Au loup ! (2/3: Loup-garou ?)

15 4 77
                                    

Prune les revoit dix minutes plus tard.

Elle est ressortie à l'air libre, afin de profiter de la pleine lune. Elle récite mentalement quelques prières nocturnes à l'adresse de la Gardienne de l'Humanité. Elle est encore toute retournée de la très belle cérémonie à laquelle elle a assistée la veille, au Mont Saint-Michel. Comme c'était beau ! Comme les gens étaient gentils ! Cela valait la peine de faire tout le trajet depuis Toulouse. S'il n'y avait pas eu ce souci de voiture qui l'avait obligée à s'arrêter dans cet affreux hôtel, son week-end aurait été absolument parfait.

Elle marche paisiblement le long de la route déserte, le dos tourné à l'hôtel perdu en pleine campagne, lorsqu'elle aperçoit les silhouettes de Karine et de Mme Lupin, s'éclairant d'une lampe-torche, qui sautent l'une après l'autre par-dessus un fossé séparant un champ de la route. Mme Lupin semble sur le qui-vive, tandis que la réceptionniste, une main dans la poche, l'autre tenant le pistolet du bout des doigts, semble résignée. Que font-elles aussi loin de l'hôtel ? Prune pensait que les deux femmes n'iraient pas plus loin que le parking.

Elle décide de s'enquérir de leur étrange recherche.

Mme Lupin l'entend arriver et pointe sa lampe sur elle. Aveuglée, Prune se protège de la main.

– C'est moi ! Vous avez trouvé votre... loup-garou ?

– Pas si fort, vous voulez signaler notre présence, ou quoi ?

– Parce que vous croyez que vous ne le faites pas avec votre lampe ?

– Guerric se fie surtout à l'ouïe. Et au flair. Notez qu'avec votre parfum, vous n'avez même pas besoin de crier.

– C'est de la belle-de-nuit, réplique Prune un peu vexée. Nous autres, les Enfants de l'Ombre, nous aimons beaucoup cette senteur.

– Putain de Shados, grommelle l'autre.

– Hé ! Je vous entends, là !

Une sonnerie stridente retentit. Le son agressif, presque anachronique au milieu de la campagne éclairée uniquement par la Pleine Lune, fait tressaillir Mme Lupin. Elle se tourne vers Karine. Celle-ci lui adresse un geste d'excuse avant de saisir son téléphone portable :

– Hôtel Condor Aîmé, bonsoir.

– Vous n'y mettez pas du vôtre, fait Mme Lupin. Je pensais avoir demandé le silence.

– Désolée, je fais juste mon travail, rétorque Karine avant de reprendre son attention sur son interlocuteur invisible. Désolée, monsieur, nous ne prenons plus les réservations ce soir. Oui, je suis sérieuse. Non, je ne suis pas raciste. C'est ça, vous de même, allez vous faire foutre.

Elle coupe la communication d'un doigt rageur.

– Bon, dit-elle à Mme Lupin. Cette petite plaisanterie a assez duré. Je retourne à l'hôtel. Comme promis, je vous rendrai votre pistolet demain si vous avez un justificatif. Scipion ou pas Scipion.

– Écoutez, commence l'autre d'une voix irritée.

Elle n'en a pas le temps d'en dire plus.

Prune vient de pousser un hurlement de terreur.

Ses yeux, accoutumés à l'obscurité, viennent d'apercevoir la silhouette d'un énorme animal à cinquante mètres de leur groupe, sur la chaussée. Un animal qui ressemble à s'y méprendre à un loup. Un gros loup.

Karine et Mme Lupin se tournent vers elle, suivent son regard, et aperçoivent l'animal.

– Fichtre, dit simplement la réceptionniste.

Chroniques d'un hôtel souterrainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant