Chapitre Vingt- Neuf

241 15 1
                                    

JUNE – Un an plus tôt

Huit murs, deux pièces. Les bips des machines se font entendre jusqu'au fond du couloir où je demeure assise.

Huit murs, deux pièces, c'était tout ce dont elle bénéficiait pour ces derniers jours. Mon beau-père avait beau me dire le contraire, je savais, j'étais loin d'être naïve. Il ignorait que j'avais entendu les conversations des médecins.

    Ce sont des conversations d'adultes, tu es encore trop jeune, avait-il décrété.

Seulement, il s'agissait de ma mère.

Je me souviens m'être emporté contre lui ce jour-là en lui hurlant au visage mon âge, seize ans.

Une chose est sûre, à cet instant je le haïssais du plus profond de mon cœur.

Ses jours étaient comptés, son état se dégradait, alors je voulais être là une toute dernière fois.

     Lâche-moi, tu n'es pas mon père, tu n'as aucun droit sur moi. Ma mère est en train de mourir sur ce lit d'hôpital et tu préfères m'interdire de lui dire au revoir !

     C'est pour ton bien June.

     Qu'est-ce que tu en sais de ce qui est bien pour moi ? Tu n'as pas la moindre idée de qui je suis ! Je hurle malgré les regards braqués sur moi.

Un pantin qui fait l'animation, voilà ce que je suis. J'ai honte.

Seulement, personne ne comprend ce que je ressens.

     Laisse-moi y aller. Je lâche en me faufilant derrière lui.

En entrant dans la petite chambre, tout prends du sens. 

Immobile, j'ai un hoquet de surprise. Je fixe avec insistance sa silhouette, son teint pâle, ses yeux clos.

     June vient s'il te plaît.

Sans plus attendre, je me jette dans ses bras et ne les quittent plus. Peu importe la haine que j'éprouve à son égard, il avait raison. Les larmes déferlent le long de mes joues, j'ai chaud. A vrai dire, je suffoque, la chaleur est insoutenable. Chris doit le remarquer puisqu'il m'entraîne hors de la pièce, laissant derrière nous, sa femme, et avant tout ma mère.

« Je t'aime » avais-je soufflé avant de m'effondrer à nouveau, comprenant que désormais, ma seule famille était Chris.

* *

Appuyer contre la vitre de la voiture, je reviens peu à peu à la réalité. Aujourd'hui, je pense avoir pris du recul et compris que si Chris avait agi comme il l'a fait c'était dans l'unique but de ne pas me faire souffrir davantage. Rien ne pouvait la faire revenir, rien ne pouvait empêcher sa mort, cependant sur le coup je n'en étais pas consciente. Mes pensées ruminent en boucle ses dernières paroles.

—    « S'il y a une chose que tu dois retenir June, c'est de saisir chacune des occasions que la vie va t'offrir. Car il se peut qu'elles soient le début d'un nouveau chapitre dont tu es le seul auteur ».

Je m'en voudrais toujours de ne pas avoir compris ceci plus tôt.

⎯     Je suis content de t'avoir retrouvé June, et de vous avoir tous deux à mes côtés. Dit-il.

S'il pense que je lui pardonne de m'avoir caché Wesley pendant toutes ces années, il se fourre le doigt dans l'œil. Wesley a l'air du même avis que moi, car celui-ci n'a pas adressé un mot à son père depuis l'aéroport, ça promet. Tout ça est tous nouveau pour nous, Chris doit comprendre et accepter que nous allons mettre un peu de temps avant de nous y habituer.

93 Raisons D'exister [ En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant