Chapitre 1 Kane

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Kane

Dernière ligne droite. Dernière course avant la prochaine. Voilà 24h que je bouge non stop et l'adrénaline est au maximum. J'adore ces moments. Les autres font un relais, pas moi. Je suis un solitaire. Je me connais par cœur de plus je ne fais confiance qu'à moi. Je vis ma vie à 100 à l'heure. Je passe la ligne d'arrivée. Je ne suis qu'à mi-parcours mais c'est tout ce que j'ai pu négocier pour faire cette course tout seul. Je viens de récolter 25 000 $ pour un village au centre d'Afrique où j'ai passé un an. Avec cet argent, ils vont pouvoir installer un circuit d'eau potable.

Hier en Afrique, aujourd'hui en Argentine, demain ailleurs mais toujours avec le même objectif : aider les autres sans rien attendre en retour.

J'attends mon vol. J'en profite pour allumer mon portable. Je fais un fois de temps en temps pour prendre des nouvelles de mon grand-père, la seule personne de ma famille qui compte pour moi. Je lui raconte mes aventures car il est le seul qui s'intéresse à ma vie.

Il y a longtemps que je n'avais pas eu autant d'appels en absence. Je comprends que quelque chose s'est passé. Pas mon grand-père ! Par pitié ! J'ai l'impression de recevoir un coup de massue quand j'entends que ce que je craignais le plus au monde est arrivé. Mon père me l'annonce avec son manque de délicatesse habituel et me demande de rentrer le plus tôt possible. Mon grand-père est mort ! Je ferme les yeux pour le voir, souriant, bien vivant. Mon cœur se serre. Mon grand-père est mort. Je prends de grandes inspirations pour tenter de me calmer. Mon grand-père est mort ! Je le répète plusieurs fois mais mon cerveau semble ne pas vouloir intégrer l'information. Pourquoi maintenant ? Pourquoi si vite ? Mille questions se bousculent dans ma tête et d'un coup, je ressens la fatigue de ces dernières années me rattraper. Il faut que je le voie une dernière fois. Je dois rentrer, sauf que mon grand-père était ma maison, ma famille, mon tout !

Dans l'avion, je dors un peu. Mes souvenirs me perturbent. J'aimerai que ce soit un cauchemar mais les notifications de mon portable me prouvent que c'est bien vrai. Je me rendors. Je voudrais ne garder de cette vie que les jours heureux passés avec lui. Les autres viennent parasiter mes rêves : mes parents, deux égoïstes qui ne vivent qu'à travers le regard des autres, mon frère, demi-frère, jaloux comme ce n'est pas possible et surtout Morgane, mon ex, la personne la plus fausse que je connaisse. Ils représentent à eux quatre tout ce que je déteste dans ce monde et la raison de mon départ cinq ans plus tôt.

New York, la ville qui bouge sans arrêt, comme moi. Dès que je quitte l'aéroport, je me sens oppressé. Pour la première fois depuis des mois, voir des années, je regarde l'heure. Pas le temps de me changer, je file à l'église dire au-revoir à mon grand-père. La circulation est infernale. Je profite du trajet en taxi pour réserver un hôtel avec terrasse pour dormir à la belle étoile. Je ne supporte plus les murs, j'ai besoin d'air. J'envoie un message à mon père pour lui demander de m'attendre, sans réponse.

Devant la petite église, il y a beaucoup de monde. Je dois jouer des coudes et une fois devant, je dois m'annoncer pour rentrer. La cérémonie a commencé, les portes sont fermées. C'est vrai que je ne ressemble pas vraiment aux autres Thurston avec mon t-shirt, mon short, mes baskets usées et ma barbe et mes cheveux trop longs ainsi que mon sac à dos. Une fille sort, elle pleure à gros sanglots et prend une grande inspiration. Je secoue la tête. Peu importe. Il faut que je rentre. Je montre mon passeport. Bingo ! Me voilà enfin dedans. Un air mélancolique m'accueille. Une chanson aux paroles de circonstance. Je souris. Je ne savais pas que mon grand-père aimait le rock. Les mots résonnent en moi et me clouent sur place. Je sens ma gorge se nouer. Une larme m'échappe puis une deuxième. Je suis planté au milieu de l'allée à pleurer comme un enfant, enfant que je ne serai plus puisque mon grand-père est parti. Le morceau se termine enfin. Je respire à nouveau. J'entends des murmures autour de moi. Je sens les regards sur moi. Je n'en ai plus l'habitude, mais je me souviens que c'est comme ça ici. Ils pensent que je me suis perdu, que je ne suis pas à ma place. Mon père apparaît devant moi. Comment je le reconnais malgré son visage déformé par le botox et son teint orangé ? Grâce à son regard qui n'a pas changé et qui me renvoie combien je suis un minable à ses yeux. Il me dévisage de pied en cape puis grimace de dégout.

L'élixir du bonheur Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant