Vie

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Je pousse un cri, et François se retourne brusquement et écarquille les yeux. 

- Ah, ah c'est quoi ça ? 

- C'est le moment ! 

- Attend va dans la voiture ! Nan ? Tu veux que je t'accompagne ? Mais le sac ! 

- Je vais dans la voiture, prend le sac dépêche-toi !! 

- Oui, c'est ça ! 

Il part en courant, avec la plaque de cuisson allumée. Par hasard, je le remarque et la coupe immédiatement puis je me dirige vers la sortie et essaie tant bien que mal de courir avec mon gros ventre et les contractions qui s'accélèrent. François arrive rapidement derrière moi, et nous arrivons à la voiture. 

- Merde les clés ! 

- Dépêche-toi s'il te plaît !! 

Il part au quart de tour et revient au bout d'un court instant qui m'a semblé durer une éternité. Nous montons dans la voiture et François démarre rapidement. Il a le permis depuis peu, il est toujours très prudent sur la route, mais là, il ne fait pas trop attention et roule de plus en plus vite. Durant le trajet, il me demande au moins 5 ou 6 fois si je vais bien, si je sens quelque chose. Je le sens extrêmement stressé, plus que jamais. Je ne me sens pas non plus très à l'aise, je suis terrorisée à l'idée d'habiter. Je ne me sens pas prête à donner vie à ce bébé. Je réalise maintenant l'ampleur de ce que je m'apprête à faire. Nous arrivons à l'hôpital et François sort de la voiture et m'aide à descendre. Il me tient le bras et m'accompagne jusqu'à l'entrée. Une petite femme nous accueille : 

- Bonjour messieurs, mesdames ! 

- Ma femme va accoucher madame ! Elle va accoucher ! 

- Très bien monsieur, calmez-vous s'il vous plaît. Madame venez, nous allons vous prendre en charge.

-Merci.

François commence à nous suivre mais la femme l'arrête.

- Monsieur, vous devez patienter ici. Une infirmière va venir vous apporter une blouse pour le moment venu.  

- Quoi ?

- François...

-Louise..

Nous nous séparons sur ça, et je me retourne et vois son air abattu, dépité, complètement chamboulé. Il est tellement stressé, il a les yeux qui brillent. Je crois voir une larme couler sur sa joue. Je suis maintenant trop loin pour le voir, la dame me conduit jusqu'à ma chambre. Elle me tend un changement et sors pour que je puisse l'enfiler. Je n'ai qu'une envie actuellement : être aux côtés de François. C'est le seul ici qui pourrait me calmer. Je suis très stressée et le bébé semble très pressé. A tel point que je me retrouve très rapidement à accoucher. Je vous passe les détails qui sont pour moi intimes. Les sages femmes se sont placées autour de moi et s'apprêtent à me faire mettre bas. Je hurle de douleur, de panique que je veux François sinon je n'accouche pas.

Je ne sais pas vraiment ce que j'ai pu dire d'autre, je me souviens juste de ça : moi, agonisant presque et hurlant le nom de François et répétant "je peux pas, je peux pas". Une sage femme m'a prise par la main en murmurant : je suis là madame, je suis là.

Je me disais "mais est-ce qu'ils vont finir par m'écouter?" 

C'est au bout de mes cris incessants qu'elles font entrer François qui arrive directement auprès de moi et me prend la main. Il la serre contre lui, l'embrasse. Je pleure et dis : 

- Je te jure que je vais pas y arriver j'en suis pas capable...

- Si, écoute mon amour, tu peux le faire. Regarde-moi, tu en es capable, je te le jure.

- Allez madame, il va falloir pousser. 1-2-3...

Je pousse, je suis à bout de force. Cela me fait si mal, nous n'avons même pas pu avoir la péridurale donc je sens très bien le bébé passer. Je hurle, François est à côté de moi et ne cesse de m'encourager. Il pleure et enlève les cheveux sur mon front pour l'embrasser. 

- Allez, Louise ! Vas-y, tu peux le faire ! Montre-leur que tu es bien plus forte qu'ils ne le prétendent ! 

Une dernière phrase, je comprends immédiatement le sens de celle-ci. Il parle de mon père et sa poufiasse. C'est bête, mais ces mots m'ont permis de pousser, tellement fort alors que je suis à bout. 

Je me crois capable, suite à ces mots, d'être forte. Je me sens tellement vulnérable et forte à la fois. C'est un sentiment étrange, et l'envie de montrer que j'en suis capable à tous ceux qui disent le contraire me pousse à ne rien lâcher, même si je suis presque persuadé que je n'y arriverais pas. 

- C'est un garçon ! Dit une des sages-femmes. 

Elle prend le bébé, coupe le cordon et l'essuie délicatement. Il ne pleure pas, ce qui a le don de m'inquiéter, malgré le peu de force qu'il me reste. La dame lui tapote le dos et au bout de quelques secondes, ses pleurs se font entendre. Je pousse un soupir de relâchement. 

Durant ce petit temps, je me rends compte que je n'ai plus prêté attention à François. Je me sens complètement vide, au sens propre comme au sens figuré. Je me tourne vers lui et il pleure, pleure sans s'arrêter. Il ne lâche pas du regard le bébé et lorsqu'il entend que c'est un garçon, il saute de joie et me prend dans les bras. 

- Louisa, c'est un garçon !! Louisa ! On est parents !! 

Je hoche la tête mollement puis je ferme les yeux et ma tête tombe sur l'oreiller. J'ai tout juste le temps d'entendre un long bip puis plus rien. Plus un seul bruit. Le néant total. 


Lorsque j'ouvre les yeux, je suis seule, complètement seule. Je n'ai ni mon fils, ni mon copain. Je tourne la tête dans tous les sens en espérant voir quelqu'un. Je hurle tandis que je me trouve dans un grand tunnel, il n'y a pas un bruit, juste un long bip, qui ne s'arrête pas. Lorsque je me retourne, j'aperçois le bout du tunnel, juste une lumière aveuglante. Je cours alors dans sa direction, mais je cours sur place. Plus je cours, plus je suis défini en arrière. Je tente alors de me débattre, comme pour empêcher quelqu'un ou quelque chose de me retenir. 


De nouveau, le noir total. Le son ne s'arrête pas lui, en revanche. Il ya toujours ce bip incessant qui m'assourdit. 


(1080 mots) 

Nous deux ( TOME 1 )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant