23 - L'otage

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— Charge la fille et attache-la bien parce que je t'assure qu'elle a une sacrée droite. Mon menton s'en souvient encore et j'ai été patient jusque-là, mais je te jure qu'à la moindre tentative de sa part, je la dérouille sans aucun remords. Œil pour œil !

Tout cet acharnement me parait très excessif. D'ailleurs tout l'est ! Mais l'homme qui a subi l'attaque devant la grotte ne semble pas de cet avis. Sa nature rageuse s'est amplifiée à la vue de la jeune femme et inconsciemment il se frotte le menton se remémorant probablement les coups reçus et la douleur ressentie. Il a créé une émulsion au sein du groupe ainsi ses congénères aussi peu soucieux que lui s'agitent autour d'elle et tandis que certains lui entravent les pieds et les mains d'autres la bâillonnent.

— On va devoir la porter jusqu'au sentier où on a abandonné le camion, et même si elle n'est pas lourde et pas très grande, un poids mort reste un poids mort, alors on se l'échangera tour à tour. Allez ! On se dépêche, on s'active parce que le colosse qu'on laisse ici va vite se réveiller et je doute qu'il abandonne aussi facilement.

Effectivement, l'homme qui git là est bien le même que celui aperçu dans la forêt. Je l'ai vu se battre et il a remporté la bataille haut la main. Mais désormais, il demeure étendu, face contre terre. Si je ne m'exposai pas au rudoiement, je me rapprocherais et je vérifierai qu'il ne risque pas de s'étouffer dans le sable ou bien se noyer, mais malheureusement cela m'est impossible. Par conséquent et à distance raisonnable, je me concentre sur son dos afin de m'assurer que sa cage thoracique se soulève au gré de ses respirations. Et bien que je ne sois pas physiquement ligoté, je ne suis pas maitre de mes mouvements ni même de mes décisions. Alors je reste là, me satisfaisant du peu de liberté que les hommes qui m'entourent m'octroient. Sachez que je suis las d'être trainé contre mon gré dans leur opération commando et j'aspire à quitter cet environnement. J'ignore encore comment procéder sans risquer de compromettre la sécurité des miens, mais je refuse de renoncer à cet espoir. Je suis dans l'expectative d'une occasion.

Mais, qui suis-je ? Peut-être vous posez vous la question ? Je m'appelle Alonso et je suis doctorant en chimie. C'était ma vie avant d'être échangé contre la sécurité de ma famille. Vous avez compris ? Ce n'est pas de moi en réalité dont ils avaient besoin, mais de mon savoir et de mes compétences afin de mener à bien leur obscur dessein.

— Qu'est-ce que tu as à regarder tout le temps dans sa direction ? Tu t'inquiètes pour lui ? On t'a à l'œil toi aussi ; je sais que tu n'es pas avec nous de ton plein gré alors, je te conseille de ne rien tenter que tu regretterais ; pigé ?

Oui, c'est exact et ils ne manquent jamais de me le rappeler. Je suis également leur otage et même si je ne subits pas de mauvais traitement et je ne veux pas risquer de leur donner l'occasion d'être frappé alors je reste discret autant que possible. Je me demande régulièrement combien de temps durera leur clémence et surtout comment je vais pouvoir supporter de les voir jouer avec la vie d'un être humain ?

Désormais, le groupe semble prêt à reprendre le chemin inverse. La jeune femme endormie repose à présent tel un paquet sans intérêt sur l'épaule d'un des hommes alors que son compagnon, toujours sous l'effet des soporifiques demeure encore inerte et face contre terre. Tandis que je me noie dans mes réflexions, un individu du groupe me saisit sans ménagement, me ramenant à la réalité afin de me placer derrière l'homme qui porte la jeune femme. Bien que je sois tout désigné pour veiller sur l'Européenne, je lutte contre mon désir d'aller secourir celui qui l'accompagne, mais je mise sur sa solide constitution afin qu'il recouvre rapidement toutes ses facultés.

Mes hésitations semblent désormais obsolètes, puisqu'à présent le groupe se met en marche. J'aimerais pouvoir deviner l'avenir, car je redoute les heures à venir parce que dorénavant me voilà malgré moi devenu preneur d'otage.

À présent, le chemin que nous empruntons est sinueux et escarpé et je me délecte d'assister à la souffrance de l'homme qui me précède. La jeune Française pèse inconsciemment sur le squelette du type chargé de la transporter alors afin d'épargner son dos endolori, il glisse son corps inerte d'une épaule à l'autre. Malheureusement, au gré de ces changements, ses pieds et alternativement sa tête heurtent tous les obstacles présents sur le chemin. Je fulmine de constater qu'elle ne semble pas plus considérée qu'un vulgaire sac. Alors je ne résiste pas et je me précipite. J'essaie d'anticiper afin d'écarter les branches et les buissons épineux avant qu'ils ne viennent cingler et lacérer son visage.

— Toi ! Là ! Tu ne la quittes pas des yeux, tu vérifies qu'elle ne meurt pas, t'es médecin !

Le boss comme les hommes présents le nomment m'a tout naturellement désigné pour la surveiller. Ce choix n'a pas été fait par gentillesse, mais pour me faire endosser la responsabilité de ce qui lui adviendrait.

 — Je ne suis pas médecin et vous le savez. Je suis presque docteur en chimie et...

— Presque docteur, c'est pareil ! Tu es docteur donc tu te plies à mes ordres ! Et si je te dis que tu dois veiller à ce qu'elle reste vivante, fais en sorte que ce soit le cas... pour ton bien et celui des tiens.

— Vous êtes au fait qu'un docteur n'est pas forcément un médecin, vous le savez je vous l'ai déjà dit...

— Tu veux risquer de me contrarier ?

Sa menace m'incite à garder le silence.

— Hum... C'est bien ce qui me semblait !

Cette piqure de rappel ne fait que croitre mon désir de tous les imaginer un jour incarcérés pour le reste de leur vie. Mais cette heure n'est cependant pas venue, car à présent, je marche sur les talons de son porteur. À intervalles réguliers, j'entrouvre les paupières de la jeune Européenne afin de vérifier son état de conscience. En réalité, j'aimerais qu'elle reste endormie encore un peu, tant pour sa sauvegarde que pour la mienne.

— Ne l'amochez pas, elle doit être présentable, hurle régulièrement le boss.

— Grrr... On a marché longtemps — trop même — à sa recherche, j'espère qu'elle en vaut la peine, mais je n'oublie pas qu'elle m'a boxé avant de s'enfuir.

— Et comment elle a trouvé de l'aide ? reprend un des acolytes.

— C'est qui ce type, ce costaud qu'on a laissé au bord de l'eau, il vient d'où ? reprend le porteur essoufflé par l'effort.

— Alors, excuse-nous, boss, mais elle mérite bien quelques bosses et son poids en dollars. Ce n'est qu'une fouineuse, et quand on met le nez dans nos affaires et bah il faut savoir payer le prix fort. Au pire si elle ne survit pas, on l'abandonnera, ici personne ne la retrouvera.

Comme par réflexe, le boss braque son index et son regard dans ma direction me tenant silencieusement responsable de son potentiel décès.

Ses énièmes menaces me font tout à coup prendre conscience qu'il ne s'agit pas seulement de la jeune femme. Je réalise que son sort, celui de ma famille et le mien sont désormais intrinsèquement liés.

La nuit noire, profonde ne joue pas en ma faveur, car elle emplit dorénavant chaque recoin de la jungle, enveloppant chacun d'entre nous et ralentissant encore notre progression. Malgré tout, nous parvenons aux véhicules.

Dès lors, tout s'enchaine rapidement. Le hayon arrière du pick-up bascule ouvrant grand sa gueule afin d'engloutir la jeune Française toujours inconsciente. Les mafieux garnissent le fond de la benne de branches de palmiers tranchés à la hâte dans le seul but d'offrir un matelas de fortune à tous ceux qui voyageront à l'arrière. Le boss aboyant ses ordres répartit les hommes dans les véhicules tandis que lui occupe une place privilégiée dans la cabine du 4x4.

— Toi ! Tu montes derrière avec elle et deux autres de mes gars. Et puisqu'elle a survécu jusque-là, arrange-toi pour que ça dure ! m'ordonne-t-il tout en s'installant sur son siège.

Nous voilà donc quatre personnes entassées, confinées dans espace réduit et plongées dans le noir absolu. La tâche qui m'a été confiée s'en trouve par conséquent plus compliquée et pourtant je dois redoubler d'efforts, car à présent elle semble s'animer.

— Mmmm... Arra

TRACKEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant