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« Si peu de choix pour tellement de causes
Et de conséquences que je ne vis que en plan séquence
Surpris même quand c'est dense »

Je fredonne les paroles de Rêves Bizarres en brossant mes cheveux mouillés. Je les plaque en arrière avec mes mains avant de refaire mon trait d'eyeliner. Je crois qu'une douche ne m'a jamais fait autant de bien que ce soir.

- Faire l'amour sans intervenant ! Par la pensée, confiance et confidences sensées !

Camille chante derrière le rideau de douche opaque alors que je me mets du déodorant. Je m'observe un instant dans le miroir de la salle de bain. Je vérifie que mes piercings sont propres et mon regard se baisse vers le lavabo. Nos vêtements sales trempent dans l'eau mousseuse.

Philippe nous a donc amené jusqu'au gîte de sa femme en nous parlant de sa vie.
Homme blanc, 56 ans, deux enfants, garagiste, marié.
Basique.

Sa femme – Isabelle – nous a alors donné les clés de trois chambres avec un grand sourire. Camille et moi au bout du couloir du deuxième étage, les garçons à l'étage du dessous avec Sacha et Lili.
Je pense qu'on devrait être plus méfiant mais franchement on n'a pas vraiment d'autre option pour ce soir. Et puis les gens gentils ça existe encore, non ?

L'eau de la douche s'arrête et je sors de la salle de bain. Je referme la porte derrière moi et m'avance vers le lit double qui prend toute la place dans la chambre. Il est encadré par deux tables de nuits et nos sacs de voyages sont adossés au mur sous la fenêtre. La vitre donne sur la rue et les rideaux ne sont pas assez opaques pour empêcher les rayons du soleil couchant. La chambre prend des teintes chaudes et je m'assoie sur le bord du lit.
Je regarde ma montre et m'aperçois qu'il est presque 20H. On ne va pas tarder à rejoindre les autres pour manger. Quand mon amie sort de la salle de bain, on décide de prendre les clés et de sortir dans le couloir. L'établissement est plutôt moderne et bien décoré.

Je tourne la clé dans la serrure et vérifie que la porte est bien fermée. On s'avance vers les escaliers quand une porte du couloir s'ouvre devant nous.
Un homme sort en se grattant le dos. Il est à peine plus grand que moi et son regard se pose sur nous. Il porte un débardeur trop petit pour cacher son ventre rebondi et son pantacourt laisse apparaître ses hautes chaussettes blanches. Il a de petits yeux scrutateurs et sa barbe grise mal taillée remonte vers les quelques cheveux qu'il lui reste sur le crâne.

Il me regarde de bas en haut et grimace en voyant mes jambes.
J'avais franchement trop la flemme de me raser et pas l'envie de cacher mes jambes sous un jogging étouffant.
Je porte donc mon débardeur violet rentré dans mon short de sport noir. Son regard remonte vers le mien et j'hausse les sourcils. Il peut juger. Il a le droit et je m'en fous. Mais s'il commence à ouvrir sa bouche, on ne va pas bien s'entendre.

Il doit comprendre le message, car son regard se pose sur mon amie plongée dans son téléphone.
Depuis qu'elle a de nouveau du réseau elle ne le lâche plus. Elle porte sa combi-short.
Je me racle la gorge quand son regard se fait trop insistant sur Camille qui ne le remarque pas. Il ferme complètement sa porte avant de descendre. J'attrape doucement le bras de mon amie pour la guider vers la cage d'escalier.

On descend jusqu'au rez-de-chaussée et on se dirige vers la salle à manger du bâtiment en suivant l'homme devant nous. On arrive dans une grande salle avec quelques tables rondes recouvertes de nappes colorées et de couvert.
Il y a un couple au fond de la pièce et un groupe d'hommes d'une cinquantaine d'année rejoint par l'homme de tout à l'heure. Ils sont cinq au total et parlent beaucoup trop fort pour qu'on puisse les ignorer. On aperçoit les garçons déjà assis autour de la table.
Camille et moi nous asseyons entre Paul et Sofyan alors que Peter est à côté de son meilleur ami.

What if we leaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant