermement par les épaules, me scrutant avec attention et m'intimant de respirer pour reprendre mon souffle.

— Raconte-nous, mais surtout détends-toi. Vois-tu, me dit-elle, on ne comprend pas un traître mot de ton bafouillage. Fille. Type... sanglier... tronc... grand ! Qu'est-ce que c'est que ce charabia ? T'as pas de réseau quand tu parles ou quoi ?

Ninon, quant à elle, ne cache pas son hilarité et ne se contient pas une seconde.

— Très drôle, j'aurais pu me faire assassiner, et toi tu ris !

Son fou rire cesse dans l'instant, piqué par la réflexion. Elle m'observe les yeux ronds, les lèvres pincées.

— Tu aurais pu ! Mais ce n'est pas le cas. Regarde-toi, tu es toujours entière. Et par qui ? Il n'y a personne ! (Elle pivote sur elle-même, faisant des tourniquets avec ses bras.) Tu as rencontré le bigfoot dans le bois de Lyons, ou bien une espèce d'animal encore inconnue constituée de... je ne sais pas moi, poils, plumes, branches et j'en passe ? Parce que si c'est le cas, il faudrait peut-être penser à prévenir les médias, tu ne crois pas ?

Le ton de sa voix est piquant, j'imagine alors que ma réflexion l'a contrariée, mais je préfère l'ignorer, car le moment n'est pas à la discorde.

— Alors, dites-moi, pourquoi est-ce que votre mine a ce teint blafard ? Et ne me dites pas que tout va bien !

— Mais bien sûr que non ! Qu'est-ce que tu crois ? On sait que tu es nulle en orientation et ton aversion pour les insectes provoque chez toi des syncopes, alors quand on ne t'a pas vue arriver on a tout imaginé et surtout le pire !

— Je vous assure que j'ai croisé un type étrange et j'ai franchement paniqué. Figurez-vous que...

Marie m'observe en secouant la tête de désolation.

— Oui, oui tout ça c'est très bien, mais c'est surtout de voir dans quel état de misère tu as mis tes vêtements, non, dans quel état de délabrement tu es ! Je te rappelle que la période de chasse est close, c'est donc inutile de jouer les rabatteuses à travers les ronces, les orties et les fougères. On n'est pas armées, et on ne tue pas les animaux, je te signale.

Elle m'adresse un clin d'œil — maladroit, je dois l'admettre — en signe de complicité.

Son père est chasseur, alors elle connaît bien le sujet. Des gibiers abattus à la chasse, elle en a vu au cours de son enfance, elle assistait même contre son gré à leurs éviscérations. Pour autant, inutile d'imaginer Marie en train de découper une pièce de viande crue ou de vider un poisson ! Mais pour le moment, elle a raison : je suis dans un état de délabrement vestimentaire, écorchée à de multiples endroits, des feuilles et des épines de ronces dans les cheveux.

TRACKEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant