26 - La descente aux enfers

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La brume qui obscurcit mon cerveau s'évapore quelque peu tandis qu'une douleur aiguë et poignante s'infiltre sournoisement pour traverser mon crâne et mon organisme de part en part. Me replier sur moi-même et enfermer ma tête entre mes mains pour contenir toute cette douleur me semble être la meilleure solution, mais mon corps ne répond pas, car trop ankylosé.

Tandis que je peine à endiguer la souffrance qui a investi mes muscles et mes os, deux étaux se referment sur mes chevilles. Quelqu'un me tire sans ménagement jusqu'à ce que mes jambes pendent dans le vide sous leur propre poids. En dépit de tout et afin de me préserver, j'adopte un état de thanatose, pourtant un fin filet d'air chargé d'odeurs boisées vient me caresser le visage et j'avoue que cette douce sensation me ranime légèrement. Alors, je dilate mes narines pour en absorber les moindres effluves.

Malheureusement, ce bref moment d'accalmie se termine quand des mains m'empoignent férocement et me balancent de droite et de gauche tel un sac de grains destiné à être chargé dans la benne d'un tracteur. Prise de panique, je tente d'appréhender le choc lorsque les hommes qui me maintenaient finissent par lâcher prise. Mais je percute durement le sol et mon corps s'affaisse lourdement s'écrasant sous son propre poids. Ma cage thoracique se comprime violemment en émettant d'horribles craquements tandis que je hurle de douleur sous mon bâillon. Sous le ce choc, j'exsuffle l'air présent dans mes poumons alors que le supplice m'incite à inspirer pour reprendre de l'oxygène. Paradoxalement chaque inspiration m'inflige un calvaire supplémentaire et une chaleur envahit tout à coup mon corps me précipitant au bord du néant ; encore une fois !

Mais je ne sombre pas, car à présent une lumière m'éblouit et m'incite à rester présente à l'instant où la douleur semble vouloir me terrasser. Aussi par réflexe je me recroqueville tandis qu'un groupe d'hommes amassé près de moi parait s'impatienter. Alors, je cligne des paupières afin que mes yeux parviennent à faire la mise au point et c'est au travers de mes cils battants que je remarque un homme ruisselant de transpiration plus impatient que les autres.

— Ça y est vous êtes réveillée ! gronde le mastodonte en français en me bousculant du pied.

Ces quelques mots prononcés dans ma langue maternelle instantanément réaniment quelque peu mon cerveau, mais est-ce que cela signifie quelque chose, pour moi, ici, maintenant ? Ce gras du bide, est-il mieux que les autres ? Surement pas !

Alors je continue à feindre l'indifférence, mais le dessèchement de ma bouche me tiraille. Ce bâillon poisseux qui me bride depuis tellement d'heures a absorbé toute la salive que mes glandes salivaires pouvaient fournir, si bien que mes lèvres se craquèlent et se fissurent à chaque tentative de déglutition, alors je grommèle.

L'homme râle et ordonne furieusement. Aussi, un de ses acolytes se précipite afin de me libérer de ce morceau de tissu qui m'entrave. Brièvement satisfaite, je claque bruyamment la langue sur mon palais pour humidifier ma bouche et je mordille vainement l'intérieur de mes joues dans le but de solliciter mes glandes salivaires, mais malheureusement le sang inonde mes papilles d'un goût métallique.

Malgré moi, ma langue a parcouru des dizaines de fois le tissu qui me bâillonnait et j'en ai gouté toute l'horreur jusqu'à la nausée.

— J'ai tellement mal, murmuré-je en me maintenant la poitrine, j'ai soif

Aussitôt l'homme aboie un ordre et une porte s'ouvre et se referme en claquant bruyamment. Tandis que j'imagine déjà un filet d'eau couler dans ma bouche, le plus costaud se courbe afin de me contempler du dessus comme un animal destiné à l'abattoir. Sa position écrasante masque la faible lumière suspendue au plafond et son ventre flasque en profite pour s'échapper de sa chemise détrempée de sueur et se répandre sur le haut de ses cuisses.

TRACKEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant