Annabelle Storm - Les Oubliés de l'Empire

Chapitre 22 - Du sang pour un ami (Partie 2)

Les trois Classés se préparèrent, intrigués.

— En échange d'une entrevue avec ton amie, je te libère de ton contrat, Anderson. On annule tes prochains duels et je te dédommage d'un pourcentage des gains prévus. Tu sais que j'en ai le pouvoir.

— Les Classés prêts à se mettre sur la tronche pour un peu d'argent ne courent pas les rues, répondit Thomas, méfiant. Tu serais prêt à te séparer de moi ? Un entretien avec Annabelle vaut-il tant que ça ?

Mais avant que Tibère ne lui réponde, Annabelle lui passa devant.

— C'est d'accord !

— Quoi ? Non ! s'interposa Thomas.

Elle se retourna vers lui, le défiant de ses yeux vert-gris. Même s'il était plus costaud, il n'était pas beaucoup plus grand et il émanait d'elle une aura menaçante qui l'empêcha d'insister.

— Si parler seule à seule avec cette femme peut te libérer toi en plus d'Evan, alors j'irai.

— Tu es sûre de toi ? demanda Jude, en retrait, mais non moins préoccupé.

— Ça ne m'enchante pas plus que vous, c'est clair. Mais, le libérer, c'est aussi garantir la sécurité de ses sœurs et sa propre survie, énonça-t-elle. Si on peut faire d'une pierre deux coups, je suis prête à prendre le risque.

Par chance — ironiquement — Jude ne pouvait pas lire en elle la terreur qui lui tordait l'estomac. A contrario de l'attentat, elle avait conscience des risques qu'elle encourait à se rendre seule face à l'une des personnes les plus influentes de la ville, si ce n'est du pays, qui se trouvait être intouchable juridiquement tant les pots-de-vin devaient couler dans les mains appropriées. Elle estompait ses tremblements nerveux en contrôlant son souffle et ses tics trompeurs.

— On reste ici et on ne partira pas sans toi, dit Thomas en croisant les bras sur sa poitrine pour se donner de l'assurance.

— Je reviendrai avec Evan, promit-elle avant de se tourner vers Tibère. Allons-y, et tenez votre parole concernant le contrat de Thomas.

Ils empruntèrent un large ascenseur qui pouvait facilement contenir une dizaine d'individus. Il n'y avait qu'eux, ainsi qu'une femme en uniforme qui servait de groom. C'est à elle que s'adressa Tibère pour lui désigner l'étage. Elle avait acquiescé respectueusement et le silence était retombé sur eux. Tandis que les niveaux défilaient, Annabelle sentit un frisson la saisir dans la nuque et comprit un instant trop tard qu'il s'agissait du contact froid d'une prothèse de l'homme sur sa peau.

Elle s'écarta d'un coup, remarquant la curiosité qui l'avait pris. Cet homme ne devait pas avoir plus de trente ans, mais entre les traits de son visage et les cernes sous ses yeux, tellement plus profonds que les siens, il en paraissait quinze de plus. Son allure avait quelque chose de morbide et répugnant, loin de l'image mentale que lui avait transmise Thomas durant le trajet. Il l'avait décrit comme étant le seul membre du Concilium à qui il accordait du crédit, un homme sûr et consciencieux. Ce n'était pas un sentiment partagé par la jeune femme.

— Il paraît que vous êtes marqués par les Dafraechnir, dit-il de sa voix cassée.

Elle comprit pourquoi il lui avait touché la nuque et porta machinalement la main à l'endroit où elle avait effacé toute trace de maquillage. Elle avait envisagé qu'elle puisse servir en pareilles circonstances, mais n'espérait pas avoir à le faire. Elle ignorait si ce genre de groupe accordait de l'importance à un Clan dont l'influence ne dépassait pas les frontières de l'Empire.

— Qu'est-ce que Thomas vous a dit à mon sujet ?

— Rien de plus que cela, en guise d'avertissement, dit-il en reprenant une allure plus stoïque. Je connais l'existence de cette marque, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'en avoir une sous les yeux. J'ai été tenté de la voir.