Nuit de zombis (2/4: Le retour de l'universitaire)

17 2 36
                                    

C'est toujours pareil. Alors que Karine se dit que la situation ne pourra pas être pire, qu'un pseudo-zombie, un complotiste, un intégriste religieux et un néo-nazi c'est déjà beaucoup, voilà que débarque le client de la 122 – M. Chevalet, le pédant qui est arrivé la veille et n'a suffisamment rien à faire de sa vie pour rester deux nuits d'affilée dans ce foutu hôtel. Sans grande surprise, il porte un dictionnaire sous le bras.

– Messieurs-dame, bonsoir.

– La paix soit avec vous.

– Bonsoir.

– Yo.

– Bonsoir M. Lechevalet, comment allez-vous ?

L'universitaire daigne adresser un sourire à Ravi. Il ignore royalement Karine, la seule qui n'ait pas daigné répondre à sa salutation. Pour sa défense, elle est en train de surveiller l'attitude du supposé zombi de l'autre côté de la porte vitrée. C'est vrai que son comportement n'est pas normal. Voilà un moment qu'il gratte la vitre avec ses doigts sales, comme s'il espérait passer au travers. L'intelligence d'une mouche. Le type porte un T-shirt en rapport avec une série, ainsi qu'un jean troué ; mais son visage n'est pas celui d'un jeune homme, ou alors un jeune homme très, très malade. De ce qu'elle peut en juger, les traits du gars sont ridés, ses yeux injectés de sang, et de la bave coule de sa bouche. Pas de signe de putréfaction, mais pour le reste les symptômes se rapprochent désagréablement d'un zombi.

– Je me permets de vous déranger, répond M. Lechevalet, car je viens de faire un tour dans votre musée, et j'y ai trouvé une affreuse faute d'orthographe. Dès que je l'ai vue, je me suis empressé de monter.

– C'est tout naturel, monsieur, fait Ravi sur son ton le plus lèche-cul.

Le punk s'interpose :

– Hé, frérot, on était là avant, alors prends un ticket.

– Sont-ce les vaches qu'ensemble nous gardâmes ?

– De quoi ?

Le prêtre les interrompt en lorgnant nerveusement le zombi derrière la vitre :

– Je vous prie de m'excuser, mais nous n'avons pas le temps pour ces enfantillages. Un représentant des forces du Mal se trouve actuellement de l'autre côté de cette porte, et...

– N'importe quoi, coupe le complotiste. C'est un zombi.

– Vous êtes cons, ou quoi ? fait le punk. Vous avez jamais vu de camé ?

– Ce n'est pas un camé. Il a clairement envie de nous bouffer. Ça se voit. Un camé serait allé s'écrouler dans un coin.

M. Chevalet rajuste ses lunettes.

– Vous référez-vous à un zombi ou à un mort-vivant ? En effet, il s'agit de bien faire la distinction. Le zombi peut être bien vivant, tandis que le mort-vivant est mort.

Ils doivent faire un drôle de tableau, tous les six, à regarder la porte vitrée avec plus d'attention que des touristes japonais face à la Joconde. Karine sait qu'elle doit agir. Ouvrir la porte et interroger le bonhomme. Si nécessaire, elle pourra toujours écraser son marteau sur son crâne. Seulement, elle ne s'est toujours pas complètement remise de l'aventure du loup-garou la semaine dernière. Elle n'a pas très envie de risquer à nouveau sa vie.

Elle regarde Ravi. Le bleu la dévisage avec la même espérance pleine d'intensité que les apôtres en voyant Jésus descendre sur Terre au milieu de l'Apocalypse. Elle devrait se sentir flattée qu'il se tourne vers elle plutôt que vers le prêtre qui joue les exorcistes pour impressionner les villageois. Seulement, l'idée de devoir gérer la situation de crise ne l'emballe vraiment pas.

Chroniques d'un hôtel souterrainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant