Annabelle Storm - Les Oubliés de l'Empire

Chapitre 5 - L'indésirable (Partie 2)

* * *

- Je vais le tuer !

- Tu pourrais éventuellement le gronder avant d'en arriver à un tel extrême, suggéra Gloria en pénétrant sur le parking du poste de police.

Annabelle avait à peine eu le temps de tremper ses lèvres dans la tasse de café fumante que son téléphone avait sonné avec, à l'autre bout du fil, un agent de police particulièrement mal embouché. Dès qu'on lui avait exposé tous les faits qui étaient reprochés à Jude, elle avait compris à quel point son cas venait de s'aggraver et son agent de probation ne devait absolument rien savoir s'il tenait à rester sur Terre jusqu'à la fin de sa peine. C'est également pour empêcher cela qu'elle avait supplié Gloria de l'accompagner. En tant qu'avocate, elle était très bien placée pour s'occuper de l'affaire et trouver un terrain d'entente avec le procureur. Sa voisine portoricaine n'avait pas longtemps hésité avant d'attraper son sac et de prendre la route malgré l'altercation de la veille. Il fallait dire qu'Evan s'y était également mis pour la persuader.

- Surtout, ne dis rien, c'est à moi de trouver un compromis, en espérant que la victime ne porte pas plainte contre lui.

- Qu'est-ce qu'il risque d'autre qu'un retour vers Organtia ? demanda Annabelle en dénouant la ceinture de sécurité.

- Je ne saurais te dire. Je ne sais pas encore l'exactitude des faits, mais je suis capable d'émettre une défense assez rapide. Tout d'abord, on le fait sortir d'ici et ensuite, on préparera sa défense pour le tribunal.

- Le tribunal ?

Annabelle s'était arrêtée net derrière Gloria, le visage blême.

- Écoute, Anna, rassura son amie en posant une main sur son épaule, je ferais tout ce que je pourrais pour qu'il y ait peu de charges retenues contre lui. Mais les dégâts qu'il a causés en ville, ça ne risque pas de se louper.

- Je sais, mais... Je ne veux pas qu'il s'en aille.

Malgré l'amertume qu'elle ressentait à son égard concernant son accès de colère de la matinée, elle ne pouvait envisager le voir partir à son tour. Pas après Cemalis et Thomas. Il ne lui restait que lui, le dernier du groupe avec qui elle pouvait tout partager. Ils se soutenaient l'un l'autre dans les pires moments depuis plus que quatre mois pour surmonter ce qu'il leur restait de l'attentat.

- Il n'empêche que je vais le tuer, se ressaisit-elle en reniflant un coup.

Un sourire bienveillant illumina le teint de pêche de la quinquagénaire, accentuant les rides de ses yeux.

- Garde cette énergie. Maintenant, on y va.

D'une main experte, Gloria lissa sa jupe crayon et ajusta le col de sa chemise pour se mettre dans la peau de son personnage, une avocate acharnée du travail. De son côté, Annabelle se sentit minable dans son pull qui sentait encore la transpiration. Elle n'avait pas même pris la peine de recoiffer ses cheveux dont le chignon maladroit tenait à peine malgré les nombreux aller-retour de son élastique. Elle s'assura brièvement n'avoir aucune tâche sur la figure avec le reflet de son portable puis emboîta le pas de son aînée avec la boule au ventre. Se rendre dans un poste de police n'était déjà pas un acte qu'elle appréciait, surtout depuis ses quelques visites dans celui de Wakeford qui lui avait laissé un souvenir amer.

Elles arrivèrent bientôt aux abords du bâtiment lorsqu'une personne fit une soudaine irruption aux côtés de la jeune Classée.

- Bien le bonjour, Annabelle Marceline Joann Storm.

Malgré le fait qu'elle soit sur ses gardes, elle n'avait pas perçu la présence de cet inconnu qui semblait pourtant la connaître. Elle s'immobilisa et détailla brièvement le jeune homme qui faisait de même. Le teint clair, des cheveux blonds et ondulés et des petits yeux bleus dont l'un était doté d'une tâche sombre qui cassait l'harmonie de ses pupilles. Elle eut un mouvement de recul lorsqu'elle eut soudain le souvenir terrifiant du tortionnaire qui avait maltraité sa mère qui se superposa au visage de ce jeune homme. Leur ressemblance était frappante, éveillant en elle le picotement dans ses paumes. Et cette manière dont il l'avait appelé...