22 - Piégés

21 2 0
                                    



— Noooon !

La fléchette hypodermique tirée par l'arme a filé vers Perle et rien n'a pu l'empêcher de l'atteindre. Elle a fendu l'air à une vitesse vertigineuse. Je l'ai vue se diriger sur sa cible rapide et incisive. Pour moi, c'est comme si le temps s'était déroulé au ralenti parce que je l'ai suivie des yeux et j'ai immédiatement su ce qui allait se produire.

Malgré tout, au risque de ma vie, je me suis alors précipité, bandant mes muscles au maximum, mon regard rivé sur sa trajectoire afin de la recevoir à sa place, mais elle a pénétré sa peau avant que je la rejoigne. Je suis rapide, mais la toxine inoculée l'est encore davantage et je n'ai rien pu faire ; l'inévitable s'est produit. elle s'est aussitôt effondrée, empoisonné et désormais inerte. La rage au corps, les mâchoires serrées je me rue à présent vers les hommes armés faisant bouillonner l'eau autour de moi.

— Oh là, pas si vite ! Pour le moment, tu restes où tu es ! hurle un type me stoppant net. Tu bougeras quand on t'en donnera l'ordre, tu es peut-être costaud, mais es-tu prêt à rivaliser avec mon arme ?

Je ne connais que trop bien ce genre d'individus, ils n'hésiteraient pas à tirer sur moi au moindre pas, mais la rage inonde mon corps, je serre alors les poings et les mâchoires encore davantage. Je tente de la contenir, mais mon instinct primaire m'incite à vouloir les pulvériser. N'ayez crainte, je vous écrabouillerai tôt ou tard.

— Ah ! Je vois ce qui se passe dans ta tête et je peux sentir ton envie de nous tuer là et maintenant. Je ne sais pas qui tu es et encore moins d'où tu viens, mais si je tire sur toi avec cette arme-là (il la dresse vers le ciel), tu crèves et si je ne t'abats pas alors tu te noies. Qu'est-ce que tu préfères ?

Refoulant au plus profond de moi mon envie de les étriper, j'arbore un signe de reddition.

— Bien, très biennn (il insiste sur la longueur du mot, faisant courir à n'en plus finir sur sa langue la seule syllabe), alors maintenant, tu sors de là, allez sors de la flotte !

L'abruti qui a osé tirer sur Perle me sourit de manière provocante ; il me défie parce qu'il se sait en position de force, mieux il se délecte de la situation. Et, c'est de la pointe du canon de son arme constamment braquée sur moi qu'il m'ordonne de quitter l'eau. Je vois ses gestes rapides, saccadés et mal maitrisés, mais en cet instant je n'ai aucune alternative, c'est donc en apparence résigné que j'exécute cet ordre sans sourciller.

Quelle belle occasion serait-ce pour eux de me tuer en prétextant que je me suis rebellé. Alors je me déplace très lentement sans geste brusque en surveillant de très près le moindre mouvement qui annoncerait leur désir de vider leur chargeur sur moi. À aucun moment, je n'offrirai ma peau à leurs balles meurtrières, non, ce n'est pas dans mes projets ; Perle, uniquement Perle occupe mes pensées.

J'avance méthodiquement et très lentement vers elle attendant qu'ils me donnent l'ordre de m'arrêter alors que je n'ai qu'une envie, c'est de me précipiter et de la prendre dans mes bras pour la soustraire à ces types. Mais j'ai conscience que jamais ils ne me permettront de l'atteindre, je le sais, je le lis dans leurs regards et leurs postures. Pourtant, je continue, car chaque pas me mène à elle.

Mais qu'attendent-ils ? Est-ce pour eux un plaisir paroxystique d'assister à cette scène sans issue ?

Pour moi, ce spectacle est une torture, parce qu'elle gît là à quelques enjambées, inconsciente. Elle vient d'être endormie au pistolet comme un animal sauvage, ses yeux grands ouverts fixant l'infini. Et je me sens si impuissant, si inutile. Tout ça me rend complètement fou.

— N'aggrave pas ton cas, tu sais très bien que tout geste inconsidéré envenimerait la situation, alors, obéit et sort de l'eau sans trainer, tu crois qu'on n'a pas remarqué ton manège ? Et t'inquiète pas si t'es à poil, on est entre nous !

L'homme s'esclaffe d'un rire faussement joyeux se délectant de la situation.

Évidemment que vous l'avez vu, autrement vous seriez vraiment plus abrutis que je ne le pense ! Ma nudité ? Elle m'importe peu. La pudeur ? Je n'en ai que faire surtout ici. Malheureusement lorsque leurs regards glissent vers mon sexe alors que l'eau ne mouille plus que mes genoux, je sais qu'ils vont commenter :

— Ben dit donc, reprend un autre, belle représentation de virilité ! Au fait, t'avais fini avec ta p'tite nana ? J'espère parce que maintenant elle est à nous et elle dort, elle se débattra pas, t'inquiètes pas, elle aura pas mal on te le promet !

Les types plus répugnants les uns que les autres rient dévoilant des dents noires et éparpillées, tandis que moi je ne vois que leur cou que je meurs d'envie de saisir et d'écrabouiller comme du bois vermoulu ; puis les os de leurs doigts que je ferai craquer comme des brindilles sèches. Les imaginer laisser courir leurs mains sur sa peau dénudée me rend violent et ils ignorent encore à quel point.

— Habille-toi ! m'ordonne un type en me montrant mes vêtements d'un signe de tête.

— Deux, non trois pour lui c'est un coriace, ça lui passera l'envie de nous suivre, s'esclaffe un des acolytes.

J'exécute l'ordre qui vient de m'être donné et j'enfile à la hâte mes habits tandis que les canons des fusils armés de fléchettes anesthésiantes pointent toujours dans ma direction. Je me prépare psychologiquement et use de toute la force mentale dont je dispose afin de me parer à l'impact. Et alors, une, puis deux puis trois m'atteignent tour à tour au bras au torse et à l'abdomen. Très rapidement, je les arrache en vue de limiter la pénétration de la drogue dans mon corps, mais son action est quasi instantanée parce que j'en ressens déjà les premiers effets. Alors dans un effort désespéré et à bout de force je parcours encore quelques mètres afin de rejoindre Perle. Mais je chute à genoux et elle disparait de ma vue...

— Enfoirés !

TRACKEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant