Nuit de zombis (4/4: Karine, chasseuse de zombis)

8 3 15
                                    

Le chien doit avoir des tendances anticléricales (ce qui ferait sens étant donné les convictions politiques de son maître), car c'est le prêtre qu'il choisit d'attaquer.

Le serviteur de Dieu doit sa survie à un réflexe prodigieux – peut-être a-t-il une vraie expérience en manifestations paranormales, après tout. Il brandit son crucifix avec la même adresse que d'autres auraient dégainé un flingue.

Le crucifix, hélas, n'a pas la même efficacité qu'un flingue contre un berger allemand enragé.

Visant la main, le chien mord en plein dans le crucifix. Les doigts échappent de très peu aux crocs féroces. Le crucifix tient bon. Le prêtre, lui, lâche prise. Il n'est pas fou ; démon ou pas démon, il comprend que l'ennemi est de taille, aussi détale-t-il en courant.

Représentant de Dieu : 0. Chien supposément possédé par le démon : 1.

Le berger allemand mâche la petite croix en bois, la recrache, et se tourne vers Karine, Ravi, le complotiste et Lechevalet qui tient toujours son dictionnaire sous le bras.

– Mais faites quelque chose, bon sang ! On vous paie à quoi ?

Karine ravale sa salive et son sens du devoir. Elle pousse l'universitaire sur le berger allemand.

L'homme et le chien ont l'air aussi surpris l'un que l'autre. Le premier s'écroule sur le second, qui se ressaisit vite et mord l'agresseur involontaire à la cuisse. Lechevalet hurle. Le dictionnaire tombe, pile-poil sur la tête du chien – qui reste étourdi une fraction de seconde. Karine profite du répit pour envoyer un violent coup de pied dans la gorge de l'animal enragé.

C'est à ce moment que la lumière du couloir s'éteint.

Il n'y a eu aucun préavis. Le couloir était bien éclairé, puis, l'instant suivant, il fait tout noir. Le phénomène ne nécessite pas d'explication : ils se trouvent au niveau moins six, la Galerie maudite.

Déstabilisée, Karine perd tous ses repères. Son pied continue dans sa trajectoire, mais ce n'est pas la gorge du chien qu'elle atteint – du moins c'est ce qu'elle suppose lorsqu'elle entend l'universitaire crier de douleur.

Plus loin dans le couloir, un bruit sourd suggère que le prêtre a glissé dans sa fuite et qu'il vient de s'étaler par terre.

Ravi fait ce que peut faire un nouveau qui n'a ni l'expérience ni les nerfs pour ce genre de situation : il hurle.

Il hurle de terreur à en faire vibrer les tympans de Karine.

Presque simultanément, c'est un méli-mélo sonore de portes qui s'ouvrent, de voix furieuses qui jaillissent :

– Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

– Pourquoi il n'y a plus de lumière ?

– C'est un hôtel ou un cirque, ici ?

Les pupilles de Karine commencent à s'habituer à la pénombre – heureusement qu'il y a les voyants SORTIE DE SECOURS qui crachent leur lumière verte au niveau du plafond. Elle parvient à distinguer les silhouettes autour d'elle : Ravi pétrifié et hurlant, des formes au sol qui doivent être le punk et l'universitaire, le frêle complotiste qui tremble comme un roseau en pleine tempête, et...

Nom d'un petit bonhomme. Il est où le chien ?

C'est le glapissement du complotiste qui l'avertit. En baissant les yeux, Karine aperçoit un quadrupède dont la tête se maintient férocement au niveau de l'entrejambe du malheureux.

– PUUUUUTAIN, PAS MES COUILLEEES !

Karine ne réfléchit pas. Elle attrape son marteau, et frappe. Elle vise ce qui semble être l'emplacement de la tête du chien, de toutes ses forces. L'animal ne lâche sa prise qu'après le deuxième coup. Il tourne la tête vers la réceptionniste. Stimulée par la peur, Karine frappe de plus belle. Le grognement se métamorphose en couinement. Karine ne s'arrête pas. Elle frappe, encore et encore, jusqu'à ce que l'animal s'écroule, jusqu'à ce qu'elle soit certaine qu'il ne se relèvera plus.

Chroniques d'un hôtel souterrainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant