Chapitre 6
Kane
J'avais entendu à la radio que la tempête approchait à grand pas et j'ai regardé Azra dormir puis j'ai entendu la voix de mon grand-père m'interdire de la laisser seule. Ma raison, elle, me poussait à ne pas en tenir compte : c'est une adulte... une adulte adorable, fragile et sensible qui a perdu son pilier et qui est seule. Je réalise que je deviens SON pilier mais suis-je vraiment le mieux placé pour jouer ce rôle ? Je suis un solitaire. Mon grand-père nous pousse l'un vers l'autre. Qu'attend-il de nous ? De moi ? Faut-il que je prenne sa place auprès d'Azra ? À l'agence ?
Nous sommes assis l'un en face de l'autre, à table, avec devant nous une dizaine de plats qui dégagent des odeurs délicieuses. Azra me raconte qu'elle passait ses dimanche à cuisiner des plats turcs pour mon grand-père. Il lui disait que ça lui rappelait Zeynep.
Comme la veille au fastfood, elle dévore. Didi est épuisée, elle n'a quitté son panier que pour manger.
- C'était une magnifique journée, merci, me dit Azra.
- Ça m'a fait du bien aussi. Je pense envoyer quelques photos à un magazine avec lequel je bosse.
- Bonne idée.
La lumière s'éteint tout à coup.
- Tu n'as pas peur du noir ? demandé-je.
Elle m'éclaire avec son portable.
- Juste de l'orage.
- Je te montrerai des photos que j'ai prises pendant des orages, elles sont magnifiques.
- Avec plaisir.
Elle sort des bougies et des allumettes. Bientôt la maison revêt une ambiance très romantique. Elle m'indique que c'est elle qui a fait les bougies et qu'elles sont parfumées.
- J'ai des choses à faire avec des plantes que j'ai ramassées tout à l'heure, m'informe-t-elle à la fin du repas.
- Je vais chercher mon ordinateur dans la voiture pour transférer les photos.
- N'oublie pas qu'on a plus d'électricité.
- J'ai l'habitude. Je le charge toujours la nuit. Toujours prêt !
Elle rit. C'est plaisant de la voir heureuse. Je secoue la tête. NON !
- Je vais dans ma chambre. Fais comme chez toi.
- Merci.
Je passe l'heure suivante à transférer mes phots. J'en profite pour en prendre de nouvelles de cette atmosphère apaisante. Je ris en voyant une photo de Didi, courant, les babines relevées. Elle est vraiment un clown. On a du mal à croire qu'elle appartient à une race de chien dite « dangereuse ». J'ai envie de partager ce cliché avec Azra avant de ne plus avoir de batterie. Je frappe à sa porte. Sa chambre est la seule pièce qu'elle ne m'a pas montrée pendant la visite, prétextant du bazar. Je frappe une nouvelle fois. Pas de réponse. Alors je pousse la porte. Waouh ! C'est magnifique. Un lit à baldaquin ancien est éclairé de centaines d'étoiles lumineuses et décoré d'attrape rêves géants. Au sol, il y a des tapis partout. Et au mur, des photos... Comme elle ne m'a pas vu, je rentre. Les tapi sont aussi moelleux que je m'y attendais. Les premières photos que je vois sont celles de sa famille et de mon grand-père, certaines étaient dans l'album qu'elle lui a offert. Ensuite il y a des photos d'école où est entouré celui que je devine être Charly et où sont relookés la plupart des autres à coups de stylos. Et enfin, des photos que je connais trop bien... puisque c'est moi qui les aies prises. Je me souviens que mon grand-père m'en a fait signer une pour une « amie ». C'était elle. Il y en a cinq en tout : une en Afrique avec des enfants, un dans la jungle, une au Mexique, une de la mer et la plus grande : celle du port d'Istanbul. C'est étrange ce que je ressens là tout de suite devant ces clichés. Je n'arrive pas à décrire mes émotions.
Je jette un coup d'œil à Azra. Elle n'a toujours pas bougé. Elle est concentrée sur ses fioles. En m'approchant, je constate qu'elle a des écouteurs. Elle balance sa tête au rythme de la musique et se met à chanter. C'est très faux mais c'est touchant de constater qu'elle y met tout son cœur. J'attends la fin de la prestation pour lui taper sur l'épaule. Elle sursaute en poussant un cri. Je ne peux m'empêcher de rire. Pas elle ! Elle retire ses écouteurs et me fusille du regard.
- Qui t'a permis d'entrer ?
- J'ai frappé deux fois, me défendé-je.
Elle regarde en direction des photos, gênée. Elle se dépêche de se justifier :
- C'est Franklin qui me les a offertes pour mon anniversaire.
Je jette un coup d'œil circulaire à la pièce. J'en conclus que c'est la présence des photos la véritable cause de l'éviction de sa chambre lors de la visite. Je la rassure.
- Je suis touché.
- Cool ! Et tu voulais quoi ?
- Juste voir à quoi ressembler ta chambre, la taquiné-je ce qui me vaut une tape sur le bras.
Je ris et avoue :
- Je voulais te faire voir une photo de Didi.
Elle se lève et m'indique la sortie :
- Je te suis.
Assis sur le canapé, nous regardons l'ordinateur. Elle éclate de rire en voyant le cliché. Je lui en ferai un agrandissement dès que je rentrerai en veille. En ville ! Je secoue la tête. Je n'ai pas envie de penser à ça maintenant. Je lui montre les autres photos.
- Tu es doué ! C'est magnifique !
- Quand les sujets sont beaux, ce n'est pas difficile !
- Tu arrives à faire sortir la beauté même dans des endroits où on ne les attend pas. Tu es un peu un magicien !
- La beauté, c'est subjectif.
- Non mais regarde, même ma chienne est craquante !
Je clique sur la dernière photo, un portrait d'elle.
- Il y a aussi un très beau portrait de toi !
Sur le cliché, elle lève la tête pour observer quelque chose dans un arbre. Je tourne la tête vers elle. Elle a les larmes aux yeux.
- Ça va, m'inquiété-je.
- C'est juste que j'ai du mal avec les photos de moi, mais celle-là ! Waouh !
- Tu es un magnifique modèle Azra !
- Oh ! Tu as dû en voir des bien plus jolies ! Tu es bien sorti avec un mannequin fut un temps, non ?
- Oui et je me suis vite lassé. Je n'ai pas pris de photos d'elle, elle manquait cruellement d'âme !
Elle grimace en se retournant vers moi.
- Regarde moi ! Je ne ressemble à rien ! Mes cheveux sont termes ! Mes joues et...
Je pose mon index sur sa bouche.
- Toi, tu es une des plus belles personnes que j'ai rencontrée et au moins, tu ne fais pas semblant.
Elle sourit sous mon doigt. Elle rougit. Quand je la libère, elle s'approche de moi en regardant l'ordi. Je tourne la tête. Nos lèvres ne sont plus qu'à quelques centimètres l'une de l'autre. Je sens sa respiration saccadée sur mes lèvres. Le temps semble s'arrêter. Nos regards se cherchent. Son odeur envahit mon espace. C'est un mélange floral et vanillé. Envoutant. Je ferme les yeux et attend. Je ne veux pas franchir la ligne. C'est à elle de le faire et j'ai envie qu'elle le fasse. Mais contre toute attente, elle m'embrasse sur la joue. Ça se passe si vite que je n'ai pas le temps de réagir. Quand je rouvre les yeux, elle est déjà partie. J'entends juste sa porte se fermer. Je reste là, sans bouger pendant un moment, la main sur la joue à me demander si c'était vrai. Ai-je rêver ce moment ? Mon ordinateur s'éteint. Je décide alors de m'allonger. Didi me rejoint sur le canapé, me ramenant au présent. Elle me réclame des caresses. Elle est moins peureuse que sa maîtresse. Je ferme les yeux et la seule chose que je vois c'est cette magnifique jeune femme qui lève la tête en souriant et dont je rêve de goûter les lèvres. Ma famille a peut-être raison : elle doit être une sorcière car je commence à succomber à son charme !
Une complication de plus !
VOUS LISEZ
L'élixir du bonheur Tome 1
RomanceQuand Franklin décéde, il donne à son petit fils et sa jeune meilleure amie Azra l'agence publicitaire qu'il a créé à une condition : faire semblant d'être mariés pendant un an et surtout faire accepter leur couple. Mais pourquoi ? Simplement pour...