CHAPITRE 1

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Je dévale les escaliers avec un grand sourire. L'odeur qui se dégage de la cuisine et qui s'est répandue dans toute la maison m'ouvre l'appétit. C'est sans surprise que je découvre mon frère, un tablier autour de la taille, en train de préparer le dîner. Il est tellement concentré, qu'il ne m'a même pas entendu descendre ! Je profite alors du fait qu'il ne m'ait pas encore remarqué pour immortaliser la scène avec mon téléphone. Alors que je range mon portable, je manque de rater une marche et de me rétamer par terre, ce qui attire cette fois son attention.

Il m'adresse un sourire et détourne rapidement le regard pour baisser l'intensité du feu qui commençait à brûler le fond de la casserole. Je m'approche de lui, en voyant l'oignon par encore découpé, je prends une planche en bois et un couteau et je me joins à lui. Je profite de ce moment qui s'avère être de plus en plus rare et me contente de l'apprécier. Je mets ma planche au-dessus de ce qu'il mijote pour y mettre tout ce que j'ai coupé.

Au vu de l'heure qu'il est, je comprends qu'il ne sera pas là ce soir. Mais histoire de faire la conversation je le lui demande.

- Tu sors ce soir ?

Raphaël fronce les sourcils. Silence. Il touille la sauce, y ajoute quelques herbes, puis enfin il se tourne vers moi .

- Tu es de la police ?

Sa remarque me blesse. Pour ne pas le lui montrer, je prends une cuillère dans le tiroir, puis goûte la sauce tomate. Je me permets de rajouter quelques épices pour la relever un peu, ce qui ne lui plaît pas puisqu'il m'éloigne avec son coude.

- Non, c'est juste que je m'intéresse c'est tout, dis-je en mettant ma cuillère dans le lave-vaisselle.

Il secoue la tête et retourne à sa préparation. Son silence en dit long, alors je soupire doucement en m'asseyant sur le plan de travail pour l'observer avec attention.

- Ashley, c'est bon, c'est juste une sortie entre potes! s'exclame-t-il sur les nerfs.

Depuis un moment son comportement à mon égard est hargneux, empreint d'une certaine agressivité. Je sens qu'il se passe quelque chose dont il ne souhaite visiblement pas me parler, ce qui est une chose. Mais la manière dont il s'adresse à moi en est une autre. J'aurais mieux fait de me taire et de juste profiter de ce ridicule moment de complicité. Complicité qui me semble déjà bien loin.

Je rejoins ma mère qui est couchée sur le canapé. Je m'installe à ses côtés et je place sa tête sur mes cuisses. Elle regarde sa série du moment Dead To Me. Je regarde avec elle, pratiquement tous les soirs en fait; mais comme hier elle s'est endormie devant, elle rattrape ce qu'elle a raté pour qu'on puisse poursuivre la suite ce soir. Du coin de l'œil, je regarde Raphaël mettre la table puis apporter son plat fumant. J'aide maman à se lever, et nous installons pendant que Raph nous sert .

Nous mangeons calmement, la télévision vient couvrir le silence régnant entre nous. Un ange passe. Raphaël se racle la gorge, puis pose ses couverts pour joindre ses mains au-dessus de son assiette, comme s'il avait une grande annonce à nous faire.

- Maman, est-ce que je peux sortir ce soir ? demande-t-il avec hésitation.

Elle le regarde et sourit chaleureusement. Je vois bien qu'elle essaie d'effacer la peine et la fatigue auxquelles elle est confrontée. Sans un mot je continue de manger en tâchant de penser à des choses plus joyeuses que celles qui me taraudent l'esprit.

- Quand tu avais 17 ans tu sortais sans prévenir ta mère et aujourd'hui du haut de tes 23 ans, tu demandes à sortir? dit-elle en riant. Bien sûr mon chéri, tu sais tu n'as pas besoin de me demander, il suffit juste que tu me préviennes. Je pense que tu es assez grand pour faire ce qu'il te plaît de faire, continue-elle amusée.

Il se redresse, puis lui embrasse le front. Je me lève pour l'aider à débarrasser. Je dépose la vaisselle dans l'évier et je soupire, plongée dans mes pensées. Raphaël consulte sa montre pour la énième fois de la soirée, il passe en un coup de vent dans mon dos pour chopper un truc à l'étage et redescend quelques secondes après muni d'un sac de sport. Juste avant de claquer la porte derrière lui, il me glisse que si maman s'endort sur le canapé, je n'aurais pas à m'en soucier, parce qu'il s'occupera de la porter pour la mettre dans son lit.

Je regarde par la fenêtre, et le vois monter dans une voiture. J'observe les phares s'éloigner de la maison, puis, une fois que le véhicule a complètement disparu, je propose à ma mère de lancer un ou peut être trois épisodes de la série. Elle accepte avec plaisir en précisant qu'elle préfère la deuxième option,ce qui me fait esquisser un sourire. Je lui ramène une infusion, puis nous nous installons sur le sofa et commençons la série.

Au bout d'une heure et demie, elle s'est endormie, ayant à peine touché à sa tisane maintenant froide. Je suis contente qu'elle parvienne à trouver le sommeil, elle en a besoin avec son état qui se détériore un peu plus chaque jour.

Elle a de moins en moins de force, je le vois bien. La chimio l'affaiblit plus qu'elle ne l'est déjà, alors que les résultats ne sont même pas concluants. Elle doit subir une opération qui coûte une fortune, sauf que nous n'avons pas cet argent. De plus cette opération pourrait lui sauver la vie, ce qui ferait qu'elle serait en rémission et en voie de guérison. Les aides et la paye de maman permettent de payer les factures, sans compter les frais de nos études avec Raphaël, mais il n'y en a pas assez pour l'intervention chirurgicale.

J'éteins la télévision, vérifie que la porte d'entrée soit bien fermée, puis j'étends une couverture sur son corps frêle. Je passe un coussin sous sa tête et lui tends les jambes pour qu'elle soit mieux installée. Je laisse une lampe allumée que je baisse au maximum de son éclairage pour Raph, lorsqu'il rentrera.

Avant de quitter la pièce, Je m'arrête devant la photo en noir et blanc qui est posée sur un meuble et l'observe. Je me souviens que cette photo a été prise chez mon meilleur ami Alexandre, qui est passionné par la photographie, tout comme moi. Il nous a pris, ma mère, Raph et moi sans que l'on soit au courant et le rendu est très beau : nous sommes à table et rions aux éclats. Nous ne savions pas encore que maman était malade, c'était peu de temps après tout le reste.

On dit souvent que je ressemble beaucoup à ma mère, certains disent même que je suis physiquement son portrait craché. Il est vrai que nous avons toutes les deux le visage fin et les cheveux châtain clair. Néanmoins, nous avons quelques différences comme nos yeux ; les siens sont noisette alors que les miens tirent sur le bleu ou le vert en fonction de mon humeur et de la météo, ainsi que notre taille ; elle est grande, alors que moi je dois faire un peu plus d'un mètre soixante-cinq. Apparemment je tiendrais ma petite taille de mon arrière-grand-père maternel. Mon frère lui a les cheveux de jais de notre père légèrement ondulés mais les yeux de notre mère, il fait bien une tête de plus que moi, en gros. J'ai l'impression d'être la plus petite de la famille et de mon entourage.

Je dépose le cadre et vais dans la salle de bain pour me débarbouiller. Je me brosse les dents, puis j'enfile un t-shirt propre de mon frère. Ouais, j'aime bien lui emprunter ses fringues, lui en revanche apprécie moyennement, c'est d'ailleurs pour cette raison que je continue à le faire ! Bon j'avoue, c'est aussi parce que le tissu est beaucoup plus confortable, et comme le vêtement est large, c'est plus agréable à porter que toutes mes affaires. Je rejoins ma chambre, et ni une ni deux, je me glisse sous la couette. Je cherche le sommeil, sans parvenir à le trouver puisque je n'arrête pas de me tourner et de me retourner dans mon lit sans réussir à trouver ma place.

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𝙷𝚎𝚢 !
𝙼𝚎𝚛𝚌𝚒 𝚍'𝚊𝚟𝚘𝚒𝚛 𝚌𝚕𝚒𝚚𝚞𝚎́ 𝚜𝚞𝚛 𝙰𝚗𝚍 𝙽𝚘𝚠 ! 𝙹'𝚎𝚜𝚙𝚎̀𝚛𝚎 𝚚𝚞𝚎 𝚌𝚎𝚝𝚝𝚎 𝚛𝚘𝚖𝚊𝚗𝚌𝚎 𝚟𝚘𝚞𝚜 𝚙𝚕𝚊𝚒𝚎𝚛𝚊 !
𝚌̧𝚊 𝚏𝚊𝚒𝚝 𝚝𝚛𝚎̀𝚜 𝚕𝚘𝚗𝚐𝚝𝚎𝚖𝚙𝚜 𝚚𝚞𝚎 𝚓'𝚎̄𝚌𝚛𝚒𝚜 𝚖𝚊𝚒𝚜 𝚓𝚎 𝚗'𝚊𝚒 𝚓𝚊𝚖𝚊𝚒𝚜 𝚛𝚒𝚎𝚗 𝚙𝚊𝚛𝚝𝚊𝚐𝚎́, 𝚊𝚕𝚘𝚛𝚜 𝚟𝚘𝚒𝚕𝚊̀, 𝚌'𝚎𝚜𝚝 𝚞𝚗𝚎 𝚙𝚛𝚎𝚖𝚒𝚎̀𝚛𝚎 : )

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