Chapitre 19 - Les indiscrétions

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Depuis sa nomination, Cemalis ne chômait plus. L’Empereur l’avait extirpé de son dortoir et avait mis à sa disposition un petit appartement au sein de la Grande Maison, un peu plus grand que son ancienne chambre et nettement plus confortable, avec des murs plus épais. Il lui avait fallu trois jours pour enfin dormir sereinement et trois de plus pour faire des nuits complètes, sans cauchemars, même s’ils revenaient parfois. Ce changement avait eu toutefois quelques effets positifs. Elle avait repris des couleurs, du poids et retrouvé assez d’énergie pour enchaîner ses journées de travail.

Elle avait été surprise de constater que la soirée d’ivresse de Freïji n’avait aucune troublée sa mémoire. En homme borné et de parole, il avait réitéré sa proposition de l’embaucher et de la délivrer du joug d’Olvia. Cette dernière avait également été conviée à l’entretien et n’avait pas du tout apprécié cette décision. L’intendante en chef avait contesté l’idée, mais face à l’Empereur elle ne pouvait rien décider. Le choix était revenu à la jeune femme qui avait hésité avant de saisir cette nouvelle opportunité.

Si on lui avait dit par avance ce qui l’attendait, elle aurait sans doute décliné.

Depuis plusieurs semaines, Cemalis était devenue une sorte de référente de L’Empereur. Il croulait sous le travail et s’était laissé débordé, faute de savoir s’organiser. Elle l’aidait avec la paperasse en lui faisant de brefs résumés des sujets à traiter et son expérience dans l’administratif avec Olvia avait fait d’elle un as du classement. Elle gérait son agenda, ses déplacements et voyant que Freïji fuyait sciemment certains administrateurs de l’Empire, elle transmettait les messages. Désormais qu’elle était au cœur du sujet, le dirigeant dévoué qu’elle avait cru découvrir au premier abord était surtout un homme quelque peu dépassé par sa situation et dont l’attention pouvait dévier vers de la rêverie lorsqu’elle s’adressait à lui pour faire des comptes-rendus.

En conclusion, il y avait encore beaucoup de travail dont elle ne saisissait qu’à peine l’ampleur. Toutefois, elle prenait sa mission très à cœur. Si son assistance pouvait aider son supérieur à être un dirigeant aussi digne que l’était Morlia, cela valait le coup de ne pas compter les heures.

De plus, lorsqu’il était en déplacement, elle était libre de faire ce que bon lui semblait, et cela pouvait durer parfois plusieurs jours. Elle avait mis à profit ce temps précieux pour prendre soin d’elle et sortir de la Grande Maison. Libre de toute charge, elle aimait errer dans les rues commerçantes d’Andrigar, la ville centrale de l’Empire. Freïji avait également très généreusement amélioré sa situation financière, si bien qu’elle n’était pas certaine que sa mère eût pu gagner autant par le passé. Et étant nourrie, logée et blanchie, elle pouvait succomber à toutes ses folies. Néanmoins, elle mettait précieusement une partie de ses gains de côté avec l’espoir de pouvoir prochainement l’utiliser contre un séjour sur Terre. Ses amis lui manquaient beaucoup trop pour passer à autre chose.

La grande métropole était un élément très vivant d’Organtia. Elle était construite sur une vaste plaine autrefois dépourvue de la grande faille qui l’avait tranché net en deux parties distinctes. La Grande Maison se trouvait au milieu du quartier ouest, entourée par une partie du QG de la milice et des quartiers administratif. Toute la gestion politique était regroupée à cet endroit. Le reste était divisé en quartiers commerciaux, lieux de divertissements, écoles et habitations.

Un jour, Cemalis avait trouvé une vieille librairie, un bâtiment modeste qui descendait dans le sol pour gagner en superficie. En s’y introduisant, sa première pensée avait été pour Annabelle. Son amie se serait plu à visiter les rayonnages à la recherche de sa prochaine lecture. Celle d’une aventure, elle avait songé. La Croisée était une adepte des épopées et des légendes héroïques. Cemalis s’était ensuite promis qu’à l’occasion, elle ferait venir Annabelle ici, rien que pour la voir s’émerveiller. Le dernier souvenir qu’elle avait d’elle était celle d’une figure triste et épuisée.

Annabelle Storm - Les Oubliés de l'EmpireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant