Chapitre 13 - De l'hiver à l'été en un voyage

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« 2 mars,

Pour fêter mon anniversaire, William a proposé qu'on sorte au cinéma, parce qu'il a compris que mes parents n'accepteraient pas qu'on se voit tous les deux. J'étais angoissée à l'idée de me retrouver seule avec lui, mais il a su en quelques mots calmer mes craintes. Depuis que j'ai réalisé que je l'aimais bien plus que comme un ami, j'ai dû mal à le regarder dans les yeux et il m'était impossible d'envisager de lui en parler. J'ai peur de briser ce petit truc entre nous. Pourtant, vers la fin du film, ma main s'est posée sur la sienne par mégarde. Et juste avant que je ne la retire, il a entrelacé ses doigts avec les miens et ne les a plus lâchés de la soirée. Rien que d'écrire ce moment me rend toute chose, et mes mains tremblent d'excitation. Je ne peux pas garder tout ça rien que pour moi plus longtemps. Il faut que je sache si mes sentiments son réciproques. »


Patientant tranquillement dans la file d'embarcation, Evan se demandait encore si sa présence dans ce voyage était réellement nécessaire. Il se sentait de trop, à côté de ces trois Classés enthousiastes à l'idée d'aller en Australie. Il jeta un œil vers sa voisine qui ne pouvait s'empêcher de relire son billet de navette, pour s'assurer qu'il n'y avait aucune erreur. Il remarqua l'inhibiteur à son poignet comme à celui de Jude et Leag. Cet accessoire était obligatoire pour le vol, pour garantir la sécurité des passagers et de l'appareil. Le tatoué avait pesté tout bas lorsqu'on lui avait remis le sien, mais Annabelle s'était simplement contentée de le clipser sur elle sans un mot.

Et très vite, l'étudiant avait remarqué les regards tournés vers eux, parce que cette entrave ne faisait que les rendre encore plus visibles. Lui-même se rendit compte que c'était la première fois qu'il se trouvait en présence d'autant de Classés en même temps. Mais si lui s'accommodait de leur présence, sans ressentir de gêne particulière, il n'avait pu ignorer le retrait créé par les passagers derrière eux, marquant une sorte de distance de sécurité. Ce détail n'avait pas échappé à Annabelle, mais elle n'avait rien dit.

Au cours des derniers jours, elle s'était activée pour obtenir une autorisation de sortie de territoire pour Jude dont la tutelle était toujours assurée par les Walker, mais aussi par son agent de probation. Cette dernière était même venue faire une visite de contrôle et avait assommé la jeune femme de questions sur les motivations d'un séjour décidé à la dernière minute. Pour obtenir l'approbation, elle avait tenu Leag à l'écart, car elle était certaine que sa présence en ville anéantirait toutes ses chances de trouver un accord. Mais par chance, l'agent de Jude s'était montré de bonne foi, tout comme Jude qui s'était dévoilé sous un de ses meilleurs jours.

Le portique sonna une première fois au passage d'Annabelle qui soupira d'agacement. Le son avait attiré l'attention sur elle et elle savait pertinemment où ils dirigeaient leur regard. Puis, quand le portique sonna de nouveau, c'était lors du passage de Leag. Le jeune homme s'amusa de la situation et se laissa fouiller avec un sourire narquois sur le visage, au grand dam de Jude qui le fusillait du regard.

Voulant détendre l'atmosphère, l'étudiant se pencha vers Jude à côté de lui et murmura :

- Fais attention. À le fixer comme ça, on pourrait penser que tu en pinces pour lui.

Subitement, le visage du tatoué s'assombrit et il tourna le dos. Evan, ne sachant plus où se mettre, revint vers Annabelle avec une expression pincée. Il avait voulu briser la glace avec Jude et s'y était visiblement mal pris. La jeune femme le questionna du regard, mais il se contenta de hausser les épaules.

Ils embarquèrent tous les quatre à bord de la navette sans encombre. L'appareil qui remplaçait progressivement les avions depuis une quinzaine d'années était un modèle légèrement plus petit, doté de six hélices placées à l'horizontale et de deux étages pour accueillir un maximum de passagers. Ce type d'appareil survolait l'océan à quelques dizaines de mètres en l'air, parfois plus haut lorsqu'il s'agissait de traverser plusieurs pays. Il existait un autre type construit sur le même principe, mais avec des propulseurs permettant de quitter l'atmosphère et de rejoindre la station orbitale Athéna.

Annabelle Storm - Les Oubliés de l'EmpireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant